Urbanisme hors-série #80 : Centres anciens : nouveaux enjeux ! Attractivité - Adaptation - AvenirPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : D’éclatants objets du désir
Personne n’a oublié l’époque pas si lointaine où les centres anciens des villes petites, moyennes ou grandes qui font la fierté de notre pays, témoignant de la diversité géographique et de la richesse historique et culturelle, ont été dévitalisés au bénéfice des métropoles régionales ou de leurs propres périphéries étalées.
Des centres abandonnés par leur population et par les acteurs économiques de proximité, au premier rang desquels les commerces, étrillés par la grande distribution ou partis la rejoindre en périphérie. Ils ont alors connu des destins contrastés, indexés sur l’économie locale, souvent devenue résidentielle, et sur le tourisme dans ses différentes composantes, du séjour « international » à la journée « locale ».
Et ces visiteurs, mus par le désir de découvrir ces villes et leur patrimoine, de faire le triste constat de la vacance résidentielle et commerciale, parfois compensée par une économie touristique de cueillette (hébergement) ou de petite marchandise (boutiques).
En philosophie, « l’obscur objet du désir » désigne l’assertion que l’on cesse de désirer ce que l’on possède et que l’on ne désire que ce qui nous manque. Ces centres historiques n’étaient plus désirés par ceux qui y habitaient depuis des générations et qui souvent continuaient de les posséder (logements, commerces, etc.), mais ils demeuraient des lieux de désir pour leurs visiteurs.
Oui, mais depuis quelques années déjà, cette tendance s’inverse dans la plupart des villes concernées, certaines connaissant même une véritable renaissance en accueillant de nouveaux habitants en quête d’aménités, services et vie sociale. Cette attractivité nouvelle ne concurrence pas l’attrait touristique, elle le renforce même souvent.
Mais pour devenir « d’éclatants objets du désir », les centres anciens doivent faire l’objet d’attentions particulières, comme être préservés de toute concurrence périphérique, résidentielle et économique, et surtout bénéficier de mesures et actions en faveur de leur adaptation aux défis écologiques et climatiques (réchauffement) et socio-économiques (vieillissement).
Chacune de ces problématiques constitue pour chacun d’eux de véritables challenges : le renouvellement urbain doit respecter le tissu vernaculaire et l’identité locale, la rénovation énergétique et l’adaptation au grand âge ou au handicap coûtent cher, car elles doivent composer avec la nécessaire protection du patrimoine bâti et les prescriptions particulières qui en découlent.
Sur l’ensemble du territoire national, les initiatives pour apaiser ces centres-villes, les rendre plus accessibles, vivants, solidaires et agréables sont de plus en plus nombreuses et probantes. Toujours, le patrimoine y occupe une place déterminante, parce qu’il incarne un récit territorial et urbain, parce qu’il témoigne d’une adaptation continue à travers les époques et qu’il recèle aussi des enseignements et des promesses pour un futur hautement désirable. Urbanisme #440 : GénérationsPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Il y a soixante ans, un groupe de gamins de Londres – The Who – a contribué à installer le rock comme mouvement de subversion sur le sol européen, en prenant violemment à partie les sociétés conservatrices, dans une chanson dont le premier couplet est conclu par une sentence irrévocable : « I hope I die before I get old (Talkin’ ’bout my generation)… »
Cet appel à la révolte contre des aînés, accusés d’être mus par de bas instincts et de museler la jeunesse et ses idéaux de justice, est une des premières références populaires et médiatiques de saillies comminatoires de la jeunesse contre les générations qui la précèdent. Et d’innombrables lui ont succédé, dont les plus récentes et marquantes sont sans conteste celles de Greta Thunberg.
Des prises de position qui peuvent être considérées comme des réactions en légitime défense face aux continuelles critiques des « adultes » contre la jeunesse et les jeunes, jugés – partout et de tout temps – irresponsables, fainéants, etc.
Si nous avons tous conscience que ce qui vient d’être énoncé n’est que le pur produit de préjugés certes répandus, mais peu robustes, certains journalistes et médias n’hésitent pas à alimenter aujourd’hui le dissensus. Notamment sur les sujets qui le cristalliseraient tout particulièrement : l’écologie et le climat.
Or, comme l’ont démontré de nombreuses enquêtes, les préoccupations environnementales varient moins à travers les âges qu’à travers les classes sociales et niveaux de diplômes.
De même, quand Salomé Saqué affirme que « les jeunes ont rarement voix au chapitre », de nombreux observateurs n’ont aucune peine à lui objecter que, de toute évidence, jamais, avant aujourd’hui, ils n’ont autant eu l’occasion de se faire entendre et de diffuser leurs convictions. Notamment, par la grâce du mass marketing digital, qui place la jeunesse au cœur de la désirabilité acheteuse (cf. les seniors en sneakers et cheveux faussement en bataille des publicités).
Si l’intergénérationnel s’invite dans toutes les réflexions et tous les discours sur l’avenir de la société, des villes et des territoires, difficile de ne pas constater à quel point les marchands de biens et services s’appliquent, au contraire, à stratifier les populations et communautés en tranches d’âge toujours plus nombreuses.
L’exemple le plus connu en la matière étant, sans aucun doute, celui de l’émergence des « pré-adolescents », sous la pression des industries du textile et des loisirs, qui a permis de considérer que l’on devient un consommateur (de mode, de téléphonie, etc.) à partir de 9 ou 10 ans.
Et si la notion de génération se révèle aussi persistante, alors même qu’au quotidien, dans l’espace public, les équipements ou autres, les frontières entre les âges n’ont jamais été aussi ténues et poreuses, c’est sans doute parce que derrière « intergénérationnel » se cache « solidarité » : quand une collectivité met en œuvre une politique ou un projet destiné à une catégorie d’âge, c’est en réalité, presque toujours, pour les populations les plus fragiles qui la composent. Il en est ainsi des politiques de la jeunesse ou du grand âge.
Ce qui pose un double problème : l’intergénérationnel n’est jamais une politique adressée à toutes les générations (pour preuve, l’invisibilité des actifs de 35 à 55 ans), et notre pays reste en attente d’une vraie grande politique de solidarité. Urbanisme NS#5 : Plan de paysage du SCoT de l'agglomération messine / Grand Prix national du paysage 2024PériodiquesAnnée : 2024Auteur : Agnès Pannier-RunacherEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Ce numéro spécial de la revue Urbanisme, réalisé en partenariat avec le ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, présente le lauréat : le plan de paysage du SCoT de l’agglomération messine (SCoTAM) ; avec une mention spéciale au projet de rénovation urbaine du quartier Louvois, à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), et deux autres projets finalistes.
Il propose également un tour d’actualité du paysage au travers d’entretiens avec Henri Bava, président de la Fédération française du paysage (FFP), Grégoire Bassinet, président de l’Association des paysagistes-conseils de l’État (APCE) et Alessia Lefébure, directrice de l’Institut Agro Rennes-Angers, et d’articles sur la nouvelle génération d’atlas de paysages, ainsi que les travaux des chaires Paysage et Énergie, de l’École nationale supérieure de paysage de Versailles, et Territorialisation, de l’École nationale supérieure d’architecture de l’université de Grenoble. Urbanisme #439 : PériphériesPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Le tout pour le tout
Si vous n’en avez pas fait vous-même l’expérience, sans doute avez-vous glosé sur ces points de vue relatifs à « l’exotisme » de l’Hexagone qui se sont généralisés au gré des découvertes imposées par la pandémie. Des propos presque extatiques sur
l’absolu dépaysement vécu dans la Creuse, l’épreuve radicale de l’épicerie du hameau et la « reconnexion avec la nature et les vraies gens ». Comme si ce département, situé en moyenne à quatre heures de Paris, développait plus de matière à dépaysement que New York, les villes littorales de la Thaïlande ou d’autres territoires de la mondialisation effrénée, donc du (sur)connu et parfois – à ce titre – de la déception. Étrange géographie d’un monde globalement aplati et contracté, mais qui se dilaterait et se particulariserait aux échelles régionales. Comme la superposition de deux univers : celui du présent indexé sur le futur, de la vitesse, de l’innovation, de la prospérité, mais aussi du stress (maigre écot à payer pour l’ensemble des bénéfices économiques et sociaux précités), et celui du présent enlisé dans le passé, statique, nécessiteux, mais offrant le bonheur de la vie simple (bénéfice exorbitant des conditions de vies précitées).
Nous pourrions rire ensemble de ces conceptions biaisées par les clichés qui structurent les imaginaires et les perceptions des métropolitains et urbains si elles ne se révélaient pas contagieuses auprès des territoires et des populations appelées périurbaines, rurales ou périphériques elles-mêmes, pour aboutir à un « cul-de-sac intellectuel », comme l’écrit Valérie Jousseaume dans Plouc Pride, un nouveau récit pour les campagnes (Éditions de l’Aube, 2021). Mais surtout, le sujet est sérieux.
À l’heure de la concorde sur la systémique (peu ou prou cinquante ans après le « penser globalement, agir localement » de René Dubos et Le Macroscope, vers une vision globale [Seuil, 1975, ndlr], de Joël de Rosnay, il était temps), et le nécessaire désilotage, celle de la multiplication des analyses transversales rendues possibles par la profusion de data disponibles et la possibilité de générer des indicateurs raffinés, celle des inter-SCoT et des contrats de réciprocité proposés par les métropoles aux territoires qui composent leurs hinterlands, il est désolant de constater que ce sont les « frontières » géographiques et non celles entre les grands champs disciplinaires (ressources, biodiversité, mobilité, économie, habitat…) qui offrent le plus de résistance. Désolant, mais pas surprenant, dans la mesure où elles sont largement sous-tendues par des enjeux politiques fondamentaux, locaux et nationaux : comment expliquer la récente et actuelle inanité du Haut-commissariat au plan autrement que par l’objectif évident de ne pas hérisser le Sénat, dont les élus sont les plus ancrés dans les territoires et la majorité détenue par Les Républicains et centristes ?
Plus qu’un lieu commun ou un marronnier journalistique, l’opposition entre villes et campagnes, entre centres et périphéries, est aussi (encore) un enjeu de pouvoir qui trop souvent limite la prise en compte des grands enjeux écologiques et climatiques aux bonnes échelles, fréquemment entrave le déploiement d’une plus grande solidarité territoriale, et parfois se cristallise dans l’exercice démocratique.
Face aux nombreuses alertes en la matière, il paraît urgent de jouer le tout (la nation) pour le tout (le dessein). Urbanisme #438 : L'art et la manièrePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : En avant, l’art
Il existe un lien puissant entre l’art, les villes et les territoires. De très nombreuses études universitaires l’ont étudié au prisme historique, politique, sociologique ou économique, pour établir que les artistes, mieux que quiconque, savent capter les forces du réel ou les prémonitions du devenir des paysages urbains ou naturels afin de les « mettre en œuvre », et ainsi captiver et renseigner les observateurs.
Il faut dire qu’ils sont – investis à ressentir et suggérer une émotion véritable – libérés de toute exigence d’objectivité et de réalisme, quand les urbanistes, architectes et paysagistes s’appliquent à produire des diagnostics irréfutables sur lesquels ils développent des projets rationnels et mesurés (entendre : sobres, inclusifs, etc.). Rarement – jamais ? – les concepteurs de l’urbain ne convoquent la beauté en tant que telle à leurs projets, bien que cette dernière contienne intrinsèquement une forme d’évidence et de justice.
Partant de ce constat, nous pourrions souscrire à l’idée que l’art est une forme de connaissance et compréhension des villes et leurs réalités sensibles, autant qu’un moyen d’imaginer et concevoir leur devenir. Et, parfois même, les deux en même temps.
Quand Piero della Francesca a peint le décor urbain en sublimant l’art de la perspective établi par Brunelleschi, a‑t-il représenté ou inventé la ville de la Renaissance ? L’Angélus, de Millet, n’est-il pas un témoignage extraordinaire des réalités des campagnes françaises au mitan du XIXe siècle ? Les espaces urbains métaphysiques de Giorgio De Chirico ne constituent-ils pas des représentations quasi prémonitoires de la ville moderniste ?
La liste des références d’œuvres peut être étendue indéfiniment et élargie aux arts autres que plastiques : Metropolis, de Fritz Lang, et la somme d’images hyper-structurantes de la ville futuriste qui ont alimenté – et continuent d’alimenter – les représentations de l’environnement urbain et la création architecturale ; Cité de verre, de Paul Auster, portrait macabre (l’aliénation des hommes, la fin des avant-gardes…) de la ville postmoderne, avant même (le roman a paru en 1985) son avènement digital ; ou bien encore, les mondes urbains virtuels des clips de Gorillaz ou Daft Punk…
Face à ces œuvres, ce que nous projetons dans les villes et les territoires, réels ou fictionnels, c’est notre humanité, et avec elle, nos émotions ne sont jamais loin de nos valeurs et de toutes nos préoccupations, sociales, écologiques ou autres. Sans doute les artistes parviennent-ils à saisir ce qui se cache dans l’épaisseur des villes, qui en constitue l’identité et la force, et qui semble parfois manquer dans les travaux des urbanistes.
Mais pas question d’opposer les uns aux autres, plutôt d’appeler de nos vœux à de plus fréquentes et intenses collaborations, qui permettent d’instiller un esprit et une audace d’avant-garde auprès de tous les donneurs d’ordres. Et de disposer de plus nombreuses représentations affectives des défis auxquels nous sommes confrontés, mais aussi, et surtout, d’un avenir post-carbone hautement désirable. Urbanisme #437 : Partout, le vivant !PériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Nous devons, la rédaction d'Urbanisme et moi-même, vous faire un aveu : nous ne nous attendions pas, lorsque nous avons inscrit le vivant- à notre programmation éditoriale, à entrer dans des réflexions et échanges métaphysiques aussi profonds que fondamentaux. La revue Urbanisme HS #79 : No cultures, no futuresPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Du 15 au 17 novembre 2023, la 44e Rencontre nationale des agences d’urbanisme s’est tenue à Clermont-Ferrand, sous la houlette de l’agence d’urbanisme Clermont Massif central (AUCM) et de la Fnau.
Lancés autour de la thématique « No cultures, no futures – pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires », les débats ont permis d’évoquer, durant ces trois jours, la manière dont la culture peut – doit ! – servir de vecteur et de levier à la transition écologique en cours.
Mis à l’honneur, le territoire Clermontois a, quant à lui, pu dévoiler ses nombreux atouts lors des dix explorations menées aussi bien en centre-ville qu’autour de la métropole, que ce soit à Thiers, Lezoux, Vichy, Aubière, Châtel-Guyon, Saint-Beauzire ou Gerzat. La revue Urbanisme #436 : Le monde a besoin des urbanistesPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Oh, Urbanie
Je vous écris d’Urbanie, non pas le village polonais ou la commune italienne, mais de la république des urbanistes, ce territoire chahuté, dont les villes épiphanes¹ s’insèrent entre des forêts scientifiques inextricables et de grandes plaines juridiques arides.
Urbanie est une terre de paradoxes nourris par les complexes de ses habitants, à moins que ce ne soit l’inverse. Existe-t-il une autre société que celle des urbanistes dont les membres ont consacré et continuent de consacrer autant de temps et d’énergie à seulement tenter de définir leurs frontières (champ d’activité) et leur constitution (la pratique) ? Un autre domaine qui compte plus d’une trentaine de partis (associations professionnelles) pour tout au plus vingt mille électeurs (actifs en poste) ? Existe-t-il une autre société qui s’est battue – jusqu’à l’obtenir – pour le droit du sol (reconnaissance d’un titre professionnel par un diplôme), mais dont la majorité des acteurs continue de défendre le droit du sang (reconnaissance confraternelle de la bonne pratique) ?
Il faut dire qu’Urbanie est une terre accueillante qui s’offre à toutes celles et tous ceux qui nourrissent un simple intérêt à son égard, et même à l’immense communauté des urbains de la planète, désignés par principe citoyens d’honneur ès qualités « d’experts de leur quotidien ». Pourtant, dans d’autres pays, comme le royaume de l’ingénierie ou la principauté du droit, le simple fait de se documenter sur les réseaux sociaux pour répépier ensuite en libre exercice ne confère aucune légitimité à celui ou celle qui s’y prête ; pas plus que le seul motif de s’intéresser aux enjeux de santé publique et à la crise hospitalière ne suffit pour devenir médecin.
Urbanie est une terre riche qui suscite de longue date la convoitise des pays voisins, et a subi de ce fait de nombreux putschs et même tentatives d’annexions. Personne n’a oublié l’invasion des hordes d’architectes affamés par la crise des années 1990, auxquels les urbanistes n’avaient opposé aucune résistance ; leur occupation fut éphémère, car la relance économique dans leur pays a entraîné leur repli rapide. Personne ne néglige non plus les subversives préparations de coups d’État orchestrées par les paysagistes, tentatives hégémoniques de faire de la république d’Urbanie un royaume en couronnant l’un des leurs. Mais les paysagistes, « combien de divisions ?² ». Aujourd’hui, la menace est pour l’essentiel intérieure, elle émane des sectes adeptes de l’ultracrépidarianisme³ dont l’agit-prop – essentiellement digitale – sape les fondements de la république, avec pour seul objectif d’exploiter la manne de l’essence d’Urbanie, par la vente de petites breloques littéraires ou d’onéreuses retraites, aujourd’hui appelées webinaires.
Pour autant, Urbanie et les urbanistes n’entendent pas renoncer à leur tradition humaniste d’ouverture. Irréductiblement libre, ce si petit pays se nourrit depuis toujours des différences de ses habitants. Mais tous ont conscience que c’est à la condition de réguliers revigorements de leurs principes et permanentes remobilisations de leurs institutions. Ainsi, longtemps Urbanie prospérera.
1/Surnom de divers dieux grecs bienfaisants.
2/Comme l’a dit Staline, à Yalta, à propos du Vatican.
3/Comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée. Les Cahiers de l'Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Ile-de-France n° 159
Le paysage, du projet à la réalitéPériodiquesAnnée : 2011Auteur : Jean-Paul HuchonEditeur : INSTITUT D AMENAGEMENT ET D URBANISME IAU D ILE DE FRANCE INSTITU AMENAJEMAN URBANISM IO IL FRANSDescription : L’Île-de-France dispose d’un patrimoine bâti et paysager riche et de grande qualité, célébré dès le XIXe siècle par des peintres tels que Sisley, Renoir, Monet, Pissaro ou Van Gogh. Le paysage rural et urbain est ainsi une composante majeure de l’identité de notre région. Il constitue le cadre de notre vie quotidienne. Sa singularité est un facteur d’attractivité qui amène l’Île-de-France à jouer un rôle de premier plan dans le tourisme mondial. Le paysage, c’est ce que l’on voit, mais aussi ce que l’on perçoit… c’est « un état d’âme » comme l’écrivait Henri-Frédéric Amiel. Situé à la croisée des enjeux environnementaux, sociaux et économiques, il est un élément primordial de nos vies. Il se transforme au rythme des saisons, mais aussi des évolutions sociétales, techniques, urbaines, en fonction des formes urbaines choisies, des types d’infrastructures mises en œuvre, de la manière d’intégrer la végétation et la nature dans la réflexion globale des projets de territoire… Consciente des enjeux d’un paysage dont la valorisation favorise la croissance verte, les bienfaits sur la santé et de la nécessité de promouvoir des éléments naturels dans l’urbanisation des métropoles, dans un contexte de crises environnementale, énergétique, climatique ou économique récurrentes, la Région Île-de-France se mobilise : quartiers durables, biodiversité, trame verte et bleue, végétalisation renforcée de la ville, récupération des eaux pluviales… à l’instar du Conseil de l’Europe qui a mis en place la convention européenne du paysage en 2000. Cette mobilisation catalyse les nombreuses initiatives locales, les expérimentations citoyennes, les politiques publiques ambitieuses qui sont actuellement conduites sur le territoire régional pour améliorer les modes de vie, notamment des plus pauvres et des plus dépendants à leur environnement. Ce numéro des Cahiers aborde ces enjeux pour ouvrir la voie à une nouvelle manière de penser l’aménagement, plus compact, économe en ressources, en espace et en énergie, mais aussi plus respectueux du vivant, de l’humain et de la qualité de vie. À l’aube d’une nouvelle révision du projet de schéma directeur régional portée par le conseil régional, une place toute particulière devra être accordée au paysage. Je souhaite que ce numéro des Cahiers, le troisième que l’IAU Île-de-France consacre aux paysages, puisse éclairer les décisions techniques et politiques qui permettront de mettre en dialogue paysages naturels et paysages urbains, et d’aider à offrir aux Franciliens comme aux Européens un cadre de vie créateur de richesses, thème des 5 es assises européennes du paysage qui se tiennent à Strasbourg. La revue Urbanisme #435 : La clé des solsPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Selon la Genèse, le Créateur a puni Adam et Ève pour avoir goûté le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, en les renvoyant du jardin d’Éden et en leur imposant de cultiver la terre pour subsister. Leur fils Caïn, attelé à cette tâche, fut condamné pour avoir tué son frère (et souillé la terre de son sang) à ne plus pouvoir la cultiver, car son crime l’avait rendu infertile, et à devenir un vagabond. Un destin que Caïn refusa en créant la première ville qu’il nomma du nom de son fils Hénoch. La tradition judéo-chrétienne a inscrit culturellement les sols comme ressources et objets de malédiction, mais aussi facteur déterminant des regroupements humains, ce que semble confirmer – dans les grandes largeurs – l’archéologie : les premières villes ont été érigées dans des régions de sols fertiles, où l’activité agricole s’est développée au point de passer d’une économie de subsistance à une économie de production au service d’activités de commerce. Urbanisme HS #78 : La politique de la ville au défi de la transformation écologiquePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Les quartiers populaires, et notamment ceux qui relèvent de la politique de la ville, font l’objet d’une attention particulière et d’un investissement important de l’État, des collectivités et de l’ensemble de leurs partenaires – au premier rang desquels la Caisse des Dépôts et la Banque des Territoires – depuis près de quarante ans, augmentés depuis 2003 par la création de l’Anru. Aujourd’hui, une nouvelle ère de projets est mise en œuvre, ou sur le point de l’être, visant à intégrer ces quartiers dans le droit commun de la ville ordinaire pour y assigner les mêmes objectifs et en tirer les meilleurs résultats. Ces projets structurés autour du thème de « résilience » ont pour objectif de réparer ces quartiers, pour réparer la ville elle-même et améliorer les conditions de vie de leurs habitants en même temps que celles de la ville et du territoire. Urbanisme #434 : Les leçons des crises et des chocsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Stéphane Hessel avait, parmi les premiers, très bien compris qu'être concerné ne veut pas dire être impliqué, et que nombreux sont les auto-satisfaits d'avoir lu (compris) et dit (posté). C'est pour cela qu'il avait accepté de donner une suite sous forme d'entretien à son inattendu best-seller Indignez-vous ! (2010). Mais Engagez-vous ! n'a pas atteint, et de très loin, les 4,5 millions d'exemplaires vendus de son prédécesseur.
Triste démonstration.
Les crises et les chocs sont inscrits dans nos imaginaires par l'information médiatique multicanal, toujours plus élargie, avisée et réactive. De telle sorte que les catastrophes semblent rythmer perpétuellement l’actualité : tremblements de terre, inondations, guerres, attentats... Elles sont, de fait, moins surprenantes ; elles étaient d'occasionnels cris stridents, elles sont devenues de perpétuels bruits sourds, générant du like, de l'émotion, du commentaire, voire de l'indifférence, mais peu de remise en cause, et encore moins d'implication. Plus on nous donne à voir et moins nous éprouvons, selon le très connu principe de désensibilisation. Cela concerne, bien entendu, celles et ceux qui ne sont pas confrontés à la catastrophe elle-même, qui sont désormais habitués à recevoir un compte-rendu quotidien de la violence et de l'injustice du monde ; à la fois fascinés et blasés du spectacle d'un nouveau sinistre qui frappe ces autres qui sont comme une partie détachée d'eux mêmes. Les plus concernés s'indignent de l'incurie des pouvoirs publics et de la voracité du capital qui ont conduit à ce que des malheureux se retrouvent exposés, puis frappés par le risque. Les plus fragiles pleurent un peu, les plus généreux font un don sur leur smartphone. Et, le lendemain, tout le monde passe à autre chose. Mais cela concerne aussi celles et ceux qui sont frappés de plein fouet par la catastrophe et qui vivent une nouvelle expérience du réel : ils savaient que ça pouvait (devait ?) arriver, et c'est arrivé. Ils doivent faire face à des circonstances qu'ils ont maintes fois vues depuis leurs canapés, pour se rendre compte que, paradoxalement, cela ne les a pas préparés (sans doute au contraire). Ils se découvrent étranges « spectateurs », mobilisés par l'urgence, mais pressés de revenir à la normale et d'oublier tous ces tourments.
Personne, chacun à sa place, n'oublie de réagir, mais trop peu sont ceux qui s'engagent pour tirer les leçons fondamentales des évènements.
Quelques mois après la crise sanitaire du Covid-19, combien de stériles querelles au sujet d'une de ses moins flagrantes conséquences sur le territoire - le spectral exode urbain-, plutôt qu'un examen collectif approfondi de tout ce qu’elle a révolutionné dans nos sociétés (mobilités, lien social, rapport au travail, etc.) ? Quelques mois-toujours- après la tempête Alex qui a dévasté certaines vallées de l'arrière-pays niçois, combien de débats sur la « mécanique » réglementaire des PLU, plutôt qu'un travail destiné à faire émerger de nouveaux horizons pour les territoires concernés, quand une nouvelle tempête -Aline- est venue confirmer les nouvelles et fréquentes exigences de la crise climatique ? « Facile à dire !», ne manqueront pas de réagir certains sur les réseaux sociaux quand ils liront cet édito. Ce sera vrai, mais ce ne sera pas suffisant. Engagez-vous ! Urbanisme NS #4 : Le monde de demain s'invente dans les territoires ultramarinsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Le monde de demain s’invente dans les territoires ultramarins. Initiatives et projets innovants, créatifs et disruptifs. Dans les territoires ultramarins, la société civile, les acteurs économiques et les habitants impulsent une dynamique économique et d’innovation prometteuse qu’il convient d’accompagner au plus près de leurs besoins les plus concrets. Cette dynamique concerne tout particulièrement les secteurs d’activité dédiés aux réponses à apporter aux défis climatiques et écologiques, dont les conséquences affectent plus intensément ces territoires. Ce numéro spécial présente un panorama synthétique des contextes locaux, mais surtout une sélection d’initiatives à l’œuvre en outre-mer, en faveur d’un développement économique des transitions ou bifurcations : économie circulaire, alimentation, énergie, logement, mobilité, digital, santé, tourisme… Urbanisme #406 : Actualité du bidonvillePériodiquesAnnée : 2017Auteur : Jean-Michel MaestreEditeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURALDescription : C’est à une actualité paradoxale – celles des bidonvilles en France – que la revue Urbanisme consacre le dossier de son numéro 406 (automne 2017). D’abord en s’attachant à leur histoire : celle des années 1960–1970 qu’évoquent la couverture et d’autres photos en noir et blanc. Ce dossier se saisit aussi d’un renouveau d’intérêt de la recherche universitaire et de démarches culturelles et professionnelles.
Chercheurs, architectes et urbanistes, artistes questionnent la réalité actuelle des bidonvilles : en regard d’autres pays européens ou d’autres continents, comment les dénommer ? Des enquêtes montrent que l’insertion de leurs habitants est possible, à Madrid, au Portugal ou en banlieue parisienne, pour peu que des pouvoirs locaux et des associations se mobilisent. Médecins du Monde qui, à partir des questions de santé, est intervenue dès 1993 auprès des populations roms, estime que la stabilisation de certains bidonvilles peut constituer un sas pour leurs habitants. Cette affirmation interpelle politiques et professionnels. Urbanisme #433 : Les ressources cachées du renouvellement urbainPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Au cours de l’été qui vient de s’achever, la question des lieux de culte – entendu, des chapelles et églises catholiques – a suscité quelques articles et animé de nombreux débats sur les réseaux sociaux, en réaction à de récentes et spectaculaires démolitions d’églises, notamment dans le Nord et en Mayenne. Assez étrangement, ce sont les voix favorables qui se sont le plus manifestées, tandis que celles opposées ont été bien moins nombreuses et audibles. En cause, les charges pour les collectivités – et donc les contribuables – relatives à leur entretien ; les sénateurs, auteurs1 d’une tribune parue sur le site internet du quotidien Le Monde, le 9 août 2023², n’hésitant pas à affirmer qu’il existe « un surdimensionnement du patrimoine mis à disposition de l’Église catholique », notamment au regard de la « baisse de la pratique cultuelle ». De telle sorte que la dimension patrimoine de ces édifices se serait dissoute dans la dimension usage. Drôle d’argument, car, si nous y réfléchissons bien, il y a encore bien trop d’arènes romaines en France par rapport au nombre de combats de gladiateurs qui y sont organisés, et même de corridas (qui bientôt, de toute évidence, n’appartiendront plus qu’à l’histoire). Dans une drôle d’époque, qui voit de nombreuses, visibles et même parfois virulentes mobilisations contre les destructions de bâtiments existants, y compris aux caractéristiques très ordinaires et/ou d’histoire récente, s’agissant notamment de ce qui est qualifié aujourd’hui de patrimoine du XXe siècle. La revue Urbanisme a relayé certaines de ces luttes dans ses pages, et elle le fait encore dans ce numéro. Les défenseurs de ce patrimoine, hostiles aux démolitions, développent le plus souvent des arguments premiers autour de la mémoire sociale, économique, populaire, etc., des territoires, qui, selon eux, transcende l’architecture même du bâtiment. Est-il permis de douter que le patrimoine religieux, bien au-delà de la spiritualité et des convictions, pourrait parfaitement s’inscrire dans cette logique ? D’autant que ce patrimoine, en France, est loin d’être totémisé : de très nombreux édifices
– dont certains de grandes dimensions, comme à Paris ou à Arles – ont été désacralisés pour être transformés en équipements publics, souvent dédiés aux activités culturelles, ou bien en restaurants, logements ou autre. D’autres bâtiments, toujours lieux de culte, ont su s’ouvrir à de nombreuses activités socio-éducatives et culturelles sans lien particulier avec la religion catholique. Le potentiel de recyclage (mutualisation, réemploi, etc.) des bâtiments dédiés aux cultes a même été identifié dans certaines études préalables à l’élaboration ou la révision de documents d’urbanisme réglementaire intercommunaux (PLUi). Le plus étrange dans ces débats, c’est que ce sont souvent les mêmes acteurs qui crient au scandale face au projet de démolition d’une MJC et qui applaudissent au spectacle de celle d’une église de 1866, qui, bien que présentant de nombreux désordres et nécessitant un investissement important, conservait un grand potentiel d’usage et constituait aussi – surtout – un témoignage historique, traditionnel et culturel. Chut, un esprit disparaît.
1/Les sénateurs Catherine Morin-Desailly (Union centriste, Seine-Maritime), Pierre Ouzoulias (Parti communiste, Hauts-de-Seine) et Anne Ventalon (Les Républicains, Ardèche). 2/Dans l’espace « Le Monde des Religions », à la rubrique « Patrimoine » (sic). Un coup de pied au culte ? Urbanisme #432 : Représenter la ville et les territoiresPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Les cartes et les plans ne sont que des représentations du monde, par nature partielles et subjectives. Partielles, car certaines caractéristiques des territoires, des villes, des écosystèmes et des sociétés sont difficilement représentables, sinon irreprésentables. Comme les données d’ambiance, sensibles, qualitatives, ou les enjeux complexes, du fait du nombre de paramètres à intégrer, de leurs caractéristiques (dynamiques, temporalités, etc.) et de leur hétérogénéité. Subjectives, car ce sont des projections qui, à toutes les échelles, convertissent une sphère en plan, dépendent de la précision et de l’exhaustivité relatives des relevés, et sont assujetties aux conventions graphiques et aux intentions du cartographe. L’avènement du digital – de Google Maps à Géoportail, en passant par OpenStreetMap, des cartes en open source, des systèmes d’information géographique, des applications de génération de cartes, etc. – n’a pas fondamentalement remis en cause ce constat. Le numérique n’a que très marginalement augmenté nos capacités cognitives à intégrer des informations multifactorielles, et il demeure que représenter, c’est choisir. Par nécessité ou par volonté, souvent les deux : les cartes sont donc politiques, ce sont des outils de gouvernance des exécutifs et des administrations pour faire comprendre (mobiliser) et pour décider (agir). La prise en compte des grands enjeux territoriaux et sociétaux de notre époque – les défis qu’imposent les grandes transitions écologiques et climatiques, économiques et sociales – nécessite des représentations originales et « efficaces », afin de garantir la bonne appréhension des enjeux par le plus grand nombre et leur prise en considération effective par les acteurs concernés. Or, les cartes et les plans ne sont – de toute évidence – pas au rendez-vous. Car s’ils ont beaucoup progressé du point de vue de la qualité des représentations, ils semblent encore au
service d’une conception archaïque de la politique : celle de l’information descendante, servie par des datavisualisations destinées à soutenir des postures. En conséquence, les citoyens et les décideurs ont aujourd’hui besoin de produire leurs propres documents de référence de nature à objectiver les débats, partager les constats et soutenir un engagement collectif. Ils ont besoin de coélaborer des cartes et des plans, sans lesquels, l’aménagement du territoire et l’urbanisme, embourbés dans des cadres procéduraux devenus bien trop techniques, juridiques, administratifs, ne vont pas pouvoir réaliser leur mue vers la planification durable. Pour que la société s’engage à limiter les incidences sur les écosystèmes et réduire les inégalités territoriales, sociales, économiques, une grande participation et adhésion populaire, démocratique, est nécessaire. La question des représentations y est centrale dans la mesure où dessiner des cartes et des plans est un exercice positivement mobilisateur parce qu’il convoque des imaginaires puissants. Il nous ramène aux histoires de pirates, aux cours de géographie, aux voyages… Il est le lieu et le moment de la rencontre entre le monde et nos mondes, dont il est si urgent, désormais, de produire des représentations universellement subjectives. Dessinons les défis. Le Moniteur #6247 : "Les maires ne contestent plus le ZAN"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : On doit lui reconnaître un certain flair. L'automne dernier, le député Renaissance Alexandre Holroyd se lançait dans la rédaction d'un rapport sur le financement des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa). Il ignorait alors tout de la flambée de colère qui allait embraser les amphis quelques mois plus tard, allumée par le manque de moyens décents. Ses conclusions arrivent à point nommé. Elles sont sans appel.
S'il prend en compte les récents efforts de l'Etat, le parlementaire pointe les « faiblesses aiguës et persistantes » de ces écoles qui « concernent les conditions d'exercice de la tutelle, le nombre insuffisant de personnels administratifs employés dans ces établissements, l'imparfaite remise à niveau des locaux, le nombre - stable depuis vingt ans - d'étudiants accueillis ainsi que le niveau des ressources financières de ces écoles ». Et ce n'est pas la lettre envoyée par la ministre de la Culture, ni même les fonds qu'elle a réussi à débloquer, qui permettront à eux seuls de se hisser à la hauteur des enjeux.
Jamais le métier d'architecte n'a occupé une place aussi stratégique dans la chaîne de valeur de la construction
Car, il faut le rappeler, si le quotidien d'un architecte n'est pas une sinécure, la profession n'a rien d'une voie de garage, bien au contraire. Il serait rageant que, pour des raisons purement matérielles, l'enseignement public de ce métier reste bloqué à 20 000 étudiants par an, dès lors que les débouchés existent. Jamais ce métier n'a occupé une place aussi stratégique dans la chaîne de valeur de la construction. Quand le foncier se raréfie, quand les matériaux se renchérissent, quand les usages évoluent à toute vitesse, c'est avant tout grâce à l'intelligence de la conception que les projets répondent aux impératifs de pérennité et de durabilité.
Cette responsabilité interroge ce métier si ancien. Elle réclame aux plus jeunes des savoir-faire inédits : géosourcer les matériaux, calculer le poids carbone, travailler sur l'existant, échanger avec les usagers… Tout cela aurait barbé nombre de leurs aînés, dont la vocation était motivée par l'image du créateur de génie, auteur d'esquisses inspirées. Par chance, cela passionne les générations actuelles. C'est aussi ce qu'il faut percevoir dans le malaise des Ensa : au-delà d'une impérieuse remise à niveau d'un système brinquebalant, l'enseignement de l'architecture réclame un souffle nouveau. Urbanisme #431 : L'eau, commun exceptionnelPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : L’eau n’est pas qu’un élément. Elle n’est pas qu’une ressource parmi d’autres. Elle n’est pas qu’une matière conjoncturelle, qu’un objet de crise. Les imaginaires collectifs et les récits, les religions et les sciences toujours nous le rappellent, sur tous les continents et à travers les âges : l’eau est la matière de toute chose vivante. Et par sa nature existentielle, elle est duale : à la fois nourricière – source de tout épanouissement végétal, animal et humain – et rageuse, dévastatrice. Depuis toujours, les hommes s’emploient à la contraindre pour s’en protéger, à la contrarier pour en tirer parti, jusqu’à la dilapider par une surconsommation négligente, la dénaturer en la polluant. Fondamentalement conscients, sans aucun doute, de la gravité de leurs décisions et de leurs conséquences, mais prêts à tout pour le « progrès », justifiant souvent leurs captations par la nécessaire lutte contre l’eau « mauvaise » : assainir, pour éradiquer la polio ; assécher, pour venir à bout du « palu » ; endiguer, pour empêcher les crues, et tant mieux si cela favorise l’irrigation. Mais, en cette aube millénaire, le cumul des effets délétères de la suractivité humaine dans un monde globalisé – changement climatique, choc démographique, perte de conscience du vivant et marchandisation de toute chose (…) –, les populations de l’hémisphère nord sont engagées sur un chemin de Damas. Face aux pénuries, le stress issu de la raréfaction de la ressource n’est plus une problématique lointaine de pays en voie de développement, au Sahel ou ailleurs. Leurs croyances (illusions ?) sont en train de s’effondrer, et il leur faut – de toute urgence – changer de postures à tous les niveaux de compétences et de responsabilités. Changer des lois héritées d’époques révolues qui privilégient les questions sanitaires et économiques à celles des valeurs et consistances des ressources. Changer les modèles de gouvernance qui les ont accompagnées (délégations de service public). Changer les partis de conception urbaine, paysagère et architecturale pour s’éloigner de l’accessoire – les trames bleues, les noues, les toits-terrasses, etc. – et se concentrer sur le principal : garantir à toutes les populations un accès responsable à la ressource. Et à ce titre, faire preuve d’imagination, pour ne pas verser dans des équilibres budgétaires discutables sur le plan social (coût indexé sur la consommation). Cela demande, aussi, de reconsidérer certaines options techno-économiques, telle la désalinisation de l’eau de mer, déjà massivement mise en oeuvre à nos portes (Catalogne), mais au coût énergétique – donc climatique – qui peut être jugé exorbitant. Pour parvenir à faire face à cette grande cause nationale, ce qui implique de s’extraire des pressions des lobbys et autres intérêts régionaux ou catégoriels, un grand débat semble absolument nécessaire. Mais cette formule a-t-elle encore une chance d’accoucher d’un projet de société ? Paul Claudel a écrit : « Toute eau nous est désirable ; et, certes, plus que la mer vierge et bleue, celle-ci fait appel à ce qu’il y a en nous entre la chair et l’âme, notre eau humaine chargée de vertu et d’esprit, le brûlant sang obscur1. » L’eau est un élément métaphysique et passionnel, qui se révèle quand elle vient à manquer ou excéder (osons le dire : comme l’amour). Il n’est pas facile, mais absolument nécessaire, de prendre aujourd’hui les décisions afin qu’elle nous maintienne et non nous emporte. La Gazette des communes #2664 : La logistique urbaine à l'heure vertePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Brigitte MenguyEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ils sont partout : au pied des immeubles, des commerces, dans les poubelles... Depuis la crise sanitaire, les cartons envahissent les rues des métropoles. Ces briques de cellulose venues tout droit de nos forêts ont d'ailleurs aggravé, ces derniers temps, la crise du papier. Mais ils sont, avant tout, la face visible d'une nouvelle ère de la logistique urbaine (lire notre dossier p. 30-36). Pas moins d'un milliard de colis sont livrés par an au titre du commerce en ligne. A ce chiffre faramineux s'ajoutent les traditionnels flux de marchandises pour ravitailler les commerces, faire tourner les industries, l'économie du pays. Au bord de l'asphyxie, surtout concernant la livraison du dernier kilomètre, la logistique urbaine doit changer de paradigme.
Au bord de l'asphyxie, surtout concernant la livraison du dernier kilomètre, la logistique urbaine doit changer de paradigme.
MOMENT CHARNIÈRE. D'autant plus que le stockage et la livraison des flux doivent également opérer leur propre transition écologique. Or, comment concilier la commercialisation de marchandises en hausse et, donc, la construction de nouveaux entrepôts, à l'heure du zéro artificialisation nette ? Et comment acheminer toujours plus de colis en centre-ville avec la mise en place des zones à faibles émissions ? Les professionnels du secteur le savent, ils sont à un moment charnière où tout est à réinventer. Une page blanche qui ne pourra pas, en revanche, s'écrire sans les pouvoirs publics, monde local en tête.
LEVIER INATTENDU. Finie, alors, la gestion publique de la logistique au doigt mouillé, rangée, l'intervention municipale exclusivement centrée sur les interdictions de voirie ? Les collectivités doivent s'emparer de cette thématique jusqu'alors laissée aux mains des acteurs privés. Certaines l'ont déjà compris en mutualisant entrepôts ou points relais, ou en utilisant la cyclo-logistique, à l'image de Bordeaux. Ces collectivités ont fait de la logistique urbaine un levier inattendu de développement économique et d'attractivité de leur territoire. Car, à travers la logistique urbaine, se pose avant tout la question du modèle de la ville que l'on souhaite pour demain. Urbanisme NS #3 : Grand prix national du paysage 2022 - La sobriété partagéePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Des paysages en mouvement
Effondrement de la biodiversité et les conséquences du changement climatique nous obligent à changer de paradigme, à redéfinir nos manières d’habiter et d’aménager nos territoires et, en somme, à innover. Au siècle dernier, l’aménagement de nos villes et nos campagnes s’est fait sans forcément prendre en compte la consommation foncière : les terres agricoles étaient abordables, le modèle du pavillon de périphérie déployé sur de larges parcelles plébiscitées, et l’implantation de grands centres commerciaux aux périphéries des villes répondait à un besoin des habitants et de l’économie. L’étalement urbain a ainsi été vu, à tort, comme une solution durant plusieurs années, sans qu’il ne s’impose de limites. Ce modèle a vécu. L’actualité des derniers mois en témoigne : nous sommes engagés aujourd’hui dans une reconquête de nos espaces délaissés, de notre sol et de nos espaces naturels. La loi climat et résilience a imposé des limites à la consommation foncière. Elle vise un objectif de « zéro artificialisation nette » en 2050, ainsi que la division par deux du rythme d’artificialisation nouvelle à dix ans. Cette loi s’intéresse pour la première fois à la question de l’atteinte à la fonctionnalité des sols et à l’importance du sol vivant. Elle est fondatrice car elle permet de comprendre que les ressources ne sont pas inépuisables. Cette reconquête passe également par la réappropriation des franges urbaines : espaces de contact entre la ville dense et son environnement immédiat, elles ont longtemps été dépréciées. Aménagées et valorisées, elles offrent alors de nouveaux espaces publics pour les citoyens et des structures paysagères renforcées, favorables à la biodiversité. C’est bien dans cette optique que le ministère a lancé la troisième édition de l’appel à projets fonds friches, doté de 100 millions d’euros. Les citoyens demandent par ailleurs, à juste titre, plus de nature en ville : c’est une priorité. Le gouvernement a ainsi mis en place récemment un fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires : ce nouveau fonds de 2 milliards d’euros, placé sous la responsabilité du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, permettra de soutenir les projets des collectivités territoriales en faveur de la transition écologique. Il visera notamment à soutenir la performance environnementale des collectivités, l’adaptation des territoires au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie. Ces différents leviers tendent vers l’exigence d’une plus grande sobriété, qui trouve sa pleine expression dans le projet lauréat du Grand Prix national du paysage de valorisation et de restauration du cap Fréhel, porté par le paysagiste Alain Freytet et le Conservatoire du littoral. Ce projet m’a séduite. Il est venu réparer, en quelque sorte, un paysage abîmé par l’homme, sans mettre de côté l’accès au site par le plus grand nombre. Ce projet, et plus largement le Grand Prix national du paysage, démontre combien l’innovation paysagère anime le processus de transformation des territoires, et met en lumière le rôle fondamental du paysagiste concepteur pour des territoires en mouvement. Si la défense de la qualité du paysage n’a pas toujours été prioritaire, je crois aujourd’hui ce combat en passe d’être gagné. Les mentalités évoluent, et nous devons nous en réjouir. Ensemble, continuons à œuvrer pour préserver la qualité de nos paysages, à les faire vivre. Urbanisme HS #77 : Embarquement immédiat pour le changementPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Certes, cette 43e Rencontre de la Fnau se déroulait à Toulouse, berceau d’Airbus, mais après des mois de mise à l’index des mobilités aéroportées et un été de polémiques sur les jets privés, l’audacieuse métaphore aéronautique a presque pris, en ce mois d’octobre 2022, des allures de provocation. De telle sorte que si la promesse – embarquement immédiat pour le changement – était claire, tant du point de vue de la destination et de l’urgence que du ressort collectif à enclencher, une mise au point semblait nécessaire. Elle n’a pas tardé. La conférence inaugurale de François Gemenne a constitué un exposé des motifs clair et percutant, enjoignant les participants à agir sans attendre, et chacun à son niveau, pour l’adaptation à ce que l’on appelle désormais le défi climatique. Selon le politologue et coauteur du 6e rapport du Giec, changer n’est pas une option, et peu importe, au fond, le vocabulaire employé pour désigner la prise de conscience et la mise en action : transition, bifurcation, redirection... Quel que soit le chemin, il nous mène à de nécessaires renoncements. Toute ambiguïté levée, dès lors, sur un éventuel attachement au « monde d’avant », les participants de la rencontre ont pu, en pleine responsabilité, « jouer » avec l’imagerie de l’aviation. Comme lorsque l’État a été, à de nombreuses reprises, identifié au « commandant de bord » du changement, ou bien lorsque le terme « atterrir » a été utilisé pour qualifier les conditions de mise en œuvre du « zéro artificialisation nette ». Mais c’est peut-être en ce qu’elle symbolise un trajet vers un ailleurs plein de promesses que la formule s’est révélée la plus pertinente, car chacun mesure combien il est difficile « d’embarquer » le plus grand nombre vers les sacrifices et les efforts, et que l’adhésion au changement passe par un horizon désirable. C’est précisément ici qu’interviennent les territoires, les collectivités et les agences d’urbanisme. D’abord, parce que certains territoires sont au cœur des dynamiques de changement « réel » qui stimulent des imaginaires sociétaux positifs et prennent valeur d’exemple. Ensuite, parce que certains élus locaux et fonctionnaires territoriaux ont d’ores et déjà engagé des politiques locales de changement et obtiennent des résultats tangibles sans convoquer l’austérité. Enfin, parce que les agences d’urbanisme, en accompagnant ces stratégies et dynamiques, en participant à leur définition et à leur déploiement, mais aussi en diffusant les bonnes pratiques, se révèlent des ferments très utiles, sinon nécessaires, à l’activation du changement. Qu’il s’agisse, par exemple, de la lutte contre l’artificialisation des sols ou du renouvellement urbain (par densification bâtie, intensification des usages, etc.), du développement des énergies renouvelables, de la protection des ressources... C’est bien aux échelles territoriales, des régions (SRADDET), bassins (SCoT) et intercommunalités (PLUi) que le changement a été – ou est – mis en œuvre, notamment en embarquant les populations et sans avoir attendu d’avoir à se soumettre à une quelconque injonction. Dans ces territoires, le changement est déjà une réalité qui donne une consistance à une promesse déjà ancienne : penser globalement et agir localement. Le Moniteur #6241 : Sobre, low-tech et résilient : le bioclimatisme dans l'air du tempsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Comme un retour aux sources. La réflexion foisonnante sur la conception bioclimatique, même si elle se nourrit de connaissances techniques pointues, plonge ses racines dans les savoir-faire traditionnels, les architectures vernaculaires et les ressources d'à-côté. Elle interroge la confiance placée au cours de la seconde moitié du XXe siècle dans les dispositifs techniques et réinterprète la notion de confort à l'aube de la crise climatique.
Pour aboutir à ces réalisations, architectes et bureaux d'études travaillent main dans la main - et très en amont du projet - afin d'imaginer des plans et des coupes favorisant la circulation d'air, le rafraîchissement en été et le maintien de la chaleur en hiver.
Une tâche à la fois complexe et rustique, savante et rudimentaire, qui se heurte aux poids des habitudes comme au mur de la réglementation. Rompre avec le modèle de la boîte hermétique Tupperware, pour une salle de classe par exemple, c'est bien sûr faire entrer de l'air mais aussi du bruit, et donc se heurter à la réglementation acoustique.
Le bioclimatisme n'a pas, aujourd'hui, vocation à embrasser l'ensemble de la production bâtie
Le bioclimatisme n'a pas, aujourd'hui, vocation à embrasser l'ensemble de la production bâtie. Les contraintes changent du tout au tout entre une maison individuelle et une tour de logements, entre une école primaire et un immeuble tertiaire. Sans parler de l'usine, forme la plus aboutie de la machine faite bâtiment. Et pourtant, la transition écologique passe aussi par la manufacture, comme le défendent les promoteurs du futur projet de loi sur l'Industrie verte.
Là aussi, il s'agit de déconstruire des décennies de certitudes. Les limites de la globalisation font désormais consensus jusque chez Bruno Le Maire. La relocalisation apparaît comme un enjeu de souveraineté et de sobriété. Là aussi, on attend une mise en cohérence des politiques publiques : accélérer les procédures sans nuire à l'environnement, faciliter l'achat public local sans en restreindre l'accès, ériger de vastes bâtiments sans artificialiser…
Les chemins de la décarbonation sont multiples. Ils passent autant par les tours à vent que par le smart building, par la terre crue que par l'hydro gène. Seul point commun : dans les pouvoirs publics comme chez les professionnels, ces voies vertes seront toutes pavées de matière grise. Le Moniteur #6242 : "Nous considérons l'Europe comme notre marché domestique"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Plic. Ploc. Plic. Et plus rien. Des robinets de quatre communes des Pyrénées-Orientales ne coule plus d'eau potable depuis le 14 avril. Le printemps commence à peine que le forage alimentant ces villages n'est déjà plus en mesure d'abreuver leurs habitants. Un raccordement à une source non potable fera office de rustine. Préoccupant, bien au-delà de la vallée de la Têt.
La sécheresse de l'été dernier aura, pour beaucoup, servi de coup de semonce. « Nous avons évité le pire », confirme un rapport interministériel rendu public la semaine dernière. Comme on ne joue pas plus avec l'eau qu'avec le feu, un grand plan a été annoncé par le président de la République, fin mars, sur les rives du lac alpin de Serre-Ponçon. Un plan ambitieux mais largement insuffisant au regard du déficit hydrique chronique qui menace.
De même que l'électricité, l'eau était inconsciemment considérée comme une ressource inépuisable.
Le défi, en effet, est immense. Il s'agit certes d'une question de gros sous qu'il faudra bien finir par sortir pour remettre à niveau nos réseaux. L'effort s'annonce douloureux mais, face au mur, nous y parviendrons. Un toilettage réglementaire semble aussi nécessaire, mais il est à notre portée. Ce qui s'annonce bien plus difficile, c'est le changement profond de modèle de développement, pour l'agriculture comme pour l'industrie, l'énergie ou la construction. Une révolution culturelle.
De même que l'électricité, l'élément liquide était inconsciemment considéré comme une ressource inépuisable, exception faite de quelques épisodes estivaux de distribution de packs d'eau sous l'œil des caméras. Et, comme pour l'électricité, une série d'efforts individuels et collectifs permettent, une fois la prise de conscience effectuée, de passer les étapes difficiles. En 2018, le demi-million d'habitants du Cap, en Afrique du Sud, a réussi à limiter la consommation et à éviter ainsi le « Day Zero », le jour où les robinets seront à sec. Une extrémité à laquelle, toutes proportions gardées, un coin de Catalogne est aujourd'hui réduit.
Reste une différence fondamentale entre l'eau et l'électricité : la première ne se produit pas, elle se prélève. Lorsque la source se tarit, on ne peut en construire une autre. Lorsque le fleuve est à sec, on ne peut en fabriquer un autre. Restent alors les larmes qui, seules, peuvent encore couler. Le Moniteur #6240 : A Calais, la capitainerie trouve l'équilibrePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un canalisateur, un fonctionnaire et un aménageur sont sur un même bateau… mais ils ne le savent pas. Eparpillés entre des métiers, des statuts juridiques, des modèles économiques, des cultures professionnelles et même des ministères de tutelle différents, les acteurs de l'aménagement ne se conçoivent pas, de prime abord, comme un « tout ». Evidemment, les uns ont l'habitude de travailler avec les autres, mais la vision globale, elle, était jusqu'à présent largement sporadique.
Cette chaîne de valeur est bien évidemment moins lisible que celle de l'agroalimentaire. Son périmètre apparaît moins net que celui de l'automobile. Et pourtant, c'est un fait : tous ses membres forment un pan cohérent de l'activité économique. Pour preuve, tous lisent « Le Moniteur ». Tout comme Monsieur Jourdain dit de la prose sans le savoir, l'aménagement, lui, fait filière sans s'en rendre compte.
L'appréhension du cadre de vie comme une filière apparaît salutaire
Petit à petit, cependant, la prise de conscience émerge. En témoigne l'activité de la mission gouvernementale sur la décarbonation de l'aménagement, copilotée par Anne Fraisse. Parmi les nombreux contributeurs à cette feuille de route collective, figurent bien évidemment des aménageurs, mais aussi des architectes, des entreprises de travaux publics ou encore des collectivités.
Ce n'est pas un hasard si cette structuration intervient à l'occasion d'une réflexion sur la réduction des émissions carbone, qui nécessite de maîtriser tous les termes d'une équation complexe, du foncier en amont jusqu'à l'usage en aval. Pour réduire les effets des transports, il faut réaliser des pistes cyclables mais aussi concevoir des quartiers mixtes. Pour limiter l'artificialisation des sols, il faut dépolluer les friches mais aussi revoir la fiscalité locale. A toutes les étapes, à toutes les échelles, les choix s'enchevêtrent.
C'est bien connu : ce qui n'est pas nommé n'existe pas. En cela, l'appréhension du cadre de vie comme une filière apparaît salutaire, tant pour les acteurs qui la composent que pour les pouvoirs publics qui l'encadrent. Comprendre que l'on embarque sur un même bateau, c'est se donner la chance de ramer dans le même sens. La Gazette des communes #2659 : Logement - Le rêve pavillonnaire se fissurePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Romain MazonEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La machine de la décision publique est en panne. Elle souffre d'un manque cruel de légitimité démocratique. La question dépasse allègrement la personne d'Emmanuel Macron et la réforme des retraites. Quand des maires de grande ville et des patrons de département ou de région sont désignés par moins de 20 % du corps électoral, ils ne peuvent plus se prévaloir d'une quelconque onction populaire. Ils se retrouvent soumis au moindre vent de contestation.
ÉLUS INAUDIBLES. On le voit dans les Deux-Sèvres, avec l'affaire des méga-bassines. Rien n'a fonctionné depuis le début. A défaut de reposer sur une expertise scientifique indépendante, le projet a vite concentré les critiques. Favorable aux retenues d'eau l'hiver pour l'agriculture, la présidente (LR) du conseil départemental, Coralie Denoues, est devenue inaudible. Les édiles locaux ont perdu de leur assise. Un Français sur deux n'est plus capable de donner le nom de son maire. Selon le dernier baromètre annuel du Cevipof, le Centre d'étude de la vie politique française, la cote de confiance dans les élus locaux chute fortement : - 8 points pour le maire, - 9 points pour les conseillers départementaux, - 10 points pour les régions. Petite consolation, elle reste à des niveaux plus élevés que chez les politiques nationaux. Qu'on ne s'y méprenne pas : à l'échelle locale, le circuit de décision, entre pairs, est presque aussi démonétisé que sur le plan national.
MOT À DIRE. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, c'est le même circuit de décision, entre pairs, qui est démonétisé. La démocratie représentative ne se suffit plus à elle-même. Pour regagner les cœurs et les âmes, les collectivités ne pourront plus se contenter de votations citoyennes à leur main, comme sur la fin des trottinettes en libre-service à Paris. Il leur faudra redonner le pouvoir au peuple, selon le vœu des pères de la décentralisation. Pour ce faire, il est urgent de déverrouiller la procédure du référendum local. Les citoyens doivent avoir leur mot à dire sur les grands projets de leur territoire. S'il devient la norme comme en Suisse, le référendum d'initiative partagée ne sera plus une arme dirigée contre les institutions, mais un puissant levier de reconquête démocratique. Le Moniteur #6239 : Sabotages, intrusions... Le BTP pris pour ciblePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ni LBD, ni canon à eau. La protection d'un chantier s'opère - et c'est heureux - avec les outils de la sécurité privée. Alors, c'est vrai, quand des opposants débarquent, ce n'est pas l'alarme antivol ni la ronde d'un maître-chien qui peut les arrêter. C'est pourquoi, depuis quelques années, l'accroissement du nombre d'intrusions militantes ou d'actes de sabotage impose aux entreprises comme aux maîtres d'ouvrage de repenser leurs dispositifs (lire p. 8). Mieux protéger le matériel, mieux dialoguer avec les forces de l'ordre… Tout cela paraît indispensable. Cependant, comme le montre l'actualité, la réponse sécuritaire demeure terriblement court-termiste dans ses effets. Ni faction, ni factieux, les militants qui s'en prennent aux projets de construction sont mus non par l'appât du gain ou la peur du gendarme mais par des convictions, le plus souvent environnementales.
La construction doit endosser un rôle historique dans la décarbonation.
Or, l'urgence climatique ne faiblit pas, au contraire. Le dernier rapport du Giec est sans ambiguïté : les bâtiments et les infrastructures pèsent lourd dans les émissions (lire p. 14) . On peut en conclure qu'il faut bloquer les camions, démonter les grues et vouer le BTP aux gémonies. « All Constructors Are Bastards » en quelque sorte. Ou alors on peut considérer que, compte tenu de cette responsabilité, la construction doit endosser un rôle historique dans la décarbonation. Reste à convaincre. Traiter les opposants par le mépris n'a jamais résolu le moindre conflit. Et se draper dans la régularité de la procédure ne suffit pas à assurer la légitimité d'un projet. C'est donc du côté du dialogue et de la transparence que doivent porter les efforts. Il faut écouter Chantal Jouanno pointer, au terme de ses cinq années à la tête de la Commission nationale du débat public, le recul de notre droit de la participation. Il faut la suivre quand elle plaide pour une planification territorialisée capable de donner au public une vision plus claire de la transition écologique. Sans naïveté, mais avec conviction. La démocratie sociale apparaît bloquée. La démocratie représentative se trouve malmenée. Si, pour apaiser les tensions, on essayait au moins de sauver la démocratie environnementale ? La Gazette des communes #2658 : JO2024 - Les collectivités s'arrachent les délégations d'athlètesPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Romain MazonEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Sous réserve d'un renoncement du gouvernement, pressé par un mouvement social qui ne désarmerait pas - selon la « jurisprudence » du contrat première embauche, en 2006 -, et de la décision du Conseil constitutionnel, l'âge légal de départ à la retraite est donc progressivement porté à 64 ans, et la durée de cotisation allongée. Sur la forme, comme sur le fond, l'équipe d' Elisabeth Borne n'aura pas su convaincre de la pertinence de sa réforme au-delà du camp présidentiel. USURE PROFESSIONNELLE. Aux yeux des oppositions et de la majorité des Français, le texte n'est ni « juste » ni « de gauche ». Il n'est pas non plus « garant de la pérennité de notre système de retraite par répartition » ni même suffisant pour « rétablir l'équilibre des finances publiques ». Dans la territoriale, c'est pire. Les syndicats sont vent debout, à l'image du secteur privé. Et les employeurs territoriaux estiment, par la voix du président de leur coordination, Philippe Laurent, que « la question des territoriaux n'a pas été prise en considération de manière sérieuse ». La réforme ne règle quasiment aucune des situations qui font la particularité des métiers des collectivités. La réforme ne règle en effet quasiment aucune des situations qui font la particularité des métiers des collectivités. Comptant 75 % d'agents de la catégorie C, la fonction publique territoriale est, plus que les autres, concernée par l'usure professionnelle et les inaptitudes. Or, si un fonds de prévention est prévu pour les métiers du médicosocial, rien à ce stade ne l'est pour ceux de la territoriale, même si des discussions ont été entamées avec l' exécutif. MALADIE ET VIEILLISSEMENT. Désavantagées sur leurs retraites, les femmes le resteront même après la réforme, de l'aveu du gouvernement. Nouveau déséquilibre persistant. Pour contribuer à la solidité du système, les cotisations « employeurs » à la CNRACL, la caisse des territoriaux, augmenteront de 1 % l'an prochain. Mais, promet l' exécutif, la hausse sera compensée, probablement par une baisse équivalente des cotisations « maladie »... On déséquilibre Pierre pour équilibrer Paul, en lui ajoutant un poids sur les épaules puisque le vieillissement des agents amplifiera mécaniquement le nombre et la durée des arrêts de maladie... A quand une réforme qui stabilisera les comptes de la Sécu ? S'agissant des retraites, en tout cas, il faudra attendre. Le Moniteur #6238 : Les routes, un patrimoine à bichonnerPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : On peine encore à percevoir toutes les implications de la priorité donnée à la reconstruction de la ville sur la ville. Les équilibres économiques se trouvent bousculés par le coût du foncier, des déconstructions ou des transformations. Des compétences techniques nouvelles - de la dépollution des sols au diagnostic du bâti existant - deviennent incontournables. Des évolutions réglementaires s'efforcent d'encourager ce qui, jusqu'ici, n'était que marginal : surélévation, changement de destination… Sans parler du travail même de conception et de construction, infiniment plus complexe à réaliser qu'au milieu des champs. Le partenariat entre le public et le privé trouve dans la reconstruction de la ville sur la ville un nouveau terrain de jeu Cette mutation profonde n'épargne pas l'aménagement urbain. Sur la ville du déjà-là, les intérêts se croisent, les prérogatives s'enchevêtrent. Pour faire converger les points de vue, l'Etat et les collectivités se prennent à œuvrer main dans la main avec des promoteurs, des foncières voire des industriels. Le partenariat entre le public et le privé trouve ici un nouveau terrain de jeu qui exige un montage complexe, une confiance réciproque et une claire répartition des rôles. C'est cette tendance de fond qu'entend ausculter notre nouvelle série dédiée à « l'aménagement partagé ». Cette semaine, nous nous rendons dans la métropole lilloise, à la découverte de Quai 22, une opération mixte portée par deux promoteurs et une SEM. Les mois prochains, nous nous intéresserons à la requalification de friches commerciales, à la revitalisation de centres-villes dégradés, à la création de campus mêlant recherche et entreprises… Autant de projets issus de territoires divers et toujours sur mesure, mais qui, tous, sont venus à bout d'un cheminement tortueux à la faveur d'un esprit résolument collectif. Que le lecteur ne s'y trompe pas. Il n'y aura, dans ces exemples, ni grande leçon ni formule magique. Chaque cas est le fruit de contingences locales et de rencontres plus ou moins fortuites. Non reproductibles, ils n'en restent pas moins évocateurs de cette indispensable manière de fabriquer la ville aujourd'hui. En cela, ces opérations deviennent source d'inspirations. L'aménagement partagé aussi, ça se partage. Urbanisme #430 : Prospective - Au défi des utopies et du réelPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Au retour d’une pause hiémale dont le principal bénéfice fut, sans aucun doute, la déconnexion numérique, sautant dans le grand bain médiatique (presse x chaînes d’information x réseaux sociaux), j’ai manqué périr tout à la fois noyé et démembré par le tsunami glauque des points de vue. Car il n’y a plus d’information désormais, il n’y a que des avis. Si le succès des réseaux sociaux tient depuis l’origine à la possibilité offerte à tout un chacun d’être un commentateur (contempteur) de tout sujet aussi sophistiqué ou trivial soit-il, si cela fait longtemps déjà que la télévision et la radio sont les empires des chroniqueurs, nous ne pouvons que constater qu’une presse quotidienne, en se réduisant elle-même au rôle de relais desdites opinions qu’elle capture, engraisse et libère dans ses pages, a renoncé à l’information. Tout du moins au sens que lui donnaient ses pères contemporains, parmi lesquels Hubert Beuve-Méry. Cela fait longtemps que la prudence nous enjoint de vérifier ce qui est avancé, et nous avons pris l’habitude de vérifier qui parle. Mais il est de plus en plus difficile de le savoir, dans la mesure où l’erreur d’analyse (intentionnelle ou non) de quelqu’un n’ayant d’autre motivation que d’affermir sa posture est désormais reprise en canon dans tous les canaux médiatiques. Exemples les plus connus : l’artificialisation des sols qui représenterait la surface d’un département français toutes les x années selon les sources et Paris qui serait la ville la plus dense du monde. Dans le déferlement des avis, les voix des sachants (académiques ou professionnels experts) sont couvertes par le bruit assourdissant des apprentis-sorciers, des grandes gueules et autres colporteurs en plein exercice de placement de produits, qu’il s’agisse d’eux-mêmes ou d’une offre « étagère » miracle. Mais il y a plus grave : la diffusion de la parole et des actes militants non pas pour ce qu’ils sont – le plus souvent fondés, sinon nécessaires –, mais pour « l’objectivité » des enjeux auxquels ils s’attachent et la « nécessité » des actions qu’ils conduisent. Jusqu’à l’étourdissement, au mirage d’une justice citoyenne qui n’est pas sans rappeler de bien mauvais souvenirs historiques. Ainsi, quand un grand quotidien national soutient tacitement les « dégonfleuses » de SUV au nom de la lutte climatique, on ne peut s’empêcher de se demander quel regard il porte à cet égard sur le développement massif du chauffage au bois par les ménages les plus fragiles. Et surtout de se dire : qu’est-ce qui vient après le dégonflage ? Du bruit, encore du bruit, toujours du bruit. Le grand espace digital, cette promesse de connaissance universelle et d’augmentation de l’humanité est une nouvelle tour de Babel, un endroit où règnent le bruit, la confusion et où les gens ne se comprennent pas. Dans les anciennes langues sémitiques, Bāb‑Ilum désigne « la porte des dieux », mais, dans la Bible, la racine BLBL signifie « bredouiller », « confondre » ; on la retrouve dans le verbe babiller qui veut dire « parler beaucoup », d’une manière enfantine. Pas bien grave donc ? Si, car les approximations et les fake facts composent un maelström de biais dans lequel nous – humains – piochons allègrement, sans précaution ; mais pas aussi bien que ChatGPT qui achèvera d’en faire, au gré des volumes de reprises qui fondent ses statistiques, des vérités. Dans l’Ancien Testament, la tour de Babel est abandonnée par les hommes éreintés : ne serait-ce pas la plus grande utopie contemporaine ? Urbanisme #428 : EnergiesPériodiquesAnnée : 2022Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Quand nous avons inscrit, en octobre 2021, la question des énergies à notre calendrier éditorial, croyez-le ou non, nous avons dû faire face à bien des étonnements et interrogations. Or, vous qui lisez ces lignes, un an plus tard, vous êtes en train de vous demander – j’en suis certain – si la revue Urbanisme n’est pas en train de surfer sur la haute vague d’une crise qui touche désormais tout le monde et semble s’ancrer résolument dans le temps long. Pourtant, cette problématique ultrasensible des énergies a déjà produit, sur la courte échelle temporelle de la bascule de l’holocène à l’anthropocène, des évènements dramatiques (de guerres en crises) que nous n’avons pas pu ne pas voir, des conséquences sur l’environnement et le cadre de vie (pollutions, maladies…) que nous n’avons pas pu ne pas sentir et ressentir, une incidence croissante (jusqu’à devenir excessive) sur nos budgets que nous n’avons pas pu ne pas toucher. Nous n’avons pas eu envie de voir, de sentir, de toucher les impacts de l’évolution de nos modes de vie sur la planète et sur nos vies elles-mêmes. Les promesses de la mondialisation en matière de confort et pouvoir d’achat, opportunément catalysées par une énergie bon marché, étaient bien trop belles pour être assombries par des cas de conscience, pour être entachées d’éthique. D’autant que les industriels de l’exploitation et de la production d’énergie, de leur côté, s’appliquaient à rendre les questions de fond – ressources, émissions, déchets ultimes, etc., – presque parfaitement invisibles au plus grand nombre. Permettant ainsi, jusqu’à une période encore très récente, à chacun de se bercer d’illusions et autres pensées magiques, et aux acteurs de l’urbanisme de faire de cette question le plus invraisemblable et regrettable impensé de leurs projets. Notez à ce stade que si réveil il y a, personne n’a manifestement retenu la leçon, tant les acteurs du digital et de la logistique appliquent aujourd’hui avec succès les mêmes recettes d’invisibilité pour déculpabiliser les masses. Alors, que s’est-il passé en un an ? Dans les discussions quotidiennes, certains évoquent la guerre en Europe, et quand on leur rappelle qu’elle a commencé en 2014 avec l’annexion de la Crimée, ils précisent : les conséquences économiques de la guerre, et tout particulièrement la rupture d’approvisionnement en gaz de l’Europe par la Russie. S’ensuit généralement un débat entre néo-experts – comprendre informés – alternant géopolitique de l’épicerie (la moutarde), complotisme soft (les mains occultes) et inquiétudes non feintes (y aura-t-il de l’essence à Noël ?). Plus sérieusement, ce qu’il s’est passé en un an, c’est qu’une grande partie de la population s’estimant jusqu’alors pas ou peu concernée a touché du doigt sa dépendance énergétique, comprenant par là même que les ressources sont limitées et sensibles. Mais surtout, en conséquence, cette population a commencé à payer le prix de ses existences dispendieuses ; et brutalement atteinte au porte-monnaie, elle se surprend aujourd’hui à prononcer plus que volontiers, avec espoir, les mots sobriété et transition. De telle sorte qu’un numéro d’Urbanisme consacré à l’énergie prend aujourd’hui forme d’évidence. La Gazette des communes #2657 : Zones à faibles émissions - Comment faire passer la pilulePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Jean-Baptiste ForrayEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ce qu'il y a de bien quand on reçoit un rapport de la Cour des comptes, c'est qu'on ne risque pas d'être frappé de stupeur et de tremblement. La dernière livraison annuelle, consacrée à la décentralisation, ne faillit pas à la règle. La France dénombre trop de communes, jugent, en substance, les pensionnaires de la Rue Cambon. Contrairement à l' Allemagne, à l' Italie et à l' Espagne, elle n'a pas su mener à bien le chantier des fusions de municipalités. Même reconfigurées, les régions hexagonales font pâle figure au regard de leurs voisines et ne disposent toujours pas de la force de frappe des länder.
CERCLE DE LA RAISON.
Une charge contre l'exception française digne d'un discours du Premier ministre Edouard Balladur en 1994, à moins que ce ne soit d'un rapport de l'OCDE de 2011. Il ne manque qu'une référence à celui d' Olivier Guichard, « Vivre ensemble », et aux premiers contrats de plan de Michel Rocard pour que cette prose ressemble à une copie de Sciences-po.
En dehors d'une piste tout à fait nouvelle, à défaut d'être tout à fait convaincante, la fusion-absorption de communautés de communes par des conseils départementaux ruraux, l'institution présidée par Pierre Moscovici reste fidèle aux canons du cercle de la raison.
Consacré à la décentralisation, le rapport annuel de la Cour des comptes manie à ravir l'art du balancement circonspect.
EN MÊME TEMPS. A la manière d'un éditorial d' Alain Duhamel, son rapport manie à ravir l'art du balancement circonspect. Il faut une nouvelle étape de la décentralisation, mais davantage contrôler les dépenses des collectivités. Il est temps de clarifier les compétences des divers échelons pour que le citoyen s'y retrouve. Mais il convient également de donner aux collectivités la possibilité de prendre des prérogatives particulières au nom de la différenciation territoriale. Les esprits facétieux de l'amphithéâtre « Boutmy », à Sciences-po, appelaient cela jadis : « Thèse, antithèse, foutaise ». Pur produit des lieux, Emmanuel Macron préfère parler d'« en même temps » et de « pensée complexe ». Le rédacteur du rapport « Attali » de 2008 retrouvera ses petits dans les préconisations de la cour. Le cercle de la raison et le balancement circonspect résistent décidément à l'épreuve du temps. La preuve, Alain Duhamel est toujours à la télé. Le Moniteur #6237 : EnR, ZAN, bas carbone... Vinci veut prendre les devantsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Vingt-trois millimètres qui changent tout. La profondeur de la fissure découverte, le mois dernier, dans la tuyauterie de la centrale de Penly est telle qu'elle impose une vague de contrôles dans tout le parc nucléaire tricolore. Cette énième alerte témoigne de la fragilité de notre approvisionnement énergétique : alors que la production est sous tension, ces quelques millimètres pourraient encore nous priver de précieux térawatts-heure. L'effet papillon, version atomique.
L'invraisemblable série de déconvenues touchant EDF pourrait prêter à sourire. Mais on aurait tort de tirer sur l'ambulance : la descente aux enfers de l'ancien fleuron national risque d'entraîner le pays tout entier. La reconstruction de notre modèle énergétique est urgente. Elle implique la mobilisation de tous, à commencer par les majors du BTP, qui ont chacune intégré ces métiers en leur sein. Vinci va même plus loin en devenant producteur d'EnR. Un virage stratégique défendu avec ardeur par son P-DG Xavier Huillard.
Au-delà de la relance du nucléaire, c'est du côté du renouvelable que les appétits s'aiguisent et que les armes s'affûtent
On peut le comprendre. Au-delà de la relance massive de la filière nucléaire, c'est en effet du côté du renouvelable que les appétits s'aiguisent et que les armes s'affûtent. Les choix d'aujourd'hui seront déterminants pour les années à venir. Opter pour le photovoltaïque ou l'éolien ? Privilégier l'off-shore ou l'on-shore ? Se positionner comme industriel, constructeur ou opérateur ? Chacun cherche aujourd'hui la martingale.
Après des années à porter à bout de bras l'amorçage de cette activité, le temps est-il venu pour l'Etat de laisser les acteurs privés en toute liberté ? Ce serait une erreur. Bien éloigné du monopole public, le marché des EnR connaît un bouillonnement tel qu'il devient prioritaire d'élaborer un cadre réglementaire adapté et ce, tant pour la production, comme l'ambitionne la toute nouvelle loi d'accélération des EnR, que pour la vente d'électricité renouvelable. Un environnement juridique susceptible de sécuriser les projets. Un mur d'investissement nous fait face. Et lui ne présente pas de fissure. Le Moniteur #6236 : Investissements dans les mobilités. Qui gagne, qui perd ?PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est peu dire qu'il était attendu, ce rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Initialement annoncé pour décembre, reporté à janvier et finalement remis fin février, le texte a eu le temps de voir chaque mot soupesé, chaque chiffre revérifié. Au bout du compte, ce document propose trois scénarios d'investissements, du plus économe au plus coûteux, qui esquissent les perspectives françaises en matière de mobilités. L'attente ayant été suffisamment longue, Elisabeth Borne n'a pas fait durer le suspense davantage. A peine avait-elle pris le rapport en main que la Première ministre annonçait opter pour le scénario médian. Ce choix n'est certes pas une surprise totale mais c'est un soulagement pour les professionnels car, si cette option est effectivement suivie, l'enveloppe de l'Etat destinée aux infrastructures fera un bond de 50 %.
Etablir des priorités pour les infrastructures, c'est écarter certains projets et faire évidemment des déçus
Un tel outil de prospective nécessite du temps, on l'a compris, du travail, on s'en doute, mais aussi d'inévitables compromis. Etablir des priorités, c'est écarter certains projets. L'époque du « quoi qu'il en coûte » est bel et bien révolue. Pire : cette période a lourdement dégradé les finances publiques, ce qui rend encore plus difficile l'accès aux deniers de l'Etat, a fortiori pour financer des investissements qui, nonobstant leur nécessité, verront leurs effets produits dans des années, voire des décennies. Il y a bien évidemment des déçus, c'est le propre de l'exercice. Les professionnels de la route grincent des dents. Le Sud-Ouest voit s'éloigner sa LGV Bordeaux-Toulouse. Quant aux promoteurs du Lyon-Turin, ils s'étranglent d'un énième décalage du projet. Ces points noirs, qui méritent qu'on y revienne, ne doivent pas occulter une réalité plus réjouissante : la volonté politique semble bien réelle, et ce, au plus haut sommet de l'Etat. On peut remercier ici la loi d'orientation des mobilités de 2019 qui a, entre autres, installé dans la durée ce COI. Une loi portée à l'époque par une ministre des Transports tenace nommée Elisabeth Borne. Cette dernière dispose aujourd'hui de tous les leviers pour réaliser l'acte 2 de cette noble ambition. Revue des deux mondes #1 : Villes futuresPériodiquesAnnée : 2005Auteur : Michel CrépuEditeur : REVUE DES DEUX MONDES REVU DE DEU MONDDescription : Le thème principal de ce numéro de la Revue des deux mondes est une interrogation sur les villes futures : existe-t-il encore une pensée de la ville, ou même du bâtiment en tant que tel? Au sommaire : Alberti, le temps du bâtisseur (Françoise Choay), C'est donc ça, Shanghai ? (Serge Bramly), Quelque chose de Detroit (Jean Pavans), Construire son époque (Christian de Portzamparc), Berlin, une ville de mues (Corinne Jaquand), Du miracle au mirage (Didier Laroque), Comme si un fleuve entourait Paris (Michel Pinçon)... La Gazette des communes #2655 : Protection de l'enfance - Pourquoi le malaise persistePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Hervé JouanneauEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Alors qu’une sécheresse exceptionnelle frappe le pays depuis plusieurs semaines, les sapeurs-pompiers se mettent déjà à redouter des incendies encore plus intenses cet été que l’année passée. Et si le scénario catastrophe du film « Le Jour d’après » devenait réalité ? Alors qu’une sécheresse exceptionnelle frappe le pays depuis plusieurs semaines, les sapeurs-pompiers se mettent déjà à redouter des incendies encore plus intenses cet été que l’année passée. S’il est encore trop tôt pour prévoir précisément les conditions météorologiques des prochains mois, les scientifiques sont unanimes : le dérèglement climatique va entraîner des chaleurs supérieures à la normale et dans toutes les régions de l’Hexagone. Face à la menace, les soldats du feu seront-ils prêts à affronter les brasiers ? D’ores et déjà, dans les casernes, où le traumatisme reste vivace, tous affichent la plus grande vigilance. C’est le cas en Gironde, département dévoré par les flammes l’été dernier, où le déploiement de caméras pour effectuer les repérages de feu a commencé et les renforts de camions devraient arriver ces jours-ci.
Moyens renforcés
De la Sarthe au Jura, en passant par le Var et la Lozère, on escompte maintenant que les moyens annoncés à l’automne par le chef de l’Etat seront mis en œuvre sur le terrain. Parmi eux : le renouvellement de la flotte de Canadair, la montée en puissance de la politique de location des hélicoptères, le doublement des colonnes de renfort envoyées sur les feux et le recrutement de volontaires. Concernant le serpent de mer du financement des services d’incendie et de secours, les arbitrages du ministre de l’Intérieur sont attendus prochainement sur la base des préconisations de l’inspection générale de l’administration. L’enjeu est de taille et le défi immense car le malaise des sapeurs-pompiers, qui n’en peuvent plus d’être sollicités à tout va pour pallier la crise du système de santé, n’a jamais été aussi palpable. Cette grogne, relayée par « La Gazette », impose une réponse à la hauteur des périls climatiques et humains. Pas seulement pour mettre à niveau rapidement des moyens aujourd’hui largement insuffisants, mais aussi pour donner un souffle ambitieux à une politique de sécurité civile en pleine mutation et conforter clairement ceux qui ont fait du dévouement leur métier. Le Moniteur #6235 : Equans lève le voile sur ses ambitionsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Barbara KiralyEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La myopie, ce fléau
Qui aurait pu prédire la crise du logement ? Tout le monde. Ou presque. Le secteur du bâtiment alerte depuis plus d'un an et la touche du doigt aujourd'hui. En 2022, les constructeurs de maisons ont en effet réussi l'exploit de commercialiser peu ou prou autant de logements individuels que de HLM agréés, soit moins de 100 000 unités ! Pour éviter d'avoir à prendre les mesures financières qui s'imposent, une énième concertation a été lancée, sous la houlette du Conseil national de la refondation. Laissant les professionnels dubitatifs, car il y a « un consensus sur le fait que la commission Rebsamen a bien fait le boulot en mettant sur la table les solutions nécessaires », rappelait tout récemment un poids lourd du secteur. Et pour répondre à la grogne bien compréhensible des promoteurs immobiliers, qui présenteront leurs mauvais chiffres début mars, le ministre du Logement, Olivier Klein, les a reçus pour une session de câlino thérapie la semaine passée. Comme dans le secteur du logement, le manque de vision pénalise la réindustrialisation du pays.
Autre secteur, même manque de vision : la France découvrait avec horreur - à la faveur de la crise sanitaire - les conséquences de plusieurs décennies de désindustrialisation. Rendez-vous compte : la part de l'industrie dans le PIB de l'Hexagone chutait à 13,5 % en 2018, alors qu'elle culminait à 25,5 % à la même date en Allemagne selon l'Insee. « Installer une usine prend deux fois plus de temps en France qu'en Allemagne », admet-on aujourd'hui à Bercy. Le gouvernement compte bien accélérer avec son projet de loi « industrie verte » qui sera présenté au Parlement en juin. Un texte bienvenu… qui arrivera trois ans après le début de la crise sanitaire et quelques dizaines d'années trop tard. La Gazette des communes #2654 : Cyberattaques - Comment éviter le pirePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Jean-Baptiste ForrayEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est le dossier le plus explosif de la mandature dans 43 grands groupements intercommunaux. Les zones à faibles émissions (ZFE) pourraient interdire d'accès 60 % du parc automobile actuel aux principales agglomérations. Au nom de la lutte, légitime, contre la pollution, les pouvoirs publics risquent de fabriquer une bombe sociale. Malgré les aides multiples pour acheter des véhicules propres, la note de la transition écologique reste salée pour les foyers modestes. Chargé par le gouvernement d'une mission sur les ZFE, le maire (ex-LR) de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, sonne l'alarme. Proche de la Macronie, l'édile centriste sort du rang pour réclamer un doublement des aides de l'Etat.
GRÈVE DU ZÈLE. Une requête qui reste lettre morte. L'heure n'est plus au « quoi qu'il en coûte ». Dans ces conditions, Jean-Luc Moudenc fait la grève du zèle. Il se garde bien d'ordonner à sa police municipale de verbaliser les propriétaires de vieilles voitures carburant au diesel. Son homologue marseillais, Benoît Payan (PS), est sur la même longueur d'onde. Dans les quartiers populaires de la cité phocéenne, la marche est trop haute. Les grandes villes n'ont pas oublié, non plus, les marées de « gilets jaunes » qui les ont submergées voici cinq ans. Même les élus EELV de la métropole lyonnaise font profil bas. Leur zone à faibles émissions verra le jour avec deux ans de retard au regard de leur calendrier initial. Le but de la manœuvre ? Faire coïncider la naissance de la ZFE avec le lancement de trois lignes de tramway. Un effort louable. L'Etat a des oursins dans les poches. Les collectivités ne pourront pourtant pas payer toutes seules la facture des transports en commun.
GROS SOUS. Le chantier des transports en commun ne peut cependant se cantonner à l'intérieur des agglomérations. La justice sociale et territoriale exige aussi des RER métropolitains dans un large rayon autour des grandes villes. Emmanuel Macron s'est engagé sur cette voie à la fin de l'année dernière. Mais l'Etat a des oursins dans les poches. Les collectivités ne pourront pourtant pas payer toutes seules la facture. Dixit le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, l'addition s'élèvera, au bas mot, à 13 milliards d'euros. Le Moniteur #6234 : Les as de la nouvelle règlementationPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un « z » qui veut dire zéro. Mais un zéro relatif ou absolu ? C'est tout le débat sur le ZAN qui agite les parlementaires ces jours-ci, loin du tumulte des retraites. Initiée par des sénateurs, une proposition de loi en cours de discussion vise à desserrer l'étau sur les collectivités. Comme par enchantement, les députés de la majorité viennent de défourailler leur propre texte, bien plus proche de la conception du gouvernement. Le combat politique s'engage, à la pointe de l'épée.
Sur le terrain, la dynamique de non-artificialisation est pourtant bel et bien enclenchée. Au cœur de Lyon, à Saint-Ouen aux portes de Paris ou à Cusset dans l'Allier, ce sont bien des friches qui accueilleront les futurs quartiers. Ou encore à Dreux, territoire précurseur et enthousiaste de la sobriété foncière. D'où vient alors la crispation parlementaire ? Ses racines plongent dans les territoires ruraux, base arrière des sénateurs, où l'on peine à imaginer un développement sans consommation de terres agricoles. Les tours ne poussent pas dans les bourgs : on s'y installe justement pour fuir la densité. D'où la montée d'une angoisse, celle que le ZAN implique aussi un zéro croissance nette.
La politisation comporte le risque d'attiser une opposition caricaturale entre ville et campagne.
Tout semble en place pour un dialogue de sourds. D'un côté, la lutte contre l'artificialisation se trouverait réduite à une marotte de citadins désireux de plonger la ruralité dans un immobilisme de carte postale. De l'autre, les craintes des élus ruraux ne seraient, aux yeux des défenseurs d'une application stricte de la règle, qu'une expression de leur conservatisme atavique. De la ZFE au ZAN, de la bagnole au pavillon, la politisation comporte le risque d'attiser une opposition caricaturale entre ville et campagne. Evidemment, tout cela est infiniment plus complexe. L'ambition est légitime, les craintes sont réelles. Les modalités d'application nécessitent donc un débat approfondi et sincère qui, jusqu'à présent, a fait cruellement défaut. Reste à savoir si, dans le climat actuel, ce nouveau champ de bataille parlementaire accouchera de solutions concrètes et partagées. Echapper, si possible, à la « bordélisation » Diagonal #216 : Les espaces protégés font bouger les lignesPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Virginie BathelierEditeur : DIRECTION GENERALE DE L AMENAGEMENT DU LOGEMENT ET DE LA NATURE DIREKSION JENERAL AMENAJEMAN LOJEMAN NATURDescription : En ce début d’année, les aires protégées sont en majesté avec la volonté lors de la Cop 15 sur la biodiversité de leur réserver 30 % des terres et des mers de la planète d’ici à 2030. L’enjeu est aussi qualitatif, il faut mieux préserver et renforcer l’efficacité des outils existants. Ceux-ci sont nombreux et correspondent à des niveaux de protection variés. Outre les points chauds de biodiversité qui nécessitent une protection forte, des réponses graduées s’imposent selon les problématiques locales. Pour autant, face aux menaces qui pèsent sur leurs territoires, la liste des chantiers à mener dans différents domaines et pour réguler les usages est longue. Elle dépasse les seules aires protégées. Mais, aux avant-postes des espaces ruraux, les gestionnaires ont la capacité d’innover et d’emporter par l’exemple d’autres secteurs. Ils peuvent favoriser l’acceptation sociale des contraintes environnementales grâce à des solutions alternatives apportant aussi un mieux-être aux populations. Et poser les jalons, peut-être, d’un rapport profondément transformé aux vivants non-humains. La Gazette des communes #2653 : Vite, dépoussiérons le concours !PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Jean-Baptiste ForrayEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Depuis la rentrée de janvier, c'est un festival. Pas une semaine sans que la Macronie ne lance un ballon d'essai à destination des « territoires ». Un jour, c'est le patron du parti présidentiel, Stéphane Séjourné, qui veut mettre sur l'établi le redécoupage des grandes régions. Un autre, c'est une source élyséenne qui évoque un retour du conseiller territorial, appelé sous Nicolas Sarkozy à siéger dans les assemblées départementale et régionale.
Le ministre Christophe Béchu n'est pas en reste. Il se dit prêt à aller « très loin » dans les transferts de la compétence « logement » de l'Etat aux collectivités. En dehors des APL et de l'hébergement d'urgence, tout est négociable.
PÉTARD MOUILLÉ. Autant d'offres de réforme qui laissent les élus locaux incrédules. Les édiles n'ont pas oublié le pétard mouillé de la différenciation territoriale durant le précédent quinquennat. Destiné à instaurer une organisation à la carte, ce mécanisme a été victime de l'échec de la refonte des institutions. Dans sa version gouvernementale, le « D » de différenciation de la loi « 3DS » s'est limité à des possibilités de modulation du nombre d'élus dans les centres communaux et intercommunaux d'action sociale ou au nombre de bêtes admises au pâturage. La fin des grandes régions risque fort de connaître le même sort. Il n'existe pas de consensus à l'Assemblée et au Sénat sur une nouvelle carte. Les présidents de région LR ou proches du pouvoir ne veulent pas entendre parler d'un quelconque redécoupage de leur fief, pas plus que d'un retour du conseiller territorial. Redécoupage des régions, retour du conseiller territorial, nouveaux transferts dans le domaine du logement... : la Macronie multiplie les ballons d'essai.
DÉCENTRALISATION. Englué sur le front des retraites, Emmanuel Macron est-il prêt à s'attaquer à des dossiers aussi explosifs ? Pas sûr, tant cette réforme n'apparaît pas mue par une foi girondine profonde. « L'expérience montre que la décentralisation n'a jamais réglé aucun problème », avait jugé, définitif, Emmanuel Macron au moment du dernier congrès des maires, avant d'appeler à des transferts de responsabilité au profit des... collectivités locales. Comprenne qui pourra. Le Moniteur #6233 : Entrées de ville : sortir du vilainPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Cette année encore, Vinci ouvre le bal. La semaine dernière, le n° 1 européen du BTP dévoilait une hausse spectaculaire (+ 25 %) de son chiffre d'affaires 2022. Certes, la majorité a été réalisée à l'étranger. Certes, l'acquisition de Cobra IS explique en partie ce formidable bond. Reste que, comme le confirmeront prochainement ses concurrents tricolores, les entreprises de BTP manquent davantage de bras que de chantiers. Cette forme éclatante ne doit pas conduire à occulter les inquiétudes qui occupent l'esprit des dirigeants du secteur. Des craintes alimentées par les alarmes des maîtres d'ouvrage. A Lyon et ailleurs, les promoteurs s'inquiètent tant des obstacles persistants à l'obtention des permis de construire que des difficultés récentes des ménages à décrocher leur financement. C'est justement parce qu'il n'est pas trop tard qu'il est urgent de réagir Côté collectivités, c'est la crise énergétique qui menace de dévorer une partie du budget initialement destiné à l'investissement. Ces nuages qui s'accumulent paraissent encore lointains. Les carnets de commandes restent pour l'heure bien garnis et les projets qui coincent aujourd'hui ne pèseront sur l'activité qu'en 2024 voire au-delà. Or, c'est justement parce qu'il n'est pas trop tard qu'il est urgent de réagir. Non pas pour le plaisir d'alimenter la machine à construire, mais pour répondre aux besoins de logements abordables, d'équipements publics de qualité et d'infrastructures écologiques.
Avec sa palette d'outils financiers et administratifs, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Mais rien ne sera possible sans la ferme volonté des collectivités de prendre le sujet à bras-le-corps. Une gageure alors que les élus locaux sont tenus d'améliorer le cadre de vie, de freiner l'artificialisation des sols et de limiter les nuisances. La métropole de Rennes tente de concilier les contraintes, en généralisant d'un côté le balcon obligatoire et la dissociation du foncier et du bâti, tout en rehaussant de l'autre ses objectifs de production annuelle de logements. Objectif : + 25 %, aussi bien que Vinci. La voie est étroite, mais elle existe : encore faut-il s'y risquer. Urbanisme #429 : Le territoire la ville et le genrePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Julien MeyrignacEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : La question du genre – des genres – est partout. Sur les écrans dans les questions d’actualité et les débats de société, sur les murs de nos villes où fleurissent les messages des colleuses et colleurs, dans nos cadres professionnels, dans nos foyers. Et aussi, depuis de très nombreuses années, dans les publications et les colloques sur l’aménagement et l’urbanisme. Nous n’avons donc eu aucune peine à nous convaincre que mettre la thématique des genres à l’agenda de nos publications était plus qu’un bon choix éditorial : une vraie nécessité. Mais nous étions loin d’imaginer son extrême sensibilité, bien au-delà du pourtant large domaine des métiers de la ville et des territoires, dans la société en général. Lors de la préparation de ce numéro, toutes les coordonnées du territoire « genres » ont été soumises à caution en comité éditorial et conseil scientifique, au prisme parfois de l’embarras ou de maladresses. Les seules questions inaugurales – « de quoi parle-t-on ? » et « d’où parle-t-on ? » – ont tissé un camaïeu d’incompréhensions brodé de fils identitaires et générationnels. Je crois que les doutes et les hésitations que chacun de nous a pu ressentir à la construction de ce numéro, et qui nous accompagnent désormais, ne sont pas son moindre intérêt et bénéfice. En effet, ce qui a été pour certaines et certains un partage, a aussi été, pour d’autres, une forme d’éveil. Avant d’écrire ces lignes, je me suis demandé : « Qui parle ? » Comprendre : « Suis-je légitime ? » Si les interrogations relatives à la prise en compte des genres dans les politiques d’aménagement et les projets urbains ont une essence universelle – et ne sauraient en conséquence être limitées aux enjeux « féminins » –, cette essence peut- elle véritablement s’exprimer sans une forme de « discrimination positive » ? Dans quelle mesure ? Quand devient-elle contre-productive ? Le devient-elle seulement ? Bien évidemment, celles et ceux qui ont contribué à ce numéro développent des certitudes épistémologiques et/ou militantes, et nous sommes certains que leur lumière, plus douce que nous ne l’avions imaginé – marqueur de sa meilleure diffusion dans une opinion plus mature –, va éclairer vos réflexions et projets ; en tout cas, en le fabricant, nous nous sommes forgé un certain nombre de convictions. Tandis qu’à titre plus personnel, la lecture de Dysphoria mundi, de Paul B. Preciado, achevait de me persuader que nous sommes en train de vivre une transition sociétale (sociale et politique) majeure, un basculement systémique global, qui ne peut être limité au climat ou à l’économie, et qu’il appartient aux urbanistes d’accompagner dans son déploiement irréversible. Enfin, si nous n’avons jamais véritablement considéré prendre un risque éditorial, nous nous sommes parfois demandé ce qui pourrait venir nous fouetter le visage en « passant la tête au-dehors ». Mais ce faisant, nos cerveaux et nos cœurs se sont emplis d’un air nouveau, revivifiant, nécessaire.