Le Moniteur #6332 : Prix Moniteur de la construction : Mes frères Gayet livrent leurs bons tuyauxPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Mamie fait de la résistance. En observant la cuvée 2024 des Prix Moniteur de la construction, on ne peut s'empêcher de constater que les entreprises aussi se bonifient avec le temps. Centenaires, quasi-centenaires et même presque bicentenaires : elles sont nombreuses, parmi les lauréates, à témoigner d'une glorieuse histoire qui remonte à plusieurs générations.
Ces trophées, pourtant, ne sont pas une carte senior. Ce palmarès n'a rien d'un thé dansant. A l'Ehpad, ces sociétés préfèrent l'iPad, misant sans réserve sur l'innovation, comme en témoigne la présence massive de bureaux d'études intégrés. La fin de vie les inquiète moins que la fin du monde : elles embrassent la transition écologique avec la fougue retrouvée de leurs 20 ans. Et, dans leurs rangs, point de vieilles grincheuses : toutes ouvrent leurs bras avec enthousiasme et bienveillance à la jeunesse d'aujourd'hui, sur les chantiers comme dans les comités de direction.
Toutes les entreprises lauréates des Prix Moniteur de la construction forment des collectifs solides et déterminés.
Bref, elles sont souples, agiles et dynamiques. Surtout, elles se portent comme un charme. Elles n'ont pas juste bonne mine, de celle que donne une crème antirides efficace, mais affichent une forme excellente, vérifiée par un check-up complet. La performance, telle que l'a évaluée le jury de ces prix, se mesure en effet à l'aune de critères économiques et financiers, mais aussi sociaux et environnementaux. Un test d'effort unique, que ces lauréates ont réussi avec brio.
Leur santé de fer n'a d'égale que leur moral d'acier. Engagés et motivés, leurs dirigeants creusent leur sillon, affinent leurs recettes, adaptent leurs process. Surtout, ils témoignent d'une infinie reconnaissance pour leurs équipes. Certaines entreprises sont familiales, d'autres coopératives… mais toutes forment des collectifs solides et déterminés, composés d'hommes et de femmes dont l'implication est le résultat de recrutements avisés, de formations adaptées, de rémunérations généreuses tout autant que de petites (et sincères) attentions. Un management aussi bénéfique à la longévité que le verre de porto quotidien de Jeanne Calment. Le Moniteur #6330 : Transformer les friches en or, l'alchimie de l'immobilierPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Certes, il reste près de trente mois à Emmanuel Macron avant de quitter l'Elysée. Mais ce second quinquennat tournant en eau de boudin, il ne paraît pas prématuré de tirer les premiers enseignements de sa présidence. Pour la construction, la moisson est assez maigre. Un manque d'intérêt certain, qui s'est traduit par peu de lois dédiées. Les TP se souviendront peut-être de la LOM, les bailleurs sociaux d'Elan. Et si son héritage était ailleurs ?
C'est dans la loi Climat et résilience que se niche l'une des transformations radicales opérées ces dernières années. Avec l'objectif de zéro artificialisation nette, la France a pris le virage de la sobriété foncière. Un virage dont la vitesse se négocie encore, puisqu'un troisième texte viendra à nouveau remettre l'ouvrage sur le métier.
De fardeau pour un territoire, ces zones délaissées se sont muées en potentiel de développement.
Mais l'objectif, lui, ne se négocie plus : même ses plus farouches opposants concèdent qu'il faudra bien y arriver. Quoi qu'il en coûte. On peine encore à mesure l'ampleur de ce renversement de paradigme. Car, au-delà des contraintes nouvelles pesant sur les procédures d'élaboration des documents de planification, le ZAN a durablement bousculé les esprits. Comme si le fait de nommer cet objectif - en particulier avec le mot « zéro » - avait dessillé nos yeux sur une évidence : le foncier n'est pas illimité. Cette prise de conscience collective transforme à son tour les projets de construction et d'aménagement . Baromètre des grandes tendances qui agitent le secteur de l'immobilier, le Simi, organisé du 10 au 12 décembre par Infopro Digital (propriétaire du « Moniteur »), fait d'ailleurs de la « régénération urbaine » l'un des grands parcours proposé à ses visiteurs.
Les friches n'ont certes pas attendu la présidence d'Emmanuel Macron - ni même sa naissance - pour susciter l'intérêt. La ville s'est de toute éternité reconstruite sur elle-même. Cependant, le nouveau cap clairement affiché a conféré une attractivité nouvelle à ces anciennes zones industrielles, tertiaires, ferroviaires, militaires, hospitalières, etc. De fardeau pour un territoire, elles se sont muées en potentiel de développement. De verrues, elles sont devenues des pépites. Une nouvelle ruée vers l'or se prépare. Le Moniteur #6331 : Top 1000 - Les nouveaux as du BTP enfin dévoilésPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Gloria ! Avec leur cortège de têtes couronnées, de présidents - parfois pas encore en poste - et d'artistes de renom, les célébrations en l'honneur de la réouverture de Notre-Dame ont fourni une nouvelle occasion de faire rayonner le volontarisme français sur la scène internationale. Après le succès des JO de Paris, cette reconstruction au pas de charge fournit à nouveau une démonstration éclatante de la capacité tricolore à se retrousser les manches pour mener avec succès de grands projets fédérateurs.
Requiem. Fierté méritée ou prétention déplacée ? Car, dans le même temps, l'enterrement précipité du gouvernement Barnier offrait un tout autre spectacle. L'Etat français, si prompt à plastronner sur ses capacités d'action et de mobilisation, se trouve à nouveau décapité. Nouvel épisode du feuilleton tragicomique interprété par le monde politique depuis le printemps, cette censure ne fait pas rire grand monde, surtout pas les acteurs de la construction.
Avec un mauvais budget, on investit moins. Sans budget, on n'investit pas.
In limbo. Disparu en même temps que son auteur, le projet de loi de finances pour 2025 n'avait certes rien d'enthousiasmant. Sa chute dans les limbes inquiète pourtant. D'abord, parce que, à force de persuasion, les acteurs du bâtiment et de l'immobilier avaient réussi à arracher quelques précieuses avancées (élargissement du PTZ, plafonnement de la RLS…). Ensuite, parce que même si les efforts demandés à l'Etat et aux collectivités risquaient d'entraver la commande publique, l'absence de tout cadre budgétaire stable se révèle encore plus paralysante. Avec un mauvais budget, on investit moins. Sans budget, on n'investit pas.
Nostradamus. Prédire la suite des événements relève de la prophétie de boule de cristal, tant les inconnues sont nombreuses et les stratégies opaques. Il n'est en revanche pas interdit d'espérer qu'un sursaut permette aux parlementaires de s'accorder sur quelques textes consensuels, afin de ne pas laisser s'embourber davantage la machinerie législative. Si d'aventure cette bonne volonté était partagée, le dossier du logement pourrait peut-être bénéficier des attentions bienveillantes d'une telle union sacrée. Même si le pire n'est jamais sûr, il faut continuer de croire aux miracles. Le Moniteur #6328 : Règlement Ecoconception - Comment l'Europe veut verdir la constructionPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Faut-il sacrifier un nouveau jour férié pour financer les Ehpad ? L'idée, proposée par un récent rapport sénatorial consacré à ces structures accueillant des personnes âgées dépendantes, semble avoir fait long feu. Le débat a agité le Landerneau politique, hérissé les centrales syndicales, opposées à voir les salariés supporter seuls cette charge, et mis vent debout les associations d'anciens combattants, inquiètes pour le 11- Novembre. « Très réservé » sur l'intérêt de la mesure, le Premier ministre a refermé la boîte à idées. Et pourtant, la France va immanquablement manquer d'Ehpad.
La pyramide des âges est implacable : les besoins vont exploser au cours de la prochaine décennie.
Ce même rapport parlementaire pointait en effet les difficultés financières croissantes de ces institutions, qu'elles soient publiques ou privés, à but lucratif ou non. De mauvais résultats qui détournent les investisseurs et freinent toute ambition de développement. Or, la pyramide des âges est implacable : les besoins vont exploser au cours de la prochaine décennie. Or le pays ne s'y prépare pas.
Dans les Ehpad, en effet, l'heure est à la rénovation (lire p. 8) . On isole, on modernise, on rafraîchit… Objectifs : respecter les obligations du décret tertiaire et améliorer le cadre de vie des personnes âgées. Mais aussi redorer l'image de ces établissements, éclaboussés par le scandale Orpea et critiqués pour leur gestion du Covid. Une montée en gamme salutaire, mais qui, en donnant davantage de place aux résidents, réduit encore un peu plus une offre de lits déjà sérieusement entamée par la baisse du nombre de structures.
Même si on met le turbo sur l'adaptation des logements, même si on accroît l'offre de résidences pour seniors non dépendants, le défi du vieillissement contraindra tôt ou tard à relancer la machine à construire. Un plan ambitieux qui nécessitera des investissements massifs. Pour cela, faut-il élargir l'usage du Fonds vert, comme le suggèrent les sénateurs ? Faut-il que, dans les zones rurales, ces institutions accueillent des services publics aux riverains pour favoriser leur implantation ? Rouvrons la boîte à idées ! Le Moniteur #6329 : Equerre d'argent 2024 - Au mont Salève, une machine à remonter le tempsPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Le règlement de l'Equerre d'argent est formel : muet sur la nationalité des architectes, il exige à l'inverse que les réalisations en lice se situent sur le territoire français. Du haut de son éperon rocheux surplombant le lac Léman, à une encablure du canton de Genève, la gare du téléphérique du Salève, lauréate 2024 du prix organisé par « Le Moniteur » et « AMC », se trouve bien dans l'Hexagone. Aux confins de la Haute-Savoie, elle n'a pas volé son titre mais flirte avec des limites. En creusant un peu, la Suisse n'est jamais loin.
Les lauréats de l'Equerre d'argent ont habilement tiré profit de la position frontalière.
Les acteurs de ce projet patrimonial, à commencer par le syndicat à la fois intercommunal et binational qui en est à l'origine, ont d'ailleurs habilement tiré profit de cette position frontalière. De droit français, cette maîtrise d'ouvrage n'en excelle pas moins dans l'art de la négociation et la quête de consensus. Son ambition, à la fois architecturale, paysagère et territoriale, jongle avec les contraintes et réussit le grand écart entre les exigences de là-bas et les moyens d'ici. En 2018, le concours de maîtrise d'œuvre avait vu défiler la fine fleur de la conception des deux pays. La justesse du projet de l'agence parisienne DDA avait - déjà -convaincu le jury.
Dotés d'une habileté rare à sublimer l'existant, Claudia et David Devaux font des merveilles lorsqu'ils interviennent sur les bâtiments d'illustres prédécesseurs : Le Corbusier, Mallet-Stevens, Théo van Doesburg… Au Salève, l'infrastructure est signée Maurice Braillard (1879-1965), grand architecte et urbaniste genevois. Un beau Romand, donc, mais surtout une belle histoire. Car le chantier fut interrompu en 1932, laissant l'ouvrage incomplet. Le duo ne s'est donc pas contenté d'une restauration, même minutieuse, même respectueuse : il a parachevé l'œuvre du génie suisse, tout en lui faisant faire un bond d'un siècle, le propulsant d'une modernité à l'autre.
Le règlement de l'Equerre d'argent est limpide : le prix récompense architectes et maîtres d'ouvrage. Surtout, il distingue une réalisation. Celle du Salève tient de l'exceptionnel. Par la délicatesse des interventions, évidemment, mais aussi par la radicalité des choix, qui vont de l'organisation des espaces à l'intégration au site. Une architecture de partis pris, tout sauf neutre. Le Moniteur #6327 : Les collectivités à l'épreuve du risque inondationPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La rude sécheresse de l'été 2022 aura mis en évidence la fragilité de nos nappes phréatiques et donné naissance au Plan eau. L'automne 2024, avec ses inondations dramatiques en France et en Europe, agira-t-il comme un révélateur de la vulnérabilité de nos territoires face aux conséquences du bouleversement climatique ? Car c'est une certitude : « le monde change », nous affirme Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat… et de la Prévention des risques.
Les stratégies d'adaptation au changement climatique répondent à des enjeux éminemment locaux.
Loin du Vieux Continent, une vague rouge a submergé les Etats-Unis. Le come-back de Donald Trump à la Maison blanche annonce un retour en arrière pour le climat. Or, si les Américains lèvent le pied en matière de réduction de leurs émissions, ils entraîneront à coup sûr une cohorte de nations sur la voie du désengagement. On voit mal les pays du Sud maintenir leurs efforts pour le bien commun, quand la première puissance mondiale s'absout de toute solidarité internationale.
Une tonne de CO2 émise au Texas a des conséquences à l'autre bout du monde, par exemple à Valence (Espagne), où le dévastateur phénomène de « goutte froide » aura été accentué par le réchauffement exceptionnel de la Méditerranée. Pour être efficace, l'atténuation ne peut répondre qu'à une démarche mondiale, comme l'avait initié l'Accord de Paris. Les stratégies d'adaptation, à l'inverse, répondent à des enjeux éminemment locaux. L'exemple du risque inondation est éloquent : les caractéristiques du phénomène et les réponses à lui apporter divergent selon que l'on se trouve au débouché d'une vallée, au cœur d'une plaine ou au bord de la mer.
Les collectivités se trouvent donc à la manœuvre. Ce n'est pas un hasard si l'adaptation des territoires face aux risques constitue l'une des thématiques fortes du Salon des maires et des collectivités locales, organisé du 19 au 21 novembre par Infopro Digital (éditeur du « Moniteur »). De la conception des ouvrages de protection à l'élaboration d'outils de planification adaptés, de l'invention de formes innovantes d'urbanisme à la négociation serrée entre acteurs locaux, les solutions se trouvent au plus près du terrain. Quand la mer monte trop haut, les maires montent au front. Le Moniteur #6325 : A Nice, la forêt urbaine mobilise toutes les ingénieriesPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ce ne sont plus de discrets clins d'œil, mais d'éblouissants appels de phares ! Depuis qu'il a pris ses fonctions, le nouvel exécutif entend choyer les maires des petites communes. Ces derniers viennent d'obtenir coup sur coup l'abandon du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement à l'intercommunalité et l'annonce d'un nouvel assouplissement du ZAN. Deux décisions peut-être indolores pour le budget de l'Etat, mais pas forcément sans effet sur la bonne marche des projets.
Que l'objectif de zéro artificialisation nette donne des sueurs froides aux élus ruraux, cela ne fait aucun doute. Issu d'une loi de 2021, il a déjà été remodelé l'année dernière. On ne saurait donc mesurer les effets du nouveau dispositif. Sans présumer du contenu du prochain texte - la foire aux idées est ouverte -, il faut à tout prix éviter qu'un cadre aussi structurant pour l'aménagement à long terme subisse d'incessants revirements. La stabilité normative reste, on le sait, primordiale pour les porteurs de projet.
Redonner le pouvoir aux maires, pourquoi pas, mais avec quels moyens ?
Garder la haute main sur la gestion de l'eau rassurera bien des édiles, souvent rétifs à cette mutualisation intercommunale obligatoire. Redonner le pouvoir aux maires, pourquoi pas, mais avec quels moyens ? Sans accompagnement financier et d'ingénierie, cette volte-face pourrait in fine freiner les investissements dans les réseaux. Lors des récents épisodes de sécheresse, les territoires privés d'eau étaient bien souvent ceux dotés d'une gestion communale isolée, avec des infrastructures inadaptées.
Ces signes d'affection peuvent certes s'apparenter à un juste retour de balancier, tant les élus de terrain se sont sentis malmenés par les précédents gouvernements. Mais ils ne sauraient éclipser la douche froide qu'a représentée, pour les finances locales, le dévoilement du PLF pour 2025. Le vif débat parlementaire sur le budget a d'ailleurs fait ressurgir une revendication ancienne des collectivités : le rétablissement de la taxe d'habitation. En retissant, par la fiscalité, un lien direct entre les ressources d'une collectivité et sa population, on sécurise les recettes de la Ville, on récompense le maire qui développe son territoire, on l'incite à construire du logement. Cette preuve d'amour-là, le gouvernement la refuse toujours aux élus locaux. Le Moniteur #6324 : Dans les Alpes suisses, un barrage peut en cacher un autrePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d'alu… Vous peinez peut-être à le croire mais, dans les montagnes suisses, un gigantesque barrage est bel et bien en train d'être érigé. Si, si, on vous le jure, on est même allés le voir. Si un tel chantier semble inimaginable, c'est que les derniers grands ouvrages hydrauliques français ne datent pas de la dernière pluie. Les initiatives récentes peinent à émerger, comme en témoigne l'abandon, fin août, du projet Rhônergia à la frontière de l'Isère et de l'Ain.
L'établissement d'une doctrine partagée sur les infrastructures s'impose.
La raison de cette désaffection réside dans les dommages sur la biodiversité de ces constructions et de leurs retenues d'eau. Un impact qui, à notre époque, paraît inacceptable devant un juge comme devant les électeurs. On en oublierait presque les immenses vertus de l'hydroélectricité : un bilan carbone riquiqui et une ressource renouvelable à l'infini.
La transition énergétique réclame des infrastructures. Sa réussite exige donc de surmonter l'antagonisme entre l'indispensable décarbonation de nos sociétés et la non moins légitime protection de nos milieux naturels. Cette opposition se retrouve dans les récentes manifestations contre le tracé de la future LGV Bordeaux-Toulouse ou dans les mobilisations contre divers projets de centrales photovoltaïques. Aussi nécessaires soient-ils, les efforts de sobriété ne suffiront pas à esquiver l'inextricable dilemme : préserver le cadre de vie des marmottes d'aujourd'hui ou sauvegarder les conditions de vie de celles de demain ?
L'établissement d'une doctrine partagée s'impose. Que peut-on construire ? Avec quelles externalités acceptables ? C'est, en partie, le sens de la loi Aper du 10 mars 2023, qui facilite l'obtention d'une dérogation « espèces protégées » pour les projets de production d'EnR. Cette clarification du cadre juridique doit s'accompagner d'une cohérence de long terme dans les choix des pouvoirs publics, comme le réclame la FNTP. Rien n'est pire que de laisser porteurs de projet et opposants seuls dans un dialogue de sourds mortifère. Il faut au contraire inviter les citoyens à appréhender les multiples facettes du problème, les élus à prendre le sujet à bras-le-corps et, ensemble, définir la voie acceptable pour le plus grand nombre. Marmottes comprises. Le Moniteur #6323 : Les nouvelles manières de faire la courPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Déficit qui s’envole, recettes qui s’étiolent, Bruxelles qui s’affole… Jamais un projet de loi de finances n’aura été élaboré dans un contexte aussi contraint. Il fallait redresser la barre. Restait à définir le cap, car même quand le champ des possibles se réduit à peau de chagrin, gouverner, c’est toujours choisir. En témoigne le débat sur la fiscalité, opposant ceux qui refusent toute hausse d’impôt et ceux qui ambitionnent de combler les trous grâce aux seuls prélèvements. Cela dit, au-delà des grandes masses, une autre discussion apparaît tout aussi fondamentale : celle des priorités. On serre les boulons, d’accord, mais pas partout aussi fort.
Touché par l’austérité annoncée, le BTP apparaît ainsi inégalement exposé. L’élargissement annoncé du PTZ devrait bénéficier
aux acteurs du logement neuf alors que le nouveau rabotage de MaPrimeRénov’ bridera la dynamique des travaux sur l’existant. Quant à la coupe sèche dans les finances locales, elle risque d’entraver bon nombre de projets de réseaux, voiries et équipements publics.
Le budget de l’Etat ne saurait se lire à travers le seul prisme des intérêts catégoriels. En filigrane, le nouvel exécutif se livre en effet au détricotage d’une partie des moyens financiers dédiés aux objectifs environnementaux. Ce choix – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – témoigne d’un arbitrage, maintes fois observé, entre les dépenses d’aujourd’hui et les dégâts de demain. Un renoncement
légitimé par l’urgence financière, une simple parenthèse qui, on le devine, pourrait perdurer bien au-delà d’un seul exercice budgétaire. Le Moniteur #6322 : Le béton au défi du grand âgePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Le béton finira-t-il dans les livres d'histoire ? Seule certitude, il en occupe d'ores et déjà quelques chapitres. Ce matériau, dont l'usage est attesté dès l'Antiquité, a connu une popularité inégalée au cours du XXe siècle. A tel point que des générations entières de bâtiments et d'ouvrages d'art, plus ou moins remarquables, atteignent aujourd'hui un âge canonique, celui auquel des traitements de fond s'imposent.
Même s'il reste le matériau le plus employé, le béton voit sa popularité se fissurer.
Les temps ont changé et la popularité du béton se fissure. Il reste cependant le matériau le plus employé. Ses capacités structurelles, mais aussi plastiques, n'y sont pas étrangères. Exemple par-mi tant d'autres, l'élégante halle de marché de Saint-Cloud parvient à résoudre l'épineuse équation posée par son contexte urbain grâce à l'ingéniosité de son concepteur, l'architecte Charles- Henri Tachon, mais aussi aux prouesses techniques du béton.
Pour l'heure, la domination de ce matériau reste, dans les pratiques, acquise. Il serait cependant illusoire d'imaginer pouvoir continuer à bancher sans broncher. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre place en effet le clinker dans la ligne de mire des pouvoirs publics. Pressés par un cadre réglementaire de plus en plus exigeant, les cimentiers se sont lancés dans une coûteuse mais impérieuse course contre le carbone. Une course dans laquelle la France doit conserver sa longueur d'avance.
Générateur de CO2, le béton est aussi pointé du doigt pour sa gourmandise en sables et autres granulats. Co-auteur d'une BD nommée « Ressources », Philippe Bihouix, DG du groupe Arep, rappelle au « Moniteur » (1) que « notre monde est dépendant de l'extraction de matériaux non renouvelables, un trésor lentement accumulé dans la croûte terrestre au cours des temps géologiques. » Là encore, des efforts urgents s'imposent pour trouver des alternatives mais aussi puiser dans les ouvrages déjà construits les éléments utiles à ceux de demain. Le patrimoine en béton constitue décidément un bien précieux pour les siècles à venir.
(1) www.lemoniteur.fr/arep/ Le Moniteur #6316 : Quand le logement se glisse dans l'existantPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est le mariage de la carpe et du béton. En Alsace, afin de permettre aux poissons de se déplacer le long du Rhin, un vaste chantier met actuellement en œuvre les savoir-faire les plus pointus du génie civil en milieu aquatique (lire p. 46). A terme, cette passe à poissons doit permettre d'effacer l'obstacle infranchissable que représente, tant pour les espèces migratrices que pour les populations locales, une centrale hydroélectrique barrant le fleuve.
L'ampleur des travaux, leur technicité ainsi que leur coût témoignent de l'importance que revêt désormais l'enjeu de la protection de la biodiversité. Certes, cet impératif écologique imprègne de longue date les projets, mais il s'agissait plutôt de les brider, les ralentir voire les empêcher. Ce qui est plus récent, c'est que l'on construit de plus en plus pour la faune et la flore. Et on y met les moyens.
De plus en plus de financements sont fléchés vers les opérations de renaturation ou de préservation.
Située sur un cours d'eau qui se joue des frontières, la passe à poissons de Marckolsheim a, entre autres, bénéficié de subsides européens, mais aussi du plan de relance tricolore. Car en France également, de plus en plus de financements sont fléchés vers les opérations de renaturation ou de préservation. Les agences de l'eau, par exemple, intègrent la préoccupation de la biodiversité aux questionnements plus larges sur la disponibilité de la ressource aquatique. Même les fonds privés, notamment à travers les opérations de compensation, sont appelés à participer à cette ambition commune.
On peut faire plus, on doit faire mieux. Reste que le chemin parcouru mérite bien un satisfecit. La prise de conscience collective de l'effondrement de la biodiversité explique en partie ce processus, mais ce dernier n'aurait pas été possible sans la montée en compétences des acteurs du BTP. Ni, soyons honnêtes, sans un certain courage des décideurs locaux et nationaux. Car les 80 M€ d'investissements en cours en Alsace proviennent bien des poches des contribuables et de celles des clients d'EDF. Des râleurs potentiels susceptibles de faire reculer plus d'un élu. Pourtant, la passe est bien là alors que les poissons ne votent pas. Miracle de la nature. Le Moniteur #6315 : Prévention-sécurité : Les start-up à l'assaut du chantierPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Levons un coin du voile. Les résultats de l'enquête menée par « Le Moniteur » et la FFB sur l'innovation dans le bâtiment (1) ne seront divulgués que dans quelques semaines, mais un chiffre mérite dès à présent notre attention. Invoquée par 45 % de répondants, la sécurité sur les chantiers constitue la principale motivation du déploiement de l'innovation dans les entreprises. La deuxième ? L'amélioration des conditions de travail.
La prévention est propice à la créativité. Les start-up l'ont d'ailleurs bien compris. Dans le monde bouillonnant de la « contech », qui regroupe ces jeunes pousses dédiées au secteur de la construction, la mise en sécurité des salariés stimule l'imagination : échafaudage dépliable, caméras anti-collision, EPI connectés, simulation d'accidents en réalité virtuelle… Le tout, de plus en plus souvent, dopé à l'IA.
Aussi séduisantes soient-elles, ces solutions se diffusent à faible allure aux yeux de leurs promoteurs.
La mise en sécurité des salariés stimule l'imagination des start-up
Afin de comprendre ces lenteurs, il convient de se pencher sur les spécificités du secteur. Dans le BTP, chaque chantier est une aventure unique, avec son contexte, ses équipes et son pilote. Une expérimentation couronnée de succès ici peut ne jamais arriver là-bas, quand bien même les compagnons arborent les couleurs de la même entreprise. Pire, la sécurité des salariés relevant de la responsabilité de l'employeur, on imagine le casse-tête que représente la mise en œuvre d'une technologie de rupture dans un contexte de coactivité, de sous-traitance et de recours à l'intérim.
Pour hâter le pas, une double acculturation s'impose. D'un côté, les start-upers, souvent biberonnés aux modèles de l'industrie, ne peuvent se contenter de « pitcher » au dernier étage du siège social. Ils doivent troquer leurs sneakers pour des bottes et aller convaincre les directeurs de travaux de la pertinence de leurs trouvailles. De l'autre, les acteurs de la construction sont invités à mieux partager leurs initiatives et à ouvrir plus large les portes du chantier à ces nouveaux entrants. C'est vital. Ces innovations ne promettent pas de miracles mais elles permettent d'éviter des drames.
(1) Etude réalisée du 9 au 29 avril 2024 auprès d'un échantillon de 201 répondants joints par téléphone. Le Moniteur #6314 : L'ancien loup de mer vogue pour les TPPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est un coup de pied dans la fourmilière qu'a donné Bercy au début de l'été. Dans une étude publiée en juillet, la direction générale du Trésor s'est penchée sur la vacance. Conclusion : environ 75 000 logements existants pourraient, chaque année, répondre aux besoins des ménages. Soit l'équivalent de 20 % de la production neuve.
Dotée d'une méthodologie bien charpentée, la démarche présente l'intérêt de s'intéresser aux communes dans lesquelles la production neuve s'accompagne d'une progression des logements inoccupés. En clair, elle entend déconstruire l'idée selon laquelle les maisons et appartements vacants se situeraient, pour l'essentiel, dans la diagonale du vide.
Environ 75 000 logements existants pourraient, chaque année, être mobilisés.
Elle pointe plutôt la dévitalisation des centres-bourgs au profit des zones pavillonnaires périphériques. Cet enseignement constitue l'intérêt principal de l'étude. Car, pour aller au bout de la réflexion, il aurait fallu comprendre pourquoi ces logements, situés majoritairement en zones tendues, restent désespérément vides. Propriétaires négligents ? Insalubrité ? Successions conflictuelles ? Travaux nécessaires ? Pour desserrer les freins à la location ou à la vente, il faudrait actionner un panel de mesures, de l'incitation à la contrainte, du droit de préemption jusqu'à la fiscalité. La publication, la semaine dernière, d'un arrêté ajustant un micro-détail d'un mini-dispositif de la loi Elan montre à quel point la marche est encore haute.
La note du Trésor évoque bien sûr les plans, dispositifs et aides déjà en place. Mais, malgré leur manque d'efficacité à grande échelle, elle ne propose pas de big bang. Ce n'était pas sa vocation. Mais d'ailleurs, quelle était sa vocation ? Tordre le cou à un mythe, peut-être. Objectiver une ressource sous-évaluée, probablement. Décentrer le débat de la politique du logement, sûrement, afin qu'il cesse de se focaliser sur le dramatique effondrement de la construction neuve. Un contre-feu, allumé par une administration que le triste record de 270 000 mises en chantier sur douze mois ne doit pas émouvoir. Lors du CNR Logement, à l'automne 2022, une oratrice avait jeté un froid en évoquant « de besoins nouveaux de l'ordre de 200 000 à 300 000 logements chaque année ». Sa fonction ? Cheffe économiste au Trésor. Le Moniteur #6313 : Bain de jouvence miraculeux pour la piscine bretonnePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Il est des records dont on se gargarise, d'autres dont on se passerait volontiers. La publication, fin juillet, du nombre de permis de construire délivrés en France a confirmé que le pays atteignait à nouveau des niveaux historiquement bas. Début août, on a appris sans grande surprise que l'emploi dans la construction dégringolait encore… Même si, pendant la parenthèse des JO, le temps est apparu comme suspendu, la Terre ne s'est pas pour autant arrêtée de tourner. Et la crise de l'immobilier ne s'est en aucun cas calmée.
Ce coup de frein ne concerne pas le seul Hexagone. Les racines du mal sont, il est vrai, internationales : hausse des taux d'intérêt, flambée des coûts des matériaux, incertitudes économiques… Une étude de l'institut allemand IFO le confirme : les principales économies européennes connaissent un sérieux ralentissement de leur production de logements. Et cela pourrait durer : de 2022 à 2026, la chute atteindrait 17 % à l'échelle continentale. Et pourrait même frôler les 50 % en Suède.
De 2022 à 2026, la chute de la production de logements pourrait atteindre 17 % à l'échelle de l'Europe continentale.
Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. Ou pas. Car tous nos voisins européens ne restent pas les bras ballants devant la raréfaction d'un besoin élémentaire de leur population et le ralentissement d'un pan entier de leur économie. Loin de l'inaction qui semble nous servir de politique publique, la vice-Première ministre britannique, - par ailleurs en charge de l'habitat -Angela Rayner, a ainsi annoncé un plan « radical » pour la construction de logements. Avec, à la clé, la réintroduction d'objectifs contraignants de production pour les autorités locales et, le cas échéant, la reprise en main par les instances nationales. Ça ne vous rappelle rien ? C'est l'esprit même de la loi SRU, celle-là même que l'on cherche, ici, à assouplir.
Alors que le monde braquait ses yeux émerveillés sur un Paris étincelant, les Anglais ont dû crever de jalousie. Et les émeutes racistes qui ont embrasé le royaume ne doivent pas les inciter à pavoiser. Il n'empêche, non seulement les Britanniques ont droit à un gouvernement de plein exercice, mais celui-ci semble avoir placé la crise immobilière en tête des priorités. Lucky people. Le Moniteur #6312 : Une tour de La Défense isolée fenêtre par fenêtrePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les oiseaux (de mauvais augure) se cachent pour mourir (de honte). Contrairement aux oracles les plus sombres, les Jeux olympiques de Paris se sont mués, dès leur ouverture, en succès planétaire et populaire. Cette réussite constitue une vitrine du savoir-faire tricolore dans l'organisation de grands événements. Un cocorico que l'on doit, entre autres, aux acteurs de la construction mobilisés de longue date sur cet objectif.
On sait que les ouvrages olympiques ont, de Saint-Denis à Tahiti, concentré l'attention des pouvoirs publics, maîtres d'ouvrage, maîtres d'œuvre et entreprises. Que leurs cahiers des charges ambitieux et leurs délais incompressibles constituaient de sérieux défis, au bout du compte relevés haut la main. Que ces chantiers ont, par endroits, contraint la profession à réaliser des pas de géant en termes d'innovation. Cette œuvre, déjà immense, est connue et reconnue, mais elle ne résume pas à elle seule l'apport des constructeurs à la fête olympique.
Les chantiers olympiques, ont, par endroits, contraint la profession à réaliser des pas de géant en termes d'innovation.
Leurs compétences se déploient également bien loin de la lumière des projecteurs. Dans l'arrière-scène, donc, et jusque sur la Seine. Les équipes de C&E Ingénierie ont ainsi étudié les caractéristiques structurelles des ponts parisiens sollicités par la grandiose cérémonie d'ouverture. Un travail de bénédictin, fait de calculs et de contre-calculs, mais aussi d'archiviste, pour mettre la main sur les plans d'origine de ces ouvrages historiques. Un travail de l'ombre.
Des montagnes d'équations- et quelques tonnes de béton - auront aussi été nécessaires pour concrétiser la sempiternelle promesse de pouvoir se baigner dans la Seine. Malgré les sarcasmes et les orages, l'épreuve de triathlon a pu s'y dérouler sans encombre. En plus de la volonté politique, il aura fallu compter sur le labeur colossal des ingénieurs et des compagnons pour, contre vents et marées, réaliser ce vieux rêve. Et, ainsi, clouer le bec aux grincheux. A l'heure des médailles étincelantes et des Marseillaises tonitruantes, le BTP mérite bien sa couronne de laurier. Le Moniteur #6308 : Franck Boutté célèbre 20 années d'ingénierie environnementalePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La cérémonie d'ouverture des JO, le 26 juillet prochain, placera Paris au centre de l'attention mondiale. Retour de flamme olympique : l'événement sportif attise les velléités des activistes et terroristes en quête de visibilité. Or, si la survenue d'actes violents demeure une menace, la recrudescence de cyberattaques, elle, est une certitude. La France constitue, depuis des mois, la cible de hackers, souvent venus de l'Est, qui semblent préparer le terrain pour des opérations de grande ampleur. Entreprises et administrations se savent vulnérables face à des logiciels malveillants. Boucher les failles, fermer les portes : l'heure est au calfeutrage électronique.
Aucune organisation dotée d'une connexion internet ne se trouve à l'abri d'une cyberattaque
Solidement ancré dans son univers parfaitement physique de béton, de bitume et de bois, le BTP tend encore à considérer cette menace comme virtuelle. La directive européenne NIS2 ne le place d'ailleurs pas dans la liste, pourtant élargie, des « secteurs critiques » où s'impose un renforcement de la sécurité des systèmes d'information. La construction serait-elle immunisée contre les virus informatiques ? Evidemment pas. Aucune organisation dotée d'une connexion internet ne se trouve à l'abri - le groupe Bouygues, paralysé par un ransomware début 2020, en sait quelque chose.
De manière plus spécifique, les métiers du BTP ont un rôle décisif à jouer face aux assaillants. Parmi les cibles surexposées au risque cyber figurent en effet les aéroports, les réseaux ferrés, les hôpitaux, les barrages… Des infrastructures parfaitement physiques, avec leurs murs et leurs tuyaux, mais aussi leurs câbles, leurs capteurs et leurs serveurs. La sécurité des ouvrages du XXIe siècle est également informatique.
La menace se fait chaque jour plus prégnante, le danger toujours plus grand. Seuls devant leurs écrans, les geeks ont besoin de l'implication, sur le terrain, des acteurs de la conception, de la construction et de la maintenance. Le BTP sera-t-il au niveau ? Avec un nombre d'incidents attendus quasiment décuplé par rapport aux dernières olympiades, l'été apportera les premières réponses. Le Moniteur #6307 : Sous le sol de Marseille, un bassin d'orage de 10 000m3PériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Mystère et boule de gomme. A l'heure où s'écrivent ces lignes, la couleur du gouvernement qui obtiendra l'onction des députés élus le 7 juillet reste une énigme complète. Tout, du comportement des électeurs aux coalitions potentielles, constitue un saut dans l'inconnu. Une seule certitude, à cette heure : la campagne à grande vitesse ne s'est arrêtée sur aucun sujet déterminant pour le cadre de vie.
Or, à la lecture des résultats des européennes, une évidence saute aux yeux : le vote RN est inversement proportionnel à la densité de population. L'immense majorité des zones rurales et périurbaines a placé la liste de Jordan Bardella en première position, et ce, même dans les régions traditionnellement rétives à l'extrême droite. A l'inverse, les grandes villes ont davantage voté à gauche et au centre. Le cas le plus caricatural étant Paris, où le RN a plafonné à 8,5 %.
Aux européennes, l'immense majorité des zones rurales et périurbaines a placé la liste de Jordan Bardella en première position
Cette fracture entre le centre et la périphérie pourrait se lire comme une simple opposition entre le peuple et l'élite. Mais cette analyse à l'emporte- pièce fait l'impasse sur la sociologie des grandes villes, qui ne sont pas, loin s'en faut, peuplées uniquement de CSP +, tout comme sur celle des campagnes, parfois prospères, parfois précaires. A y regarder de plus près, c'est bien le cadre de vie qui marque la césure entre les métropoles, les campagnes et les banlieues : le type d'habitat et de mobilités, l'accès aux services publics et aux loisirs, la facilité à voyager et à se cultiver…
On aurait donc pu s'attendre à voir apparaître la crise du logement, le développement des transports collectifs ou encore la rénovation des bâtiments publics comme thèmes structurants des débats. Il n'en a rien été. On leur a préféré la double nationalité, la justice des mineurs, sans oublier l'inépuisable feuilleton du financement des retraites. L'histoire nous a cependant appris que les campagnes électorales répondent à des enjeux fort éloignés de ceux qui façonnent l'exercice du pouvoir. Ces sujets pourraient donc prochainement ressurgir sur les bureaux des nouveaux ministres. Les cent jours nous en diront plus sur la lucidité de nos futurs dirigeants. Ou sur leur cécité. Le Moniteur #6306 : Sur le RER E, de nouveaux temples dédiés aux transportsPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les JO de Paris, on le sait, feront la part belle aux installations temporaires. Il s'agit cependant d'une rare exception : les ouvrages sont (presque) toujours construits pour durer. Bouygues Construction ne vient-il pas de choisir comme slogan « Bâtir pour la vie » ? Dans la tête de ceux qui les font naître, les réalisations s'installent dans le paysage pour des décennies au moins. Par leur ampleur ou leur élégance, certaines marquent pour plus longtemps encore le territoire de leur empreinte. Jusqu'à devenir des monuments pour l'Histoire, sans nécessité d'inventaire.
Récemment ouvertes au public, les gares de la ligne E du RER francilien devraient ainsi laisser une trace durable dans leur siècle comme dans la métropole. Vastes et majestueuses, elles ont été pensées comme des « palais du peuple », selon les mots de leur concepteur, Jean-Marie Duthilleul. Pièces maîtresses d'une infrastructure de mobilité majeure de la région-capitale, elles changent déjà la vie quotidienne du populo du métro.
Il convient de s'interroger sur le sens d'une fabrique de la ville devenue jetable.
Il en va pourtant des bâtiments comme des hommes : leur destin s'écarte bien souvent de la trajectoire qu'on leur présageait. Fils de réfugiés russes devenu figure illustre de l'architecture française, Paul Chemetov, décédé le 17 juin, le savait mieux que quiconque (lire p. 12). Au soir de sa vie, il a dû se battre avec ardeur - mais sans succès - contre les démolitions de certains immeubles qu'il avait conçus comme pérennes au début de sa carrière. Quand l'espérance de vie du bâti devient plus courte que celle de son concepteur, il convient de s'interroger sur le sens d'une fabrique de la ville devenue jetable. Un urbanisme Kleenex qui cumule aberrations patrimoniale, économique et écologique.
S'il importe de se garder de la muséification de tout et du changement de rien, il faut tout de même se départir de ce vieux réflexe de destruction. C'est en cours. Le regard porté sur le patrimoine du XXe siècle commence à changer, et Paul Chemetov n'y est pas pour rien. Des promoteurs aux bailleurs, des élus à l'Anru, on a la boule de démolition un peu moins facile, on ménage davantage ce qui existe. Et c'est heureux. Tout comme artificialiser, tout comme jeter, détruire est en passe de devenir un ultime recours. Le Moniteur #6305 : Exploit princier à Monaco : un R+8 érigé sans gruePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Mon conseil municipal devait, dans deux jours, voter une délibération relative au fonds vert. J'ai décidé de décaler la réunion : cette subvention existera-t-elle encore dans un mois ? Comme beaucoup d'élus locaux, ce maire alsacien confie avoir les jambes coupées par une campagne surprise et des élections à l'issue incertaine. Décisions repoussées, interlocuteurs absents, rencontres annulées… Le blocage touche tout le pays, bien au-delà des services de l'Etat. La dissolution avait vocation à faire bouger les lignes. Le fait du prince a, pour l'instant, paralysé la France.
Les législatives précédant les grandes vacances, ce sont des mois d'actions qui, in fine, se trouvent perdus
Les premières victimes de ce retour à l'isoloir sont bien évidemment les textes qui étaient en discussion au Parlement. Avec des députés renvoyés devant les électeurs et des sénateurs qui, « par courtoisie », suspendent leur séance plénière, une bonne vingtaine de projets et propositions de loi ont, du jour au lendemain, rejoint les limbes. On pense bien évidemment à la loi sur le logement abordable, à celle destinée à simplifier la vie des entreprises ou encore au texte entendant favoriser la transformation de bureaux en logements, qui comportait entre autres des éléments favorables à la surélévation. Toutes ces dispositions ont été longuement discutées, négociées et amendées. Mais elles pourraient tout bonnement passer à la trappe et laisser la place à de nouvelles priorités choisies par la majorité qui sortira des urnes - s'il y en a une.
L'été 2024 s'ouvre donc avec un gel. Et comme les législatives précèdent les grandes vacances, ce sont des mois d'actions qui, in fine, se trouvent perdus. L'économie, pourtant, ne peut se permettre que le temps suspende son vol. La crise immobilière, le renouvellement des infrastructures ou encore la transition énergétique exigent volonté, visibilité et liquidités. Or, les coups de poker politiques génèrent au contraire incertitude budgétaire et instabilité normative. Avec, au bout du compte, un risque mésestimé : celui d'une léthargie longue et mortifère. Le Moniteur #6304 : En Gironde, un complexe sportif aux allures japonisantesPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'était la dernière séance. L'UGC Normandie, cinéma emblématique des Champs-Elysées, a fermé ses portes le 13 juin. En cause : un loyer devenu prohibitif pour une salle obscure. Un désaccord entre bailleur et locataire comme il s'en produit chaque jour. Cependant, ce rideau qui sur l'écran est tombé est aussi le symptôme d'un processus latent et plus inquiétant : « la plus belle avenue du monde » n'est plus une destination pour les Parisiens.
Un bon millier de kilomètres plus au sud, la Rambla débute, elle, sa mue : circulation, revêtements, luminaires, plantations… La municipalité de Barcelone entend ainsi redonner à ses administrés l'envie d'arpenter cet axe majeur jusqu'ici vérolé de kiosques à souvenirs « made in China », jalonné de terrasses proposant de mauvaises pizzas à des prix exorbitants et arpenté jour et nuit par des hordes de touristes pas toujours respectueux.
Face au tourisme de masse, les réponses urbanistiques traînent souvent en longueur
A première vue, les deux promenades n'ont rien en commun. L'enseigne la plus chic de la Rambla doit être un Mango. Et les autorités catalanes rêveraient de troquer quelques Britanniques avinés contre une poignée de ces riches Asiatiques qui font la queue devant les boutiques de luxe des Champs. Pourtant, ici et là, c'est bien le tourisme de masse qui s'accapare un morceau de ville emblématique au détriment des habitants.
Si, à Paris, la municipalité n'a pas officiellement de plan de reconfiguration des Champs-Elysées, ce n'est pas le cas des commerçants du quartier. Ils ont dévoilé fin mai un projet clé en main élaboré avec l'architecte Philippe Chiambaretta. Un coup de pression aux pouvoirs publics, à n'en pas douter. Une opération de lobbying, c'est certain. Reste que le sujet d'une éventuelle reconfiguration doit être pris au sérieux. Et sans tarder.
La massification du tourisme, en effet, se fait à un rythme vertigineux. En trente ans, le nombre de nuitées annuelles à Barcelone a presque décuplé. Or, les réponses urbanistiques traînent, elles, souvent en longueur. Une bonne décennie séparera, si tout se passe bien, la désignation de l'équipe de maîtrise d'œuvre urbaine et la fin des travaux de la Rambla. Restera alors le plus difficile : inciter, par une offre commerciale et culturelle renouvelée, les locaux à se réapproprier un espace public qu'ils avaient déserté. Le Moniteur #6303 : Quand les grands chantiers donnent une nouvelle viePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Immigration, agriculture ou encore défense. C'est peu dire que la campagne pour les élections européennes n'était pas centrée sur la transition écologique. Mis à part les échanges sur l'énergie propre - nucléaire contre EnR - ou les mobilités décarbonées - train contre voiture électrique -, le débat est resté en surface. La question cruciale de l'adaptation au changement climatique a surtout largement été ignorée. C'est pourquoi « Le Moniteur » a sollicité les principales têtes de listes pour mieux comprendre leur position sur l'ensemble des sujets qui concernent au premier chef les acteurs de la construction et de l'aménagement.
Au regard de l'urgence climatique, la question de l'agenda politique apparaît bien dérisoire
Lors d'une campagne, les candidats s'époumonent. Les gouvernants, eux, ont tendance à se taire. Parmi les sujets mis sous le tapis ces dernières semaines figure justement le dévoilement du Pnacc 3, le troisième plan national d'adaptation au changement climatique. Attendu de longue date, annoncé comme imminent, il n'a jamais connu de fenêtre médiatique favorable. Alors, on attend des jours meilleurs.
Ce retard à l'allumage est d'autant plus regrettable que le pays était parti à point. Christophe Béchu avait très tôt porté le sujet d'une France à + 4° C. Et Matignon a fait cravacher l'administration pour affiner le futur plan. Ce travail, s'il veut être crédible, doit déboucher sur des investissements sonnants et trébuchants. Toutes les études, même celle de la Cour des comptes, soulignent l'immensité des besoins. Et l'urgence de la situation.
Car la France a beau être en avance sur ses voisins, elle court tout de même derrière le changement climatique. Ses effets se font de plus en plus visibles et meurtriers, des records de chaleur indiens aux inondations afghanes en passant par les turbulences aériennes imprévisibles. Plus près de nous, les communes littorales affrontent l'érosion côtière sans que les outils juridiques et financiers ne soient tout à fait affûtés.
Au regard de l'enjeu, la question de l'agenda politique apparaît bien dérisoire. Il n'y a pas de mystère : les dossiers qui bénéficient d'un coup de projecteur ne sont pas ceux qui ont sagement attendu leur tour, mais ceux qui ont été jugés prioritaires. Il est grand temps que l'adaptation le devienne. Le Moniteur #6302 : Les usines à maisons attendent leur heurePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les bonnes nouvelles se savourent sans modération, les satisfecit se jaugent avec circonspection. La France a - cocorico ! - réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 5,8 % en 2023. Gabriel Attal n'a pas raté l'occasion de s'en gargariser sitôt ce chiffre dévoilé : « Nous n'avons de leçons à recevoir de personne en matière d'efficacité écologique et environnementale. » Sans sous-estimer les fruits de politiques publiques efficaces, il apparaît toutefois réducteur de tresser des lauriers aux seuls décideurs.
Sur les 22,8 millions de tonnes de CO2 économisées l'an dernier, 15 % l'ont été dans le bâtiment, 19 % dans les transports et 34 % dans l'énergie. Ces performances ne se décident pas en Conseil des ministres, elles ne se décrètent pas par ordonnance. Elles s'obtiennent par l'engagement quotidien des hommes et des femmes de terrain. Cet engagement révèle l'une des dynamiques sous-estimée mais décisive de la décarbonation : la révolution culturelle qui est en train de bousculer en profondeur les pratiques professionnelles, à commencer par celles de la construction.
L'arrivée de nouvelles générations de professionnels accélérera encore l'acculturation écologique
Les compétences s'adaptent en même temps que les mentalités se transforment. En hausse de 13 % l'an dernier, les formations suivies dans le BTP se trouvent boostées par les modules liés à la transition écologique, explique Constructys. Même tendance du côté de la maîtrise d'ouvrage. François Adam, directeur des achats de l'Etat, constate par exemple « une vraie prise de conscience et une montée en compétences » des acheteurs publics en matière de verdissement des marchés.
La mutation des esprits s'opère à grande vitesse. Et ce n'est qu'un début. L'arrivée de nouvelles générations de professionnels accélérera encore cette acculturation écologique. Plus des trois quarts des apprentis en CFA estiment ainsi qu'il leur incombe de porter la préservation de la planète dans le secteur de la construction, annonce le baromètre du CCCA-BTP. Mieux, ils considèrent massivement qu'ils ont à « défendre la protection de l'environnement » au sein de leur entreprise d'accueil. Eux aussi sont jeunes, et eux aussi estiment ne pas avoir de leçons à recevoir. Le Moniteur #6301 : Infrastructures de recharge : le sésame vers la libertéPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'était un texte de Bruno Le Maire… déjà ! La loi Pacte souffle en ce printemps ses cinq bougies. Une demi-décennie qui a vu ses dispositions entrer dans le quotidien des Français et, plus spécifiquement, de leurs entreprises. Simplification des seuils, facilitation de la transmission, soutien à l'export… Sans oublier une innovation : la création du statut d'entreprise à mission.
Elles sont aujourd'hui plus de 1 600 à avoir sauté le pas. Des pionnières qui ont essuyé les plâtres et offrent d'ores déjà quelques enseignements. Par leur variété, d'abord : petites ou grandes, elles concernent tous les métiers, y compris ceux de la construction, couvrant aussi bien la promotion immobilière et l'aménagement, que la conception paysagère et les travaux publics. Chez Charier, par exemple, ce nouveau statut accompagne un changement de culture interne et un virage stratégique (lire p. 10).
Les pionnières de l'entreprise à mission expérimentent encore, elles s'interrogent et tâtonnent beaucoup, tant le cadre est souple.
Cinq ans, ce n'est plus le premier âge, mais ce n'est pas encore l'âge de raison. Alors, nos missionnaires expérimentent encore, elles s'interrogent et tâtonnent beaucoup, tant le cadre est souple. Du choix de la « raison d'être » jusqu'à la définition des indicateurs à suivre, en passant par la création d'un « comité de mission », chacune réalise sa transition à sa manière et à son rythme. Toutes ont cependant l'ambition de faire un pas de côté et d'élargir leurs objectifs au-delà des seuls critères financiers habituels, en tenant compte des visées écologiques, sociales, territoriales…
Toutes souhaitent aussi le faire savoir, tant aux salariés, actuels et futurs, qu'aux clients. Cependant, cette stratégie d'image, qui n'enlève rien à la sincérité de la démarche, peine encore à porter ses fruits en termes de contrats. En cause : une conjoncture qui n'incite guère à l'aventure et une commande publique qui reste encore trop sourde aux critères extra-financiers. Heureusement, le cadre juridique évolue progressivement, afin d'encourager les offres plus vertueuses. En témoignent par exemple des dispositions récentes de la loi Industrie verte portée par un certain… Bruno Le Maire. Rendez-vous dans cinq ans ? Le Moniteur #6300 : Biosourcé, bioclimatique... Les choix de Madec pour un chai du MédocPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ses 69 milliards d'euros de chiffre d'affaires mis à part, c'est une entreprise de travaux comme les autres. A l'instar de ses homologues, elle est avant tout le produit du travail des hommes - et de plus en plus, des femmes -qui la composent : compagnons, ingénieurs, dirigeants… Et, comme partout ailleurs, tout changement à sa tête donne lieu à une période particulièrement délicate à gérer.
Vinci est bien une entreprise comme les autres. Mais - 69 milliards oblige -ce qui s'y déroule est beaucoup plus scruté qu'ailleurs. C'est donc l'un des voiles les plus opaques du BTP français qui vient d'être soulevé : Xavier Huillard passera le flambeau à Pierre Anjolras.
Autant pour Vinci que pour NGE, ce sont deux hommes du sérail qui ont été promus
L'heureux élu, qui a déjà œuvré à la réunion d'Eurovia et de Vinci Construction, se voit promu directeur général opérationnel du groupe. Un statut transitoire puisque Xavier Huillard devra quitter ses fonctions de directeur général en 2025, même s'il pourra rester président.
Cette nomination est donc, si ce n'est l'épilogue, au moins le dénouement d'une intrigue qui agitait à bas bruit les milieux constructo-financiers depuis des années. L'âge du capitaine étant connu, la désignation d'un second était inéluctable. Son aura étant immense, on savait cette nomination ultra- délicate. Son attachement au groupe étant indéniable, on imaginait l'importance que revêt le transfert - même partiel - de ses prérogatives.
Autre entreprise, autre culture, mêmes enjeux. NGE - et ses 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires - vient elle aussi de négocier son passage de témoin. Là aussi, c'est un homme du sérail qui a été promu en la personne de Jean Bernadet. Une transition qui se veut douce et programmée, susceptible de rassurer les investisseurs comme les salariés. Une transition comme il s'en produit des milliers chaque année dans le BTP, avec bien moins de commentaires mais tout autant de précautions. Bien souvent, elle est le fruit de longs mois voire d'années de préparation, de formation et de transmissions. A cette condition, les histoires de successions finissent bien, en général. Le Moniteur #6299 : Des aides aux entreprises pour prévenir les TMSPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Pont du Gard. Le 3 mai dernier, un ouvrage provisoire situé à la sortie de Chamborigaud, dans le Gard, restaurait la liaison entre le village de 900 âmes et la commune de Génolhac. La circulation y était interrompue depuis la mi-mars et le brusque effondrement d'un pont en maçonnerie du XIXe siècle. Ce dernier, classé en « bon état », faisait pourtant l'objet d'un suivi régulier, affirme le conseil départemental. Cet accident était-il donc imprévisible, tel un choc provoqué par un porte-containers à la dérive ?
Pont-l'Evêque. L'anticipation doit rester le maître mot des gestionnaires d'infrastructures. Une auscultation poussée et, demain, un monitoring en temps réel, doivent permettre de s'assurer de la bonne santé des ouvrages. C'est ainsi que la détection d'une fissure en amont du viaduc de Saint-Cloud a conduit, fin avril, à fermer un tronçon stratégique de l'A13 qui relie Paris au Calvados. Une décision prise dans l'urgence par la Direction des routes d'Ile-de-France, dont les moyens techniques et financiers, c'est vrai, dépassent de loin ceux des petites communes.
Cet impérieux besoin de contrôler l'état des infrastructures ira croissant.
Pont thermique. Cet impérieux besoin de contrôler l'état des infrastructures ira croissant. D'abord, en raison de leur ancienneté : construit aux siècles passés, ce patrimoine a grand besoin de soins. A Vierzon comme dans toute la France, des collectivités se lancent ainsi dans de lourds travaux de réfection. Ensuite, à cause du réchauffement climatique : la multiplication des pluies torrentielles comme le manque grandissant d'eau menacent la stabilité de ces ouvrages.
Pont-à-Mousson. Ce qui vaut pour les ponts vaut pour les canalisations. Comme le rappelle le directeur général de Saint-Gobain PAM, un milliard de mètres cubes s'en échappent chaque année, alors même que « les premières conséquences du changement climatique concernent le cycle de l'eau ». Menacées elles aussi par leur grand âge et par la sécheresse, ces infra structures méritent plus d'attention - et de fonds - qu'elles n'en ont obtenu jusqu'à présent. Un sursaut est nécessaire. Tout le monde sur le pont ! Le Moniteur #6298 : Du chantier au chantier, le réemploi cherche sa voiePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est une mauvaise nouvelle, mais ce n'est pas une surprise. Les 500 suppressions d'emplois annoncées chez Nexity la semaine dernière n'ont pris personne de court. Face à l'effondrement de la demande, Véronique Bédague, la P-DG du premier promoteur français, avait depuis longtemps annoncé la couleur. D'autres acteurs, comme Vinci Immobilier ou Bouygues Immobilier, avaient déjà montré la voie, malheureusement inéluctable, du PSE.
La casse sociale était fatale. Et, même si les entreprises du bâtiment n'ont pas encore touché le fond, elle paraît condamnée à s'étendre. Au-delà des carrières malmenées, cette saignée aura des conséquences à long terme sur les compétences et les savoir-faire nécessaires à la bonne marche des projets. Une fois éloignés de la construction, ces professionnels éconduits n'y reviendront pas.
Les mesures phares du projet de loi Logement n'ont pas vocation à stimuler la construction.
Véronique Bédague en appelle au gouvernement. Il faut bien reconnaître que l'Etat aurait un rôle contracyclique à jouer dans une crise avant tout provoquée par la brusque remontée des taux d'intérêt. Malheureusement, comme bien d'autres avant elle, celle qui avait un temps été pressentie pour Matignon prêche dans le désert. Si Gabriel Attal et Guillaume Kasbarian affirment avoir pris conscience de la situation, rien, dans leurs actes, ne suggère pour l'instant un infléchissement. En témoigne le projet de loi Logement dont les mesures phares - assouplissement de la loi SRU et sortie des locataires trop aisés du parc social - n'ont pas vocation à stimuler la construction.
Les raisons de cette surdité obstinée sont multiples. Une partie d'entre elles tient à l'image du secteur. Soyons lucides : en France, le sort des promoteurs n'émouvra pas grand monde. Quant aux entreprises de bâtiment fragilisées, elles passent trop souvent, en raison de leur taille, en dessous des radars médiatiques et politiques. L'indifférence est prégnante. La semaine dernière se tenait Intermat, le grand salon français du matériel. Un millier d'exposants, des dizaines de milliers de visiteurs, zéro ministre. Le Moniteur #6297 : La Cité des arts urbains accroche l'or olympiquePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Bienheureux celui qui n'a jamais participé à une AG de copropriété ! Trop souvent, ce rituel annuel de bon voisinage s'apparente à une pièce de théâtre tragi-comique, qui met en scène les pires travers de ses personnages. Il y a ceux qui, par principe, votent « non », ceux qui parlent sans écouter, ceux qui se prennent pour d'éminents juristes, ceux qui ont des oursins dans les poches… Sans oublier ceux qui ne viennent pas, menaçant par leur absence la bonne tenue de l'assemblée.
Jouées partout en France, ces saynètes ont pour inévitable résultat la difficulté à initier des travaux d'ampleur. Une faiblesse bien connue qui, à l'heure du besoin impérieux de rénovations ambitieuses, se transforme en un frein majeur à la décarbonation du parc immobilier. Alors que les bailleurs sociaux se sont lancés avec détermination, le logement collectif privé reste, quant à lui, à la peine.
Le logement collectif privé reste à la peine alors que les bailleurs sociaux se sont lancés avec détermination
Certaines entreprises s'organisent pour attaquer ce marché en puissance, convaincues qu'il finira bien par se dégripper. Mais quand ? Le calibrage de leur offre à cette clientèle si particulière est un prérequis. La montée en compétences des professionnels (syndics, architectes…) qui accompagnent les copropriétés au quotidien également. Parfaitement dans l'air du temps, un mouvement de simplification du droit serait lui aussi susceptible de faciliter les prises de décisions lors de ces fameuses AG.
Toutes ces avancées paraissent à portée de main. Elles resteront cependant sans effet tant que chaque copropriétaire devra débourser 30 000, 50 000 ou 70 000 euros. Des montants faramineux pour beaucoup d'entre eux. Comme l'Etat a durablement rangé son chéquier, il convient de faire preuve d'une radicale inventivité. Jacques Baudrier, élu parisien et fin connaisseur du logement, imagine par exemple sanctuariser des ressources propres fléchées spécifiquement vers ces chantiers. Elles seraient ainsi tenues à distance des ponctions de Bercy. Et pourquoi pas ? La méthode a déjà fait ses preuves, puisqu'elle permet sur le long terme de financer le Grand Paris Express. La rénovation doit devenir un grand chantier français. Le Moniteur #6295 : Rénovation, EnR, mobilités... Le BTP au coeur de la transition vertePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La planification écologique, « ce n'est pas le Gosplan. » Et Antoine Pellion n'est pas Gleb Krijanovski, ce proche de Lénine qui pilota l'industrialisation à marche forcée de l'Union soviétique. Autre régime, autres latitudes, autre époque. Pour mener à bien sa révolution verte, l'homme à la tête du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ne parie pas sur des oukases, mais sur la coopération. Il ne se repose pas sur des soviets, mais s'appuie sur des COP régionales. Il ne prétend pas faire du passé table rase, mais entend partir des initiatives déjà en œuvre sur le terrain (lire p. 10).
Transversale par nature, la planification écologique peut donner l'impression de toucher un peu à tout sans rien chambouler. Une machinerie administrative qui se contenterait de surplomber et d'analyser. Imaginer cela, c'est méconnaître la puissance de l'appareil de l'Etat. Surtout, c'est pour les acteurs de la construction et de l'aménagement faire fi d'un constat : les dossiers brassés par le SGPE sont avant tout les leurs.
Les dossiers brassés par le Secrétariat général à la planification écologique sont avant tout les leurs
Rénovation énergétique, déploiement des bornes électriques, préservation de la ressource en eau, développement des EnR… Sur tous ces sujets, il a fixé des objectifs ambitieux qu'il s'agit désormais d'atteindre. Cela implique des investissements et des travaux pour de nombreuses années. Un effort de visibilité salutaire pour le BTP, qui a suffisamment souffert - et souffre encore - du « stop-and-go ».
Reste une inconnue : celle des moyens. A elle seule, l'adaptation du bâtiment au changement climatique coûtera plus de 5 milliards d'euros par an, selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). Les prochains mois, marqués par la réduction des déficits publics, s'annoncent donc comme une heure de vérité. L'écologie survivra-t-elle aux coupes ? Certes, les masses budgétaires nécessaires ne proviendront pas toutes de l'Etat, ni même de la sphère publique dans son ensemble (nous ne sommes pas une république socialiste, vous l'aurez compris), mais l'impulsion gouvernementale demeure indépassable (nous ne sommes pas non plus une république fédérale). La transition écologique n'a peut-être pas besoin de Gosplan, elle exige sans nul doute un plan Marshall. Le Moniteur #6294 : Le bois français en quête de souverainetéPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Tous les coins de l'Hexagone ne vivent pas la crise du logement aussi durement. Certains tirent en effet leur épingle du jeu, par une demande toujours soutenue (et solvable) mais aussi grâce à des acteurs mobilisés (lire p. 10) . Ces dynamiques locales, mélange de bonne fortune et de volonté commune, devraient permettent aux « territoires engagés pour le logement » de booster leur production. Mais, pour 22 collectivités ciblées, combien restent dans l'expectative face à l'effondrement ?
On rêve certes que la BCE agisse sur les taux, source majeure d'attentisme des ménages. On espère évidemment de l'Etat qu'il dope la production de logements, et pas seulement intermédiaires. Mais on est aussi en droit d'attendre des collectivités qu'elles embrassent le sujet. Certaines le font, en mobilisant entre autres leur bras armé dans le logement social. Mais ne soyons pas candides : une partie des élus détourne la tête quand un programme suscite l'ire des riverains. A leur décharge, ce sont les habitants d'aujourd'hui qui votent, pas ceux de demain…
Il conviendrait d'actionner enfin les leviers susceptibles de redonner aux maires la fibre constructive.
C'est pour cette exacte raison qu'une éventuelle territorialisation de la politique du logement doit être menée avec beaucoup de doigté. L'échelon local se révèle pertinent pour définir les besoins comme les objectifs de production. C'est au plus près du terrain que se dénichent, à l'heure du ZAN, les solutions de recyclage urbain ou de comblement de dents creuses. Mais rien ne dit que, dans les années 2020, ce soit dans le bureau du maire que se trouve forcément la volonté la plus farouche de bâtir.
Faut-il, dès lors, que l'Etat reprenne partout la main, à l'instar de ce qui se passe dans certaines communes carencées ? Ce serait un constat d'échec. Il conviendrait plutôt d'actionner enfin les leviers susceptibles de redonner aux élus la fibre constructive. Cela passe par un soutien technique, financier et réglementaire indispensable pour mener des projets d'aménagement, devenus plus complexes que le simple lotissement d'un champ. Mais aussi, évidemment, par une fiscalité renouvelée qui incitera à nouveau la collectivité à accueillir de nouveaux habitants. Le Moniteur #6293 : La décarbonation, moteur de la croissance de SpiePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Gaz russe, centrales à charbon et maintenant récession. Les Allemands paient cher leurs choix énergétiques passés. Ils se trouvent au-jourd'hui contraints de remettre à plat leur modèle et leurs réseaux, ce qui profite à des acteurs comme Spie (lire p. 12) . De ce côté-ci du Rhin, l'ambiance est tout autre : les mésaventures germaniques contribuent à conforter l'idylle retrouvée de la France et de l'atome. Décarbonée et pilotable, l'électricité nucléaire se voit élevée au rang de maillon essentiel de la transition énergétique. Elle se retrouve, par un facétieux retournement de l'histoire, ripolinée de vert.
Avec trois paires d'EPR 2, et bien davantage dans les cartons, l'Hexagone mise très gros sur l'atome.
Jancovici a gagné la bataille des idées. Reste à remporter celle du chantier (lire p. 18) .
Les dernières expériences ont, il est vrai, de quoi rendre sourcilleux. A Olkiluoto (Finlande), Hinkley Point (Royaume-Uni) ou Flamanville, dans la Manche, les projets d'EPR ont tous accumulé leurs lots de retards et de surcoûts. Or, avec trois paires de réacteurs de deuxième génération annoncées - et bien davantage dans les cartons -, l'Hexagone mise très gros sur l'atome. Cette stratégie, si on en croit ses auteurs, n'a cependant rien d'un coup de poker. Il s'agit au contraire d'un plan parfaitement rationnel : finis les prototypes boiteux, place à la production en série. Les volumes offrent la standardisation qui, seule, peut garantir la qualité et les délais. En massifiant, la France entend donc maximiser ses chances de succès, même si, ce faisant, elle met beaucoup d'œufs dans un même panier. Restons humbles : comme nos cousins d'outre-Rhin avant nous, nous faisons un pari.
Quelle qu'en soit l'issue, les entreprises de travaux et d'ingénierie susceptibles de se positionner sur ces marchés d'expertise se préparent à des années prometteuses, pour ne pas dire des décennies dorées. Toutes espèrent participer à cette aventure collective. Alors que les grands projets nationaux se font rares, construire les EPR 2 s'apparente à une épopée qui marquera à coup sûr une génération de bâtisseurs. Le Moniteur #6292 : L'immobilier logistique retrouve de l'entrainPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : « Raboter sur le vert, c'est ce qu'il ne faut plus faire. » La rime est facile. Mais si cette maxime doit marquer les esprits, c'est avant tout en raison de son auteur : Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. L'homme à qui la fonction confère justement un rabot à chaque main. L'urgence environnementale bouscule vraiment toutes les évidences : l'orthodoxie budgétaire s'accorde désormais avec l'écologie.
L'orthodoxie budgétaire s'accorde désormais avec l'écologie
Les magistrats de la rue Cambon se sont en effet penchés, dans leur rapport annuel, sur l'adaptation au changement climatique. Ils ont amassé les données, sorti leurs calculettes sans parvenir à produire un chiffrage précis. Seules certitudes : le dérèglement climatique est définitivement enclenché, ses conséquences déjà perceptibles et les dépenses induites clairement pharaoniques. Les propriétaires s'inquiètent, les collectivités s'affolent, les assureurs se planquent. L'Etat doit réagir. Avec un autre mantra signé Pierre Moscovici : « La dépense publique doit passer d'une culture de la quantité à une culture de la qualité. » Cet appel à un travail de dentelle ne semble pas avoir pénétré la forteresse de Bercy. En sabrant dans MaPrimeRénov' et dans le Fonds vert, Bruno Le Maire a clairement indiqué que ses ciseaux étaient bien affûtés mais qu'ils n'avaient que faire, eux, de la couleur de la dépense. Daltoniens mais pas aveugles, ils ciblent tout ce qui leur permet d'atteindre les économies attendues. Serait-on passé à l'ère du « quoi qu'il en coupe » ?
Ce serait bien évidemment désastreux. Aménager, construire, rénover… Les travaux indispensables à l'adaptation de notre cadre de vie s'annoncent certes coûteux, mais les repousser nous reviendra plus cher encore. Mettre la main à la poche en faveur des villes résilientes, des infrastructures vertes ou des bâtiments sobres ne peut attendre. Cela ne doit surtout pas dépendre de l'état conjoncturel des deniers publics ou du taux en vigueur à la BCE. Investir dans le vert, c'est ce qui est prioritaire. Le Moniteur #6291 : L'IA fait irruption dans la conceptionPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un mort et deux blessés graves. L'accident survenu la semaine passée sur le chantier du métro toulousain est dramatique à plus d'un titre. Pour les victimes, leurs familles et leurs proches, d'abord. Professionnelle ? Accidentelle ? Leur douleur n'a que faire des causes du décès. Pour les équipes de Bouygues TP, ensuite, affectées par une tragédie qui percute leur quotidien avec une violence inouïe. Pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la sécurité, enfin. Car, si même chez Bouygues, on peut mourir sur un chantier, à quoi bon déployer des efforts de prévention ?
La résignation doit rester la toute dernière des réactions. Le désengagement, la dernière des réponses. Tout relâchement serait coupable alors que la mort continue de rôder sur les chantiers.
Tout relâchement serait coupable alors que la mort continue de rôder sur les chantiers
Pire, les décès dans le BTP ont connu une recrudescence en 2022, souvent bien loin des grands projets en vue. Certes, les périodes de forte activité coïncident généralement avec des pics d'accidents, mais ce constat empirique ne peut en aucun cas se muer en fatalité. Au contraire, la sécurité ne devrait souffrir d'aucune régression.
Formation, équipements, contrôles… Les leviers sont multiples et, pour la plupart, connus de longue date. Les entreprises de travaux, dans leur rôle d'employeurs, disposent des moyens d'action les plus directs. On ne renouera cependant avec le progrès que collectivement, avec en première ligne les maîtres d'ouvrage et d'œuvre. Les premiers ont vocation à relever le niveau d'exigence dès la commande afin de tirer le secteur vers le haut. Les seconds doivent intégrer cette préoccupation, tant au stade de la conception que de l'exécution.
Le chantier est accidentogène par nature. À ce titre, il convient de poursuivre inlassablement l'amélioration du cadre de travail des compagnons, leur sensibilisation et celle de leurs encadrants. Mais l'acte de construire est aussi accidentogène par sa segmentation. La stricte répartition des rôles conduit parfois à la dispersion des responsabilités, la rigidité normative entraîne trop souvent une application bornée de la réglementation. Il est urgent que nous interrogions nombre d'habitudes et de certitudes : des vies en dépendent. Le Moniteur #6290 : Au village olympique, le BTP s'envole vers le futurPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ce n'est pas encore l'heure des médailles, et pourtant… Les acteurs de la construction mobilisés sur les ouvrages olympiques méritent bien leurs lauriers. Sans eux, jamais le village des athlètes n'aurait pu être livré dans les temps. Ce fut tout à la fois une course contre la montre, un saut de haies et un marathon couru au rythme d'un sprint.
Ce 29 février, l'heure était à la remise des clés. A quelques mois de l'événement mondial et à la date exacte fixée des années à l'avance, le comité d'organisation des Jeux a pris possession des lieux où seront hébergés les sportifs et sportives de tous les continents. Satisfecit général et fierté collective. Pour preuve, Emmanuel Macron lui-même a fait le déplacement en Seine-Saint-Denis. Avec un rappel opportun : « Ici, on a tenu les engagements du bâtiment de 2040. On a construit pour vivre sous le climat de 2050. » Ce nouveau quartier se présente en effet comme une fenêtre sur l'avenir. Bas carbone, bien sûr, mais aussi réversibilité, construction bois, accessibilité universelle… Pour atteindre ces objectifs ambitieux, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) a misé sur une émulation collective et une coordination serrée. Son but : rendre possible ce qui, il y a quelques années encore, paraissait hors de portée. Objectif atteint ?
La Solidéo a misé sur une émulation collective et une coordination serrée
C'est tout l'objet de la première « enquête transitions » du « Moniteur », votre nouveau rendez-vous destiné à décrypter, avec clairvoyance, les mutations vers lesquelles se dirigent les acteurs de la construction. Cette semaine, nous avons donc entrepris d'arpenter le village olympique afin de mesurer la réalité de sa promesse d'avant-garde, mais aussi d'en tirer les leçons pour tous les autres projets d'aménagement, moins exposés médiatiquement mais tout aussi utiles pour leur territoire. Cela n'a pas tardé : lors de sa déambulation, le Président a émis le souhait de « déployer la méthode Solidéo » dans le cadre des 22 territoires engagés pour le logement que le gouvernement entend développer. Ce n'est pas encore l'heure des médailles, mais pour le BTP, c'est déjà l'heure du bilan. Le Moniteur #6289 : Près de Paris, un labyrinthe de 300 000 m3 à comblerPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Préférence nationale, droit du sol… Le couple exécutif semble friand des manœuvres consistant à briser des tabous, à s'attaquer à des totems. La remise en cause soudaine de la loi SRU et du symbole des 25 % de logements sociaux fait partie de ces « coups » destinés à secouer le cocotier. Sauf qu'en voulant faire bouger les lignes, nos apprentis sorciers font surtout sauter des digues.
Sans surprise, le génie est immédiatement sorti de sa bouteille. Depuis l'évocation par Gabriel Attal de l'intégration d'une partie de logement intermédiaire dans les fameux 25 %, on ne compte plus le nombre d'élus locaux notablement rétifs à la construction de HLM qui se sont engouffrés dans la brèche ouverte pour réclamer, à grands coups de tribunes médiatiques, conférences de presse et autres lettres ouvertes, une révision en profondeur de ce texte qui remonte à l'an 2000.
C'est justement le logement social qui a besoin de toute urgence d'un choc de l'offre.
S'il est sain d'interroger les règles en vigueur, s'il est légitime de pointer leurs difficultés d'application, il paraît en revanche bien risqué d'envisager le détricotage d'un mécanisme qui, bon an mal an, a permis l'édification de milliers de logements sociaux en France. A fortiori au moment où les organismes HLM croulent sous les demandes. C'est justement le logement social qui a besoin de toute urgence d'un choc de l'offre. Et, à rebours du discours gouvernemental, c'est plutôt un choc de la demande qui serait nécessaire dans le domaine de l'accession.
Pour résumer : alors que les promoteurs cherchent des acquéreurs, les bailleurs sociaux ne savent plus où donner de la tête. Et que dire de la rénovation ? En coupant sauvagement dans le soutien public à ces travaux, Bercy cible le seul segment du bâtiment qui garde la tête hors de l'eau.
L'inscription de la crise du logement dans l'agenda politique avait été bien accueillie par les professionnels. Les premières décisions, elles, manquent leur cible. Parce qu'elles ont des visées plus politiques que socio-économiques ? A trop chercher le contre-pied, on finit par faire des contresens. Le Moniteur #6287 : A Rennes, les associations font maison communePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Il en aura fallu, de la patience. Après de longues semaines de flottement, les interlocuteurs ministériels du BTP ont enfin été nommés, jeudi 8 février. Patrice Vergriete a cédé son portefeuille - état quasi neuf - du Logement à Guillaume Kasbarian et récupéré celui des Transports. Très attendus par les professionnels, tous deux doivent maintenant faire leurs preuves. Seule certitude : le premier, consensuel ancien président de l'Afit France, comme le second, auteur de la très clivante loi anti-squat, ne sont pas des novices en matière de construction et d'aménagement.
Nos néoministres obtiendront-ils autant de résultats que le député impétueux et le maire énergique ?
La preuve, à Dunkerque. La ville dont Patrice Vergriete a été le maire pendant une décennie, bénéficie à plein du mouvement de réindustrialisation, illustrée entre autres par l'arrivée de gigafactories. Une dynamique locale notamment portée par les « sites industriels clés en main » imaginés en 2019 par un parlementaire du nom de… Guillaume Kasbarian. Résultats de cette conjonction des bonnes volontés : sur l'emprise du port, 160 M€ seront injectés rien que cette année pour accueillir des projets de bâtiments et d'infrastructures.
Nos néoministres obtiendront-ils autant de résultats que le député impétueux et le maire énergique ? Conserveront-ils « la niaque » revendiquée par Guillaume Kasbarian sitôt promu ? La machine administrative, on le sait, essore même les plus valeureux. Surtout, les arbitrages gouvernementaux sont souvent favorables aux tenants de la rigueur budgétaire. Or, la politique du logement a besoin de fonds publics pour répondre à la crise sociale. Et celle des transports nécessite des investissements lourds pour réussir la transition écologique. Sans moyens, toute ambition reste vaine.
Reste une dernière inconnue : le fonctionnement de cet attelage détonnant. Car un travail en commun s'impose. Un temps évoquée, l'hypothèse d'un grand ministère unifié du Logement et des Transports ne s'est donc pas concrétisée. Au-delà du poids politique qu'aurait eu le titulaire d'un tel maroquin, cette solution aurait été de nature à améliorer la cohérence du cadre réglementaire pour les porteurs de projets dans lesquels l'habitat, l'énergie et les mobilités s'entremêlent de manière étroite. La preuve ? A Dunkerque. Le Moniteur #6286 : Photovolaïque et assurance - ça flotte un peu !PériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : En France, les agriculteurs en colère bénéficient d'un totem d'immunité, vis-à-vis du pouvoir politique, mais aussi de l'opinion publique, qui leur apporte un soutien indéfectible. Le peuple des villes et celui des champs partagent, dans une très large majorité, la conviction que le travailleur de la terre mérite une plus juste rémunération. Après tout, c'est bien lui qui, au terme d'un dur labeur, nous assure notre pain quotidien.
Problème : la vérité des sondages n'est pas toujours celle des super marchés. Les mêmes qui soutiennent haut et fort la qualité du « made in France » arbitrent parfois, au rayon boucherie, en faveur de steaks meilleur marché venus du bout du monde. Le citoyen que nous sommes s'oppose alors au consommateur en nous. Comme il peut se trouver en porte-à-faux avec notre intérêt de contribuable lorsqu'il s'agit de financer les mesures de soutien.
La lutte contre l'artificialisation des sols cherche aussi à maintenir le potentiel nourricier d'un foncier limité.
Quid du professionnel du BTP ? Ne souffrirait-il pas, lui aussi, d'une telle dissonance cognitive vis-à-vis du monde paysan ? Eleveurs et cultivateurs se dressent certes contre la concurrence déloyale et le poids des normes, mais ils pointent aussi du doigt la dépossession de leurs terres au bénéfice de projets industriels, immobiliers ou d'infrastructures. Le maire, le promoteur ou l'entrepreneur ont tendance à l'oublier : la lutte contre l'artificialisation des sols ne vise pas uniquement à protéger l'eau et la biodiversité, elle cherche aussi à maintenir le potentiel nourricier d'un foncier limité.
Le droit témoigne lui-même de notre schizophrénie. La juxtaposition de politiques publiques (agricole, environnementale, de l'urbanisme…) conduit à des injonctions contradictoires, génératrices de confusion. Définir l'intérêt général relève du casse-tête quand même nos petits intérêts personnels évoluent au gré des habits que nous endossons.
Ces multiples facettes, nos personnalités en sont toutes faites. Ces incohérences, nous en sommes tous victimes. Même les agriculteurs ! Sur son tracteur, le paysan se bat pour sanctuariser ses parcelles. Devant le notaire, le propriétaire terrien cède volontiers à la tentation de la plus-value. Le peuple des champs et celui des villes partagent les mêmes contradictions. Le Moniteur #6285 : La famille du logement lance l'appel de la dernière chancePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Bloquer les routes n'est pas dans leurs habitudes. Déverser des tonnes de lisier non plus. Les entrepreneurs, bailleurs, promoteurs ou encore architectes réunis au sein de « l'Alliance pour le logement » préfèrent, aux panneaux et aux fourches, les mots et des chiffres. Cependant, cette mobilisation unitaire témoigne elle aussi d'une filière à l'agonie. En parlant d'une seule voix, ces professionnels cherchent à interpeller l'exécutif pour qu'enfin, des réponses soient apportées à la crise du logement qui promet d'engloutir entreprises, emplois et savoir-faire.
Plus qu'un coup de force, c'est donc un cri d'effroi, un cri d'alerte. Un cri de rage, aussi. Car cela fait des mois que tous les signaux sont passés au rouge, des années que les ministres successifs consultent, sans que cela n'aboutisse à des inflexions, bien au contraire. La politique du logement s'apparente aujourd'hui à un désert dans lequel s'égosillent des professionnels exsangues.
La politique du logement s'apparente aujourd'hui à un désert dans lequel s'égosillent des professionnels exsangues
Cet appel de la dernière chance sera-t-il entendu ? Rien n'est moins sûr. Il y a tout d'abord une question d'interlocuteur. L'absence, pendant de longues semaines, d'un membre du gouvernement chargé de cette question a rendu encore plus difficile tout échange avec l'Etat. Le Premier ministre ? On ignore totalement sa sensibilité au sujet mais il paraît clair que le réarmement du pays n'a pas prévu de passer par le logement.
Reste, bien sûr, Emmanuel Macron. Hyper-Président, super-Premier ministre et omni-ministre, lui seul semble disposer des clefs pour débloquer la situation. Plus que personnel, le problème est éminemment politique. Car, bien avant les recentrages du PTZ et du Pinel qui frappent le parc privé, la RLS avait dès le premier quinquennat porté un coup très dur au logement social. Avec les résultats que l'on connaît. Amer, le président de la Fnaim estime que « le Président n'aime pas le logement ». A défaut d'amour, le secteur réclame juste des preuves d'amour. A cor et à cri. Le Moniteur #6282 : Le jumeau numérique, bien plus qu'un doublePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Alors qu'il s'est installé dans le monde de l'industrie, le jumeau numérique émerge tout doucement dans celui du BTP. La raison de cette prudence tient moins à un conservatisme présumé des acteurs du secteur qu'à la caractéristique qui distingue l'usine du chantier : on fabrique en série mais on construit sur mesure. Or, la singularité de chaque projet accroît considérablement l'effort que représente la génération de son double. Accoucher d'un enfant représente déjà une épreuve, alors des jumeaux…
Sauf que, justement, ces jumeaux n'en sont pas vraiment. D'un côté se tient l'objet physique : bâtiment, ouvrage d'art, réseau… De l'autre, sa réplique virtuelle dotée de toutes les données qu'il est possible de lui injecter. Ou plutôt : de celles qu'il se révèle pertinent de lui injecter.
La technologie du jumeau numérique doit savoir s'adapter au projet plutôt que l'inverse
Les oubliettes du progrès sont remplies d'innovations prometteuses. Sans gains notables pour l'utilisateur, une prouesse technique, aussi épatante soit-elle, en restera à l'état de démonstrateur. La vraie rupture, elle, n'intervient que lorsque les acteurs ont un intérêt évident à franchir le pas.
Ce moment est-il venu ? Sans surprise, c'est l'énergie qui provoque encore le déclic. Alors que la performance thermique des ouvrages est devenue un objectif impérieux, les possibilités de calculs offertes par les jumeaux numériques - démultipliées par les promesses de l'intelligence artificielle - deviennent chaque jour plus précieuses, de la conception jusqu'à l'exploitation. Pas étonnant, dans ces conditions, qu'un réseau de chaleur extrêmement innovant bénéficie d'un double digital avant même les premiers coups de pioche.
Les enjeux énergétiques, mais aussi climatiques, devraient donc stimuler la transition. D'autant plus que la technologie mûrit. Elle doit à l'avenir garantir l'interopérabilité entre des données éparses afin d'en décupler les potentialités. Elle devra aussi savoir s'adapter au réel plutôt que l'inverse : ce n'est plus aux concepteurs de faire rentrer au chausse-pied leur projet dans les contraintes du logiciel. Les capacités actuelles permettent de dupliquer tous les ouvrages, et même des villes, des territoires. Profitable, pratique et prometteur : la famille du BTP se tient prête à accueillir le petit dernier. Le Moniteur #6283 : High Speed 2 - Un grand chantier anglais à l'accent françaisPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : A peine un mot devient-il tendance qu'il se trouve galvaudé. En 2024, tout le monde ou presque se pique de « sobriété ». Pour tout, et parfois pour n'importe quoi. Même Gabriel Attal, la semaine passée, n'a pas pu s'empêcher de recourir à ce vocable pour résumer la composition resserrée de son équipe gouvernementale. De fait, avec seulement 11 ministres de plein exercice, le casting se révèle bien plus sélectif que par le passé. Avec, à la clé, des super-ministres aux portefeuilles bien garnis. Trop ?
Les acteurs du logement s'étranglent ainsi de voir une nouvelle fois s'envoler l'espoir d'une tutelle autonome. A commencer par Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH et dernière à bénéficier d'une telle position. C'était en 2017.
Les acteurs du logement s'étranglent de voir une nouvelle fois s'envoler l'espoir d'une tutelle autonome
Cette relégation est aujourd'hui ressentie de manière d'autant plus cruelle que les professionnels du secteur, et les habitants du pays avec eux, s'enfoncent dans le marasme face à l'indifférence apparente des pouvoirs publics.
Le logement et les transports restent donc dans le périmètre de Christophe Béchu. En revanche, l'énergie lui échappe. C'est Bruno Le Maire qui absorbe l'éphémère ministère de la Transition énergétique. Avec un risque : celui de l'industrialo-centrisme propre à la culture de Bercy. Or, il ne faudrait surtout pas résumer le défi énergétique à la relance du nucléaire. L'impérieux développement des renouvelables, fortement lié aux acteurs de la construction et de l'aménagement, ne doit pas passer par pertes et profits. Pas plus que le défi de la… sobriété.
Enfin, l'arrivée de Rachida Dati à la Culture a provoqué - à dessein - un effet de sidération. Et une certaine circonspection. Car, s'il est difficile de douter du talent de la nouvelle locataire de la rue de Valois à livrer bataille, on ignore encore si l'architecture fera partie de ses combats. Quel regard porte-t-elle sur la création contemporaine ? Personne ne le sait. Poursuivra-t-elle l'effort financier pour redonner aux Ensa les moyens nécessaires ? Aucune idée. Ecartelé, invisibilisé, mésestimé… Le BTP attend toujours des raisons de se réjouir. Le Moniteur #6278 : Prix Moniteur de la construction - Petit à petit, le duo a fait Le NyPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Patience et longueur de temps… On ne devient pas lauréat des Prix Moniteur de la construction en un tournemain. Il en faut, des kilomètres au compteur, pour afficher une performance économique, sociale et environnementale telle qu'elle vous permet de sortir du lot. La recette la mieux partagée par les PME distinguées cette année ? Une attention de tous les instants portée au respect des bonnes pratiques, à l'acquisition des savoirs utiles, à la reproduction des gestes justes. Cette montée en compétence individuelle permet de grandir collectivement. Doucement, mais sûrement.
Les entreprises qui réussissent transmettent les savoir-faire. Les entreprises qui savent faire réussissent les transmissions. C'est l'autre enseignement notable de ce palmarès. La durée de vie d'une belle entreprise dépasse de beaucoup celle d'une simple carrière. Et l'on perçoit nettement, dans le récit que les dirigeants font de leur aventure entrepreneuriale, l'importance décisive du passage de relais entre les générations. Le soir de la remise des prix, certains jeunes patrons venaient tout juste de se saisir des rênes. D'autres étaient en plein processus de rachat du capital. Quant aux futurs retraités, ils témoignaient tous du soin apporté au choix du dauphin comme aux modalités de la succession.
La durée de vie d'une belle entreprise dépasse de beaucoup celle d'une simple carrière
Les héritiers se trouvent parfois au sein de la famille. Une fille ou un fils, naturel ou adoptif, prend la relève de la génération précédente. C'est le cas chez Asseline, Metranor, Régis Père et Fils, Avicollo Energies… Ou encore chez Roger Martin où Vincent entend bien marquer de son empreinte l'histoire flamboyante de l'ETI bourguignonne fondée par son arrière-grand-père. Parfois, la filiation ne s'embarrasse pas des liens du sang et repose sur une confiance purement professionnelle. C'est le cas chez Bealem, Delaboudinière, Menuisiers du Rhône… Ou encore chez Alain Le Ny, où les deux frères, qui tiennent la barre de cette magnifique entreprise de couverture préparent, depuis des mois et dans le moindre détail, le passage de témoin à trois de leurs salariés d'ici à 2025. La patience, mère de toutes les vertus. Le Moniteur #6279-6280 : Le cadre réglementaire du ZAN bientôt achevéPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Au diapason d'une mandature complètement détraquée par l'absence de majorité absolue, la dernière séquence politique de l'année aura défié tous les pronostics. Malgré un projet de loi Immigration préparé depuis plus d'un an, malgré d'interminables négociations pour aplanir les différends, malgré la confiance affichée par l'exécutif, rien ne s'est passé comme prévu. Un dérapage incontrôlé qui a suscité nombre de commentaires. Et quelques silences qui en disent long.
Prenez l'une des idées phares du texte initial : la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Cette disposition avait bien évidemment les faveurs des employeurs. Ceux du BTP font régulièrement état de ces situations ubuesques où l'un de leurs compagnons se retrouve soudain dans l'illégalité et se heurte à des agents préfectoraux zélés. Les fédérations du secteur, étrangement, n'ont pas défendu publiquement cette mesure lorsque le vent a tourné au Sénat, ni quand la commission mixte paritaire l'a réduite à peau de chagrin. Probablement parce que cette loi arrive trop tard : difficile de se prétendre « en tension » lorsque se profile une hémorragie sociale. Probablement, aussi, parce qu'elle porte sur un thème si sensible que, pour éviter les coups, on préfère rester coi.
Devenu central, le sujet de l'immigration éclipse tous les autres
De mots, le président de la République, lui, n'en manque pas. Le lendemain du vote, il a pris la parole deux heures durant pour se livrer à un plaidoyer pro domo. Toujours aussi à l'aise à l'écran, il ne s'est pas interdit d'aborder d'autres sujets, de la laïcité à la situation au Proche-Orient en passant par Gérard Depardieu. Sur le logement, en revanche, rien. Comme si ce thème n'était pas digne d'une prise de parole présidentielle, comme si cette crise-là n'appelait pas une réponse politique courageuse. Le silence, ici, se fait coupable.
C'est l'un des paradoxes de ce débat complètement raté : l'immigration, on en parle mal, on en parle trop. Devenu électrique, ce sujet contraint au silence les points de vue posés et étayés. Devenu central, il éclipse tous les autres, au point d'ôter au débat public la clairvoyance nécessaire sur les réels dangers qui nous menacent. Les boucliers qui nous manquent ne sont pas ceux qu'on croit. Le Moniteur #6277 : Top 1000 du BTP : un millésime d'exceptionPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Si les chantiers étaient des vendanges, il faudrait patienter jusqu'à la mise en bouteille pour obtenir les résultats financiers. Comme le bon vin, le classement annuel des plus grandes entreprises du BTP français a besoin d'un peu de temps pour révéler ses subtilités. Celui que « Le Moniteur » livre ici témoigne donc de l'activité du secteur en 2022. Qui se révèle être une cuvée de prestige.
Les chiffres ne mentent pas. La plupart des sociétés listées, qu'elles soient indépendantes ou affiliées à des majors, qu'elles évoluent dans les travaux publics, le bâtiment ou les deux, affichent une nette progression de leur activité. Pour la première fois, le chiffre d'affaires de la millième entreprise tricolore dépasse le seuil des 20 millions d'euros. Et ce n'est pas l'amorce du phénomène inflationniste qui remet en cause cette évidence : dans l'Hexagone, les chantiers ont tourné à plein régime.
Pour la première fois, le chiffre d'affaires de la millième entreprise tricolore dépasse le seuil des 20 millions d'euros
Les millésimes se suivent et ne se ressemblent pas, c'est même ce qui fait tout leur intérêt. Si les conditions se sont avérées particulièrement propices pour le secteur l'an passé, de lourds nuages planent désormais à l'horizon. La crise du logement, qui ébranle déjà les promoteurs immobiliers, va immanquablement se propager aux autres acteurs de la filière. Les travaux, encore dynamiques en 2023, vont ralentir à un rythme variable selon les régions et les métiers. Certaines entreprises voient déjà fondre leurs carnets de commandes. A l'avenir, les bulles, ce ne sera plus pour tout le monde.
Ces perspectives moroses ne devraient pourtant pas nous empêcher de célébrer les bonnes nouvelles. Ces excellents chiffres sont mérités. Ils sont le fruit d'un labeur quotidien et le témoignage d'une filière robuste. La certitude de jours plus difficiles doit agir comme un salutaire appel à la lucidité et inciter à mettre à profit ces belles années pour préparer les moins bonnes. Savourons l'instant présent mais gardons-nous de l'ivresse, les prochains top 1 000 se préparent dès aujourd'hui. Le Moniteur #6276 : Le tertiaire cherche sa place dans le recyclage urbainPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : La radicalité des résultats sans la brutalité des mesures. Non, ce n'est pas le slogan d'une COP 28 au pays des hydrocarbures mais la démarche défendue par la Première ministre à l'occasion de la présentation de la troisième stratégie nationale pour la biodiversité. En résumé, une déclinaison verte du « en même temps », ou plutôt du « ni ni » : ni fin du monde ni fin du mois.
Une telle feuille de route ne fait a priori que des heureux. Reste à savoir si, dans la pratique, ce chemin de crête existe. La semaine passée, l'Union européenne - avec l'approbation silencieuse de la France - a par exemple autorisé l'utilisation du glyphosate pour dix années supplémentaires. On perçoit bien l'apaisement de la mesure vis-à-vis du monde agricole, moins la radicalité des résultats. A l'inverse, le ZAN est un objectif radical qui reste perçu par beaucoup comme extrêmement brutal.
Un surcroît de paperasserie, même sur papier recyclé, n'aurait aucun bienfait sur la planète
Défendre absolument la faune et la flore sans faire grogner le citoyen, l'élu ou le professionnel, semble illusoire. Pire, à trop ménager la chèvre et le chou, on peut décevoir l'un et l'autre. Prenons un autre exemple, celui de la commande publique durable. Au détour de la loi Industrie verte, de nouvelles obligations viennent encore renforcer le cadre juridique de ce qui est considéré comme un puissant vecteur du verdissement de l'économie. Pesant sur les entreprises soumissionnaires, ces contraintes supplémentaires, bien réelles, se révèlent dans les faits purement procédurales. Elles pourraient même n'avoir aucune conséquence sur la qualité environnementale des marchés publics conclus.
Sans remettre en cause le bien-fondé de ces décisions, cet exemple devrait nous alerter. Si on n'y prend garde, la quête du juste milieu écologique pourrait se traduire en un surcroît de paperasserie qui, même sur papier recyclé, n'aurait aucun bienfait pour la planète. Verdir un peu sans trop gêner pourrait aboutir au pire des compromis : l'absence de résultats malgré la rigidité des mesures. Le Moniteur #6275 : Equerre d'Argent - Dans un quartier huppé, le logement social distinguéPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Tout ce qu'il faut, mais juste ce qu'il faut. Tous les ans, le palmarès des prix d'architecture du « Moniteur » et d'« AMC » apporte la démonstration magistrale de la capacité des concepteurs à engendrer des réalisations d'exception. Mais cette année, plus que jamais, il suggère aussi la retenue inhérente à l'acte de construire, propre à notre époque. L'excellence s'accommode de la fin de l'abondance. Aux démonstrations de force, elle préfère désormais le tour de force.
Dès lors, la question devient hautement « matérielle ». Les opérations primées font ainsi la part belle aux biosourcés, de la paille au liège. Par leur réinterprétation du déjà-là, elles préservent la matière des bâtiments transformés et des espaces publics requalifiés. Ce souci de la retenue s'illustre enfin par ce que les architectes choisissent de ne pas dessiner, cette matière qui n'est pas consommée, à l'instar de ces « volumes capables » laissés au bon vouloir de l'acquéreur.
Pour décrocher l'Equerre d'argent, il faut un surcroît de génie, une prise de risque, une ambition hors normes
Il serait pourtant réducteur de ne voir dans le choix du jury qu'un coup de chapeau à la sobriété. La vertu ne fait pas architecture, pas plus que l'immense talent - reconnu à l'ensemble des équipes finalistes - ne suffit pour obtenir l'Equerre d'argent. Il faut, pour décrocher la timbale, un surcroît de génie, une prise de risque, une ambition hors normes. C'est d'ailleurs pourquoi l'habitat, si central dans l'activité des agences mais si engoncé dans ses standards, se hisse rarement sur la plus haute marche.
Or, l'îlot Saint-Germain à Paris (VIIe arrondissement) témoigne d'une inventivité salutaire. Ces anciens bureaux produisent du logement social de qualité là où les besoins sont immenses, au cœur des métropoles, sans artificialiser un mètre carré. Une lueur d'espoir, au moment où l'immobilier résidentiel fonce tout droit vers l'abîme. Un appel à l'action, aussi. Cette opération n'a été rendue possible que par la « décote Duflot », un rabais sur l'achat du patrimoine de l'Etat tombé en désuétude. Trop coûteux pour notre époque austère, ce dispositif témoignait d'une quête de solutions ingénieuses face à la crise du logement. Cette inventivité-là nous fait, pour l'heure, cruellement défaut. Le Moniteur #6274 : Ouvrages d'art en série sur un terrain accidentéPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les promoteurs le constatent : « On change d'époque. » Et, dans leur esprit, l'histoire ne va clairement pas dans le bon sens. Les ventes s'effondrent chaque trimestre un peu plus jusqu'à atteindre, en cette fin d'année, des niveaux dramatiques. L'activité plonge, les talents s'envolent. L'immobilier se trouve, encore selon les promoteurs, « au bord du précipice ». Avant un saut dans le vide ? Autant il apparaît aisé de caractériser l'époque révolue, avec son argent bon marché et son accession accessible, autant définir celle qui arrive relève de la gageure. Alors, quand le brouillard s'épaissit, on est tenté de se fier au capitaine. Or, sur ce sujet sensible, le gouvernement reste fort peu disert. Tout juste, ici et là, quelques déclarations qu'il faut s'efforcer d'interpréter. La semaine dernière, c'est la Première ministre qui a annoncé un nouveau plan de rachat aux promoteurs et des ambitions redoublées en matière de production de logements intermédiaires et étudiants. Pas de quoi changer la donne, à peine de quoi amortir le choc. Mais peut-être de quoi décrypter les grandes lignes de la future politique du logement. Les bailleurs sociaux se trouvent au centre du jeu, une position qui pourrait devenir structurelle. Premier enseignement : les bailleurs sociaux se trouvent au centre du jeu. Une position habituelle en cas de conjoncture faiblarde, mais qui pourrait bien devenir structurelle à l'avenir. Pour des questions économiques d'abord, tant les organismes HLM font preuve de résilience. Pour des questions sociales aussi, tant il est urgent de répondre aux demandes d'habitations accessibles. L'autre inflexion se traduit par un appel du pied appuyé du gouvernement aux investisseurs institutionnels. En creux, ces attentes vis-à-vis du monde HLM et des « zinzins » visent à écarter pour de bon l'investisseur individuel. Obnubilé par la défiscalisation, ce dernier est jugé, en haut lieu, susceptible d'acquérir des appartements inadaptés aux besoins réels. La fermeté du gouvernement concernant la fin du Pinel témoigne de cette conviction. Un choix assumé qui, pour l'instant, ne fait qu'amplifier la dépression quand il faudrait appuyer sur le champignon. Le Moniteur #6273 : Planification écologique : Les collectivités cherchent la bonne formulePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Tradition japonaise apparue au XIIe siècle, le thé matcha prend la forme d'une poudre très fine de couleur vive. Les pâtissiers français l'utilisent parfois pour donner une teinte verte aux millefeuilles. Le gouvernement, lui, n'a pas encore trouvé d'ingrédient magique pour verdir en profondeur le millefeuille administratif. Alors que la planification écologique est appelée à innerver l'ensemble des politiques publiques, la réussite de sa déclinaison territoriale apparaît pourtant comme déterminante. Impossible de décarboner les transports, préserver la qualité de l'eau ou rénover les bâtiments sans la mobilisation, à toutes les strates, des élus locaux et de leurs agents.
Tradition française apparue après-guerre, la planification suggère, dans son principe même, une vision centralisée de la décision qui ne saurait échapper au cœur du pouvoir. Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ne loge-t-il pas à l'hôtel de Matignon ? Mais la France de 2023 n'est pas celle de 1946 et le SGPE ne saurait user des mêmes outils que son aïeul, le Commissariat général au plan. L'Etat ne dicte plus, il mobilise, accompagne, contractualise.
Les collectivités n'ont pas attendu d'être sollicitées pour prendre des mesures vertueuses.
C'est donc du terrain qu'il faut démarrer pour espérer réussir cette planification. Et on ne part pas de zéro, loin s'en faut. Comme le montre notre dossier (lire p. 15-33), les collectivités n'ont pas attendu d'être sollicitées pour prendre des mesures vertueuses pour leur territoire, leur population et les écosystèmes. Ces initiatives présentent la vigueur et la spontanéité inhérentes à leur échelle, mais gagneraient à être mieux coordonnées pour plus d'efficacité. Or, il y a urgence à gagner en efficacité, à transformer le mille-feuille en éclair.
C'est ainsi que se dessine la nouvelle articulation de ce que pourrait être la dynamique d'une planification contemporaine. Tous ces mini-plans locaux forment les ingrédients d'une recette dont l'Etat doit assurer à la fois l'association des saveurs, mais aussi la cohérence d'ensemble. Le défi planétaire interroge jusqu'aux tréfonds de la République. Le Moniteur #6272 : A La Réunion, un canyon atterit sur l'aérogarePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Sur le chantier de l'autoroute qui reliera Castres à Toulouse, le bruit des engins ne couvre pas les cris des manifestants. Cette cacophonie témoigne d'un dialogue de sourds. Les uns assurent avoir limité au maximum le nombre d'œufs cassés pour faire leur omelette, quand les autres prétendent qu'il faudrait ne pas faire d'omelette du tout. Deux positions irréconciliables. Sur le terrain, l'affaire paraît entendue : le chantier bat son plein. C'est d'ailleurs l'un des paradoxes de cette histoire : la cristallisation de la contestation n'intervient qu'au terme d'une procédure régulière où tous les feux sont au vert. Après des années de concertation et de contentieux, il semble désormais inconcevable de remettre en cause un projet aussi bordé juridiquement. Qu'on le veuille ou non, l'autoroute est sur des rails (de sécurité). L'utilité publique d'un projet ne sera jamais une évidence pour tous. L'avenir, en revanche, est bien plus flou. Notre capacité de construire des infrastructures semble s'amoindrir. Par manque de courage politique ? Trop simple. En raison d'oppositions systématiques ? Trop caricatural. Ce genre de décision repose sur un équilibre précaire : les avantages de l'ouvrage, en termes de développement ou de sécurité par exemple, doivent en justifier les coûts, qu'ils soient économiques ou environnementaux. Or, de ce côté-ci de la balance, la donne a bien changé. Le prix des arbres coupés, des collines arasées ou des terres agricoles artificialisées apparaît bien plus lourd aux yeux des citoyens de 2023 qu'à ceux de leurs aînés. Les œufs de poule sont devenus des œufs d'esturgeon, l'omelette un produit de luxe. L'utilité publique d'un projet - puisque c'est bien elle, le juge de paix - ne sera jamais une évidence pour tous. Elle se discute, elle se débat, parfois dans le brouhaha. Elle évolue, aussi, selon les priorités du moment. Aujourd'hui, elles sont écologiques. Pourtant, même là, il faut arbitrer entre éoliennes et paysages, ferme photovoltaïque et espaces protégés, ligne ferroviaire et terres agricoles… Seule certitude, immuable : la décision revient aux élus, miroirs de leur époque, maîtres du fouet. Le Moniteur #6269 : "Les architectes sont à l'avant-garde des besoins de la société"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : LE MONITEUR MONITERDescription : Et si l'usine produisait des chantiers à la chaîne ? Le projet de loi Industrie verte, qui vient d'arriver au terme de son cheminement parlementaire, devrait y contribuer. Fruit d'un compromis entre groupes politiques et d'un accord entre députés et sénateurs, le texte n'a pas nécessité de recours au 49-3. Son contenu ne fait peut-être pas tout à fait l'unanimité, mais son ambition fait consensus : accélérer la mutation de l'appareil productif hexagonal.
Ce n'est pas écrit noir sur blanc dans la loi, mais les professionnels de la construction se trouvent au cœur du processus de réindustrialisation. D'abord, parce que ces usines indispensables à la décarbonation, il faudra bien les faire sortir de terre. Une partie des nouvelles dispositions s'attache ainsi à simplifier l'accès au foncier et à accélérer les procédures, pour, à terme, concevoir, construire et exploiter des unités de production. A l'heure où la production de logements s'éteint dans l'indifférence gouvernementale, le coup de pouce à d'ambitieux projets industriels conduira les constructeurs à des repositionnements opportuns. Certains, dans le gros œuvre ou l'ingénierie, l'ont déjà compris.
Le secteur de la construction se trouve au cœur du processus de réindustrialisation « verte »
Mieux : ces chantiers en appelleront d'autres, bien plus nombreux. L'exécutif et les parlementaires entendent promouvoir tout particulièrement les « big five », à savoir l'éolien, le photovoltaïque, les pompes à chaleur, les batteries et l'hydrogène décarboné. Fait remarquable : ces cinq productions industrielles d'avenir nourriront toutes la réalisation d'ouvrages et de réseaux. Un motif de réjouissances, donc, mais aussi une preuve supplémentaire du rôle central que la construction est appelée à jouer dans les transitions écologique et énergétique.
Nul ne peut prédire aujourd'hui les effets réels des dispositifs d'Industrie verte. En revanche, on peut d'ores et déjà affirmer que celle-ci accompagne un mouvement profond et inéluctable de transformation de notre économie. Et qu'il est temps d'en tirer profit. C'est désormais écrit noir sur blanc. Le Moniteur #6270 : Retrait-gonflement des argiles : une fissure très saléePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : LE MONITEUR MONITERDescription : Comment freiner l'épidémie de fissures qui touche les maisons françaises ? La question reste à ce jour sans réponse. Pourtant, la multiplication des épisodes de sécheresse provoque une croissance exponentielle et inexorable des dégâts sur le bâti. Même les zones aussi éloignées du croissant argileux que le Finistère ou la Corse-du-Sud sont désormais touchées. Avec, au bout du compte, une facture qui se compte en milliards d'euros.
L'appréhension du phénomène du retrait-gonflement des argiles se heurte à une difficulté particulière, celle de percevoir l'ampleur de la catastrophe. Ici, pas d'image spectaculaire. Les ravages d'une crue ou d'un séisme font les gros titres. Pas les petites fissures qui lézardent en silence ces habitations.
Confrontés à des montagnes de sinistres, les assureurs s'alarment eux aussi
Avec ses 3,5 milliards d'euros de dégâts, le triste record de 2022 aura, si l'on ose dire, réussi à briser ce mur de l'indifférence. Le député du Nord Vincent Ledoux vient ainsi de remettre à la Première ministre un rapport parlementaire sur le sujet. Il propose un bouquet de mesures, allant de la mobilisation financière à l'adaptation du régime « Cat Nat », en passant par les études géotechniques et une « météo des sols ». Confrontés à des montagnes de sinistres, les assureurs s'alarment eux aussi. Et cherchent, entre autres, à améliorer les solutions destinées à protéger les habitations. Des techniques encore insuffisamment maîtrisées mais qui pourraient devenir courantes à l'avenir.
En 2023, les frais devraient rester sous la barre du milliard d'euros. Un léger mieux, certes, mais qui représente tout de même le double de la moyenne des années 2000. Indubitablement, nous avons déjà changé d'ère et rien ne permet aujourd'hui d'imaginer que le réchauffement climatique cessera de produire ses effets dans les prochaines décennies. Qu'il plafonne à + 2 °C ou atteigne + 4 °C, il faudra s'adapter et cela ne se limitera pas à végétaliser les rues ou rafraîchir les logements. Sécheresses, orages, érosion côtière ou mégafeux… Silencieuses ou fracassantes, les calamités sont devant nous. Elles doivent être regardées en face. Le Moniteur #6268 : Après les émeutes, la reconstruction à petits pasPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Le « fou du Puy » serait-il devenu le « zinzin du ZAN » ? On peine à comprendre ce qui a poussé Laurent Wauquiez à annoncer que sa région « sortait du ZAN ». Pour être honnête, on a d'abord peiné à comprendre ce que cela signifiait. Puis, une fois précisé que la collectivité suspendait la procédure de modification de son Sraddet pour manifester son mécontentement face aux règles nationales, on a peiné à comprendre ce qu'elle avait à gagner à se priver d'un outil aussi crucial pour l'aménagement de son territoire. Bien entendu, Laurent Wauquiez a toute sa tête. Son coup d'éclat, il le sait pertinemment, n'aura que peu de portée pratique. Annoncer une « sortie du ZAN » pour un élu de droite engage autant que poser un panneau « Commune hors Tafta » pour un élu altermondialiste : de l'affichage pur et simple. Son objectif est ailleurs. Ce redoutable animal politique a flairé autour du ZAN un potentiel point de clivage. Le candidat non déclaré à la présidentielle de 2027 a choisi de dégoupiller sa grenade devant l'Association des maires ruraux de France. Nul besoin d'être un normalien doublé d'un énarque pour saisir qu'il entend réveiller l'antagonisme entre France des villes et France des champs.
La lutte contre l'artificialisation ne peut se réduire à une lubie urbaine.
Dans les petites communes, c'est clair, des élus se disent désemparés face à la fin annoncée des lotissements, gloutons en terres. Le risque de friction existe - c'est indéniable - entre l'objectif de sobriété et celui, tout aussi louable, de développement local. Mais il est tout aussi certain qu'il faudra, demain, aménager autrement. Oui, c'est contraignant. Oui, c'est long. Mais, comme la décarbonation, comme le recyclage, ce n'est plus une option. Là se trouve l'erreur de jugement de Laurent Wauquiez : réduire la lutte contre l'artificialisation à une lubie urbaine. Or, la population rurale a fait sienne la volonté de préserver les espaces naturels. Le monde agricole lui-même fait désormais pression pour limiter le grignotage des terres. Ce n'est pas parce qu'ils roulent au diesel et se chauffent au fioul que les habitants des bourgs se moquent de la nature. En cherchant à toucher ce qu'il imagine être les tréfonds des terroirs, le stratège politique confond clivage et cliché. Non, les Français, même ruraux, ne sont pas des veaux. Le Moniteur #6267 : Sur les chantiers, les recrutements ne faiblissent pasPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Pour un ministre des Finances, même expérimenté, concocter le budget de l'Etat s'apparente à un exercice comptable : prendre ici pour redistribuer là. Un jeu de vases communicants qui permet d'élaborer un propos politique à partir de grandes masses financières difficiles à appréhender.
Le projet de loi de finances pour 2024 ne fait pas exception. Tout juste ripolinée de vert suite au dévoilement des grandes lignes de la planification écologique, la feuille de route présentée par Bruno Le Maire peut se résumer grossièrement en quelques arbitrages : aider la rénovation des logements plutôt que sauver le neuf, accélérer les travaux ferroviaires en taxant les autoroutes, faire progressivement disparaître le GNR au profit des biocarburants… Autant d'annonces auxquelles s'attendait la construction. Bref, rien de nouveau sous le soleil. Ou plutôt sous les nuages lourds.
L'effondrement brutal du logement neuf aura de graves conséquences bien au-delà du cercle des promoteurs
En effet, ce jeu d'écritures, consistant à faire passer des milliards d'une ligne à l'autre, fait totalement abstraction de la situation des acteurs du BTP alors même qu'il se déroule dans les couloirs de Bercy, tour de contrôle de l'économie française. Certes, le secteur dans son ensemble n'est pas en crise. En témoigne le rythme toujours soutenu des recrutements dans les entreprises de travaux. Mais ces besoins en bras et en cerveaux sont à la fois liés au cycle des projets - on construit ce qui a été décidé il y a de longs mois - et au déficit d'attractivité du secteur, phénomène insensible à la conjoncture. Ils ne sauraient donc occulter les difficultés qui s'annoncent.
L'effondrement brutal du logement neuf aura de graves conséquences bien au-delà du cercle des promoteurs. Les bailleurs sociaux voient déjà leurs agréments se réduire à peau de chagrin là où la Vefa fournissait une partie notable du contingent des HLM. Le regain d'activité dans l'ancien, lui, ne compense en rien les chantiers perdus du bâtiment. Même les entreprises de travaux publics craignent que, par le truchement des droits de mutation, la crise de l'immobilier ait un effet délétère sur leurs carnets de commandes. La contagion guette. Non seulement une partie de l'eau s'est évaporée, mais les vases sont percés. Le Moniteur #6266 : Spécial HLM - Tout rénover, même les financementsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : LE MONITEUR MONITERDescription : Les Congrès HLM se suivent et ne se ressemblent pas. L'édition 2022 avait été marquée par une grande déception - parfois même une franche hostilité - vis-à-vis des positions du ministre du Logement d'alors, Olivier Klein. Celle qui se déroule début octobre promet certes de nouvelles crispations, mais, cette fois-ci, le gouvernement n'y est pour rien. A la manière d'une scène de ménage, la crise éclate au sein de ce que l'on se plaît parfois à présenter comme la grande famille HLM. La semaine passée, la Fédération des OPH a en effet lancé une procédure contre Action Logement, le poids très lourd des ESH. Autant dire, un fratricide. Le fond de l'affaire apparaît éminemment technique : il concerne la distribution du produit de la collecte de la Peec. Mais on le sait, dans les histoires de famille, ce sont souvent les sujets d'argent qui provoquent les pires conflits. Un linge sale que l'on préfère généralement laver à l'abri des regards.
Entreprises et maîtres d'œuvre misent sur les bailleurs sociaux pour atténuer la casse économique et sociale annoncée
Or, cette année plus que jamais, toute la construction a les yeux rivés sur le monde HLM. Alors que les promoteurs se préparent à ce qui s'apparente à la pire crise de leur histoire, entreprises et maîtres d'œuvre misent sur les bailleurs sociaux pour atténuer la casse économique et sociale annoncée. Quel que soit leur statut - OPH, ESH, coopératives… - et leurs éventuelles divergences, les organismes HLM apparaissent comme les seuls acteurs en mesure de construire et de rénover massivement… mais pas au milieu d'un champ de ruines.
Afin d'éviter le désastre et de peser au maximum sur l'élaboration du projet de loi de finances pour 2024, une « Alliance pour le logement » vient de prendre forme. Elle se veut très large, allant des économistes de la construction aux CMistes, en passant par les entreprises de bâtiment et les notaires. Sans oublier, bien sûr, les bailleurs sociaux. Si elle veut peser dans la balance, cette belle unité devra faire taire les fâcheries de la maison HLM, le temps d'une cousinade. Le Moniteur #6263-64 : Le BTP et "Le Moniteur" - 120 ans de compagnonnagePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Si tout est permis, rien n'est permis. Surtout pas les permis de construire. En écrivant cette phrase, Vladimir Jankélévitch « (né le 31 août 1903) était certes bien loin de penser aux autorisations d'urbanisme. Et pourtant, le philosophe l'ignorait peut-être, mais l'analyse des règles encadrant la pratique des constructeurs confine parfois à la métaphysique.
Elle suscite même, parmi tant d'autres raisons, un besoin impérieux d'une presse professionnelle de qualité, capable de rendre intelligibles des textes aussi abscons que des traités de phénoménologie allemande.
Décrypter, expliquer, raconter. C'est la vocation du « Moniteur » depuis 120 ans. Braquer les projecteurs sur l'excellence également, qu'elle soit technique, économique ou esthétique. Cela va jusqu'à l'octroi de distinctions incontestées, à l'instar de l'Equerre d'argent, aussi prestigieuse en architecture que le prix Goncourt en littérature (21 décembre).
Décrypter, expliquer, raconter. C'est la vocation du « Moniteur » depuis 120 ans.
Comme l'estimait fort justement Marguerite Yourcenar (8 juin) : « Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin. » Lorsqu'il imprimait son journal de quatre pages au début du XXe siècle, Louis Dubois n'avait probablement aucune idée de l'épopée qu'il initiait.
Il faut dire que les défis à surmonter se sont multipliés au fil du temps. Le plus grand ? Réunir les travaux publics et le bâtiment, les infrastructures et l'architecture, la biodiversité telle que l'on la retrouve dans « La Ferme des animaux » de George Orwell (25 juin) et le béton armé, digne de « Zazie dans le métro » de Raymond Queneau (21 février). Parler au privé comme au public, deux mondes qui, malgré leurs antagonismes et les rivalités, finissent généralement par saisir leur intérêt commun, à la manière d'un Peppone et d'un Don Camillo, incarné par l'irremplaçable Fernandel (8 mai).
Nos journalistes écoutent, écrivent et enquêtent, cherchant l'information juste avec la détermination d'un commissaire Maigret, né de la plume de Georges Simenon (13 février). Ils bénéficient en outre d'un ancrage régional sans pareil. Car, tel le tracé du Tour de France (1er -19 juillet), la construction est une activité localisée par nature, qui ne se comprend qu'au plus près du territoire, avec ses contraintes et ses atouts, mais aussi ses régionaux de l'étape. Dans les ascensions difficiles ou dans les plaines reposantes, « Le Moniteur » reste au cœur du peloton, fidèle compagnon de la construction. Le moniteur #6262 : La tour Pleyel achève sa muePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Le monde du bâtiment se divise en deux catégories : ceux qui construisent et ceux qui rénovent. Et en ce moment, leur sort apparaît diablement contrasté. Provoquée par des facteurs conjoncturels, comme la hausse des taux d'intérêt, et par des tendances de long terme, comme la raréfaction du foncier, la crise du neuf s'annonce profonde et durable. A l'inverse, les vertus de la rénovation apparaissent en phase avec l'époque.
Pour les professionnels menacés, il semble opportun de faire évoluer rapidement le modèle. C'est ce qu'a fait Smac (lire p. 12), dont la croissance repose largement sur la rénovation énergétique. C'est aussi ce que font certains acteurs de l'immobilier, qui inventent un métier de promoteur-rénovateur radicalement nouveau (lire p. 8). Reste que cette reconversion n'est pas aussi simple à accomplir selon que l'on est maçon ou plombier, terrassier ou architecte. Pour tous, elle ne se fera pas en un jour, tant les savoir-faire et les équilibres économiques divergent entre ces deux typologies d'opérations.
Intervenir sur l'existant constitue un défi de tous les instants, depuis la conception jusqu'au chantier.
Intervenir sur l'existant constitue un défi de tous les instants, depuis la conception qui doit composer avec le déjà-là, jusqu'au chantier toujours truffé de surprises, plus ou moins mauvaises. De la reconversion ambitieuse de la tour Pleyel (lire p. 40) à la restauration d'un collège respectueuse de l'esprit de Jean Nouvel (lire p. 44) , un travail d'orfèvre se révèle à chaque fois nécessaire pour mener à bien ces projets. Si le bilan carbone est naturellement à l'avantage de la rénovation, ce sur-mesure systématique et ces aléas permanents peuvent rapidement faire déraper le bilan économique.
Le virage s'annonce donc très serré pour les professionnels. D'autant plus que cette grande bascule paraît encouragée par les pouvoirs publics. L'extinction du Pinel se rapproche, le ZAN raréfiera le foncier et les aides à la rénovation montent en puissance. Certes, l'exigence de sobriété paraît légitimer un tel mouvement pendulaire, mais il laisse un angle mort : celui du déficit de l'offre de logements qu'il produit inévitablement. Le Moniteur #6261 : Un centre sportif parisien ceinture noire de clartéPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Dans un secteur aussi réglementé que le nôtre, on attend beaucoup des textes. Et, soit dit en passant, on les attend souvent longtemps. Il en va ainsi du décret promettant de simplifier la mise en œuvre des projets de réutilisation des eaux usées. La publication de l'une des pièces maîtresses du plan eau, annoncé au printemps par Emmanuel Macron, était présentée comme imminente depuis plusieurs jours à l'heure où nous bouclons ces pages.
L'attente est vive. Et pour cause : que l'été soit torride ou pourri, le niveau des nappes phréatiques reste dramatiquement bas. Alors, il en va de l'eau comme du plastique ou du verre : quand une ressource se fait rare, le recyclage apparaît comme une solution évidente.
La mise à jour du cadre réglementaire relatif au traitement de l'eau est urgente.
« Bien sûr qu'il faut réutiliser les eaux usées ! entend-on subitement. Mais la réglementation nous met des bâtons dans les roues. » Alors oui, c'est vrai, on trépigne. La mise à jour du cadre réglementaire relatif au traitement de l'eau de l'eau est urgente. Mais ne nous berçons pas d'illusions : quelques lignes au JO, aussi nécessaire soient-elles, ne suffiront pas. D'abord parce que la publication du décret n'est que la première étape d'un profond remaniement qui prendra du temps. Ensuite et surtout parce que rien ne se fera sans que les acteurs eux-mêmes s'emparent de ces solutions, par conviction écologique, par responsabilité politique ou par intérêt économique. Ce fut le cas à Orléans, où l'on n'a pas attendu pour agir. Un projet novateur limite désormais les prélèvements d'eau dans le cours du Loiret (lire p. 28).
Ce type d'initiative est appelé à se multiplier, la démarche à se massifier. Reste qu'elles demeureront éminemment locales : ici, c'est la proximité d'un parc géré par la Ville avec une station d'épuration de la métropole qui a rendu possible cette opération. Ailleurs, d'autres formules devront être élaborées. Et il faudra toujours des hommes et des femmes, travaillant pour des collectivités, des entreprises de travaux, des bureaux d'études, des industriels… pour les mettre au point. Des gouttes d'eau dans l'océan, peut-être, mais que la réglementation, seule, ne saurait faire jaillir. Elle peut simplement dégripper le robinet. Le Moniteur #6260 : Un pont suspendu fait peau neuvePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : On ne touche pas à l'œuvre de Le Corbusier sans faire preuve d'une certaine hardiesse. Pour s'attaquer aux pathologies qui affectent la célèbre chapelle Notre-Dame du Haut, à Ronchamp (Haute-Saône), l'association propriétaire s'est résolue à intervenir sur l'édifice du glorieux concepteur des lieux (lire p. 26). Avec respect, bien entendu, mais sans frilosité : insertion de broches en carbone, décapage complet de la façade…
Aussi sacré soit-il, un bâtiment reste mortel et exige quelques soins. Mais, pour des communes déjà mobilisées dans la rénovation énergétique de leurs écoles (lire p. 8), la campagne de restauration d'un bâtiment parfois très peu fréquenté fait peser un lourd fardeau, pour ne pas dire une croix. L'Observatoire du patrimoine religieux évalue entre 2 500 et 5 000 le nombre d'édifices menacés d'abandon, de vente voire de destruction. Or, personne ou presque ne souhaite en arriver à de telles extrémités. Indépendamment de leur éventuelle protection au titre des monuments historiques, ces églises constituent un patrimoine de proximité auxquels demeurent très attachés les habitants des villes et des campagnes, grenouilles de bénitiers comme bouffeurs de curés.
Pour offrir aux édifices religieux les travaux nécessaires, il convient d'en varier les utilisations.
Pour offrir à ces édifices les travaux nécessaires, il convient d'en varier les utilisations, plaident trois sénateurs dans une récente tribune publiée dans « Le Monde ». Des activités évidemment compatibles avec la pratique cultuelle, comme il en existe déjà (concerts dans la nef, cours de yoga dans la sacristie…) ou qu'il reste à inventer. La fraîcheur des églises pourrait, par exemple, fournir aux citadins un précieux refuge en cas d'épisode caniculaire.
Cette réflexion devient pressante, expliquent les parlementaires, par le « surdimensionnement du patrimoine mis à disposition de l'Eglise catholique par rapport à l'usage qu'elle en fait ». Elle s'inscrit cependant dans un mouvement bien plus large, celui de la sobriété foncière et constructive qui pousse à l'intensification des usages de l'existant. En Bretagne (lire p. 15), des internats de lycée hébergent des saisonniers pendant les vacances scolaires. Un peu partout, des cours d'écoles s'ouvrent aux riverains le week-end… Ecoles publiques, églises catholiques, même combat. Le Moniteur #6259 : Les Dents de scie des cheminots de TrappesPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Sur les sentiers des douaniers ou sur la plage abandonnée, vous avez peut-être, au cours de votre été, eu l'opportunité de profiter des sublimes paysages offerts par les côtes françaises. Ces beautés brutes - des longues étendues picardes jusqu'aux lagons ultramarins - témoignent des bonnes grâces de la nature envers notre pays. Mais elles tiennent aussi à la ferme volonté de préservation voulue par les hommes, à l'instar des rédacteurs de la loi Littoral.
Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin, et le maillot de bain est inexorablement abandonné au profit du costume de promoteur, du casque de chantier ou de l'écharpe d'élu. Alors ce fameux texte de 1986, tant apprécié pendant les congés, se mue parfois en carcan réglementaire une fois la rentrée arrivée. Un cadre qui, de surcroît, n'en finit pas d'évoluer au fil des lois votées et de s'affiner au gré des décisions des juges (lire p. 35) . Sans parler des nouvelles contraintes visant à anticiper la montée des eaux.
Personne ne regrette aujourd'hui que la France ait échappé à une bétonisation systématique de ses côtes.
Avec quarante années de recul, on s'aperçoit cependant que la loi Littoral - tout comme sa sœur, la loi Montagne de 1985 - laissait entrevoir l'inéluctable régulation de l'étalement urbain. Avec pour ambition d'éviter tant les ravages de l'urbanisation sauvage que la mise sous cloche mortifère, les efforts déployés pour encadrer la construction dans ces zones si sensibles peuvent nous aider en 2023 à répondre à l'impératif de sobriété foncière.
Ainsi, personne ne regrette aujourd'hui que la France ait échappé, contrairement à certains de ses voisins, à une bétonisation systématique de ses côtes. Il y a donc fort à parier que nos petits-enfants se féliciteront de la préservation des espaces agricoles et forestiers justifiant l'objectif du ZAN. A l'inverse, la gentrification que connaissent certaines zones littorales - en partie liée à une offre de logements bridée par la loi - doit nous alerter pour éviter que, demain, l'impossibilité d'étendre les limites de la ville ne conduise à la vider de ses habitants les moins aisés. Une partie de notre avenir est déjà écrit sur nos plages. On remet le maillot ? Le Moniteur #6254 : Les PME dans la course des Jeux olympiquesPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Pillages, destructions, incendies… Quelle sera la facture de ces nuits de fureur ? Un milliard d'euros, avance le Medef, conscient de fournir une estimation au doigt mouillé. Car les conséquences en termes d'activité perdue sont encore largement inconnues. Pour les limiter, une seule solution : aller aussi vite que possible pour effacer les stigmates des émeutes.
Les braises étaient encore fumantes lorsque le chef de l'Etat a annoncé qu'il fallait d'urgence procéder à la « reconstruction ». Et que cela impliquait des ajustements réglementaires afin d'accélérer la réparation de bâtiments et d'infrastructures touchés, voire leur réédification totale. Une circulaire est immédiatement parue, d'autres textes suivront, une loi est même promise. Objectif présidentiel : « écraser tous les délais ».
L'habitude de répondre à l'urgence par des dérogations doit nous interpeller
Le sujet est grave. L'objectif est noble. Mais les observateurs avertis du monde de la construction ne pourront s'empêcher de sourire. Ils auront remarqué que, dès qu'un impératif d'ordre supérieur surgit, la dérogation aux règles d'urbanisme ou à celles de la commande publique s'impose comme la réplique adaptée. Paris doit se préparer aux JO ? On permet des entorses au droit commun. Notre-Dame brûle ? De nouveaux trous apparaissent dans les textes. La réindustrialisation est décrétée ? On découpe encore quelques zones extralégales. A tel point que les tomes de droit se transforment peu à peu en emmental.
Cette habitude de répondre à l'urgence par des dérogations doit nous interpeller. D'abord, elle suggère une conception des normes réduites à des entraves, oubliant les bonnes raisons présidant à leur origine, depuis la nécessaire publicité dans la commande publique jusqu'à l'indispensable protection de l'environnement. Ensuite, cela traduit une confusion entre normes et délais. Or, on pourrait, à droit constant, accélérer par exemple l'instruction des autorisations d'urbanisme. Enfin, et surtout, cette machine à exceptions peut rapidement s'emballer. On manque d'Ehpad en France ? Dérogations ! De berceaux pour accueillir les tout-petits ? Dérogations ! A une époque où les crises succèdent aux crises, les exceptions risquent de devenir la règle. Le Moniteur #6258 : Les charpentiers d'Alsos mobilisés pour les JOPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Beaucoup de monde, parfois trop. Sur les plages et les terrasses, l'été 2023 renoue avec le tourisme de masse. Pire, le surtourisme menace. A contrario, dans les cuisines et aux réceptions, les saisonniers commencent à manquer. Peu de monde, souvent pas assez. A tel point que bon nombre de cafetiers et d'hôteliers se sont subitement transformés en agents immobiliers pour offrir une solution d'hébergement aux candidats convoités.
La crise du logement entrave le plein emploi. Dans la construction, tout d'abord, chez les promoteurs, maçons ou architectes en mal de projets. La FFB brandit déjà le spectre de 135 000 postes détruits en trois ans. Mais la casse sociale pourrait ne pas s'arrêter là.
Comme l'illustre la panique estivale qui a saisi les employeurs du secteur du tourisme, la dynamique de l'emploi française tout entière se trouve d'ores et déjà grippée par le déficit de logements. Les salariés sont bridés dans leur mobilité et les employeurs freinés dans leurs recrutements. La découverte de ce lien essentiel entre travail et habitat ne date pourtant pas d'hier, ni même d'avant-hier.
La dynamique de l'emploi française tout entière se trouve grippée par le déficit de logements.
Le grand-père de Vincent Bolloré l'avait déjà perçu il y a plus d'un siècle. Celui qui fabriquait du papier et non des journaux avait érigé dans le Finistère un ensemble d'habitations d'une indéniable qualité d'usage à destination de ses employés (lire p. 28) . Puis est apparu le 1 % patronal devenu Action Logement, dont la mission est justement d'offrir un toit aux salariés. Et pourtant, bon nombre de travailleurs rechignent toujours à signer un contrat par crainte de se loger trop mal, trop cher, trop loin.
Rien à ce stade ne suggère un retournement de tendance. L'offre s'étiole dans le neuf. La vacance se concentre dans des zones éloignées des jobs agglutinés dans les métropoles. Ces dernières, quant à elles, regimbent quand on les exhorte à densifier. Bref, un cercle vicieux menace, que tout le monde - employeurs, salariés, élus - a pourtant intérêt à briser. Un sursaut s'impose. René Bolloré était certes pétri d'un paternalisme propre à son époque, mais il était aussi doté d'une forme de lucidité qui semble faire défaut à la nôtre : il avait compris que, sans logement de qualité, point de prospérité. Le Moniteur #6253 : Annecy puise ses calories au fond du lacPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les pompiers contre les handicapés ? Au Mans, les résidents d'un immeuble d'habitat inclusif ont dû quitter leur domicile à la suite d'une visite du Sdis, qui a requalifié le bâtiment en ERP. Cette analyse, confirmée par une décision récente du Conseil d'Etat, menace bon nombre de ces hébergements accueillant, dans des appartements ordinaires, des locataires en situation de handicap ou en perte d'autonomie. Priorité est donc donnée à la sécurité incendie. Cet imbroglio, situé à l'interface de deux réglementations, en rappelle bien d'autres qui se concluent trop souvent par des projets entravés. Dernier épisode en date : l'obligation future d'encapsuler une partie du bois dans les immeubles neufs, avec ses lourdes conséquences en termes de surcoût financier et de surpoids carbone. La crainte du feu vient ici torpiller l'un des objectifs de la RE 2020.
Il faudrait assurer l'adéquation des objectifs en amont, au sein même de la machinerie politico-administrative
On ne saurait reprocher leur avis aux pompiers, dont la mission n'est ni d'accompagner le parcours résidentiel des personnes handicapées, ni de promouvoir la décarbonation de la construction, mais bien d'éviter les drames à tout prix. On ne saurait blâmer le juge qui, entre deux logiques contradictoires, choisit le moindre des maux au regard des textes et de la doctrine en vigueur. On peut, en revanche, regretter que d'autres se défaussent sur lui pour trancher ces incohérences normatives. C'est en effet en amont qu'il faudrait assurer l'adéquation des objectifs, au sein même de la machinerie politico-administrative. De ce point de vue, la dispersion des services - parfois même entre différents ministères - ne simplifie probablement pas cette mise en cohérence.
On se console en arguant que ce constat est aussi ancien que l'Etat. On peut cependant craindre que la situation ne s'arrange pas d'elle-même. A intervalles réguliers, le bâtiment se voit en effet chargé de missions supplémentaires : loger bon marché, assurer la sécurité, limiter les émissions, gérer le confort d'été, garantir un air intérieur de qualité… L'accumulation désordonnée d'objectifs, aussi louables soient-ils, conduit inévitablement à des zones de friction. Et à des situations inflammables. Le Moniteur #6252 : + 4°C en 2010 : construire une France vivablePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Juillet 2022 : Christophe Béchu arrive au ministère de la Transition éco logique, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'adaptation au changement climatique ne figure pas au rang de ses priorités. La décarbonation, oui. L'effondrement de la biodiversité, oui. Mais évoquer une France qui grille reste alors un tabou. L'évoquer, pensait-on, risque de détourner la population de l'urgence absolue : réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Mai 2023 : le gouvernement lance, avec tambours et trompettes, une vaste consultation visant à mieux définir une stratégie d'adaptation. Avec non pas 2 °C de hausse d'ici à la fin du siècle, mais 4 °C. Deux degrés qui changent radicalement le visage du pays en 2100. Un autre tabou est brisé, celui de l'obsolescence de l'Accord de Paris. Comment expliquer ce renversement de perspective en moins d'un an ? Par cette année 2022, juste ment. Une année exceptionnelle, avec ses innombrables records de chaleur, ses feux de forêt incontrôlés et ses orages ravageurs. Jamais le bouleversement climatique n'a été ressenti de manière aussi marquante, dans les esprits comme dans les corps. Jamais... jusqu'en 2023, qui s'annonce hors normes. La machine s'emballe et l'on ne peut plus l'ignorer.
Si l'horizon de l'adaptation est dorénavant incontesté, le chemin à parcourir reste tracer.
Prise de conscience collective, prise en main politique... L'heure est main tenant aux solutions pratiques. Heureusement, les propositions fourmillent chez les start-ups et les entreprises de l'aménagement, des infrastructures et du bâtiment : des produits parfaitement aboutis aux prototypes encore à l'essai, des technologies de pointe aux propositions low-tech. Si l'horizon de l'adaptation est dorénavant incontesté, le chemin à parcourir reste à tracer. Cette route sera nécessairement longue, largement inconnue, mais pas forcément douloureuse. Si le climat nous oblige l’action, il ne nous contraint pas au supplice. Après tout, vivre dans une ville tempérée et végétalisée, habiter un logement qui ne craint ni le froid ni le chaud, se tenir éloigné des dangers et des catastrophes, cela ne participe-t-il pas d'un projet commun éminemment désirable ? A l'instar de Christophe Béchu, notre conversion aux bienfaits de l'adaptation s'apparente à un chemin de Damas. Gardons-nous désormais d'emprunter un chemin de croix. Le Moniteur #6251 : JO2024 - La course à l'innovation, discipline olympiquePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Plus vite. L'heure tourne, les chantiers aussi. Et de plus en plus rapidement. A un an des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, la pression qui pèse sur les acteurs en charge du bon déroulement du plus grand événement sportif au monde monte encore d'un cran. Chaque petit grain de sable susceptible d'enrayer la machine est appréhendé avec angoisse par les organisateurs. En témoignent les sueurs froides données la semaine dernière par la pagaille survenue dans le métro parisien. Un tel scénario virerait au cauchemar s'il survenait en pleine quinzaine olympique.
L'héritage olympique dépassera de loin les seuls ouvrages édifiés ou compétences acquises
Plus haut. En attendant l'épreuve du feu, les constructeurs mettent les bouchées doubles pour répondre aux exigences très élevées des donneurs d'ordres grâce à des solutions jamais vues. Sobriété énergétique, décarbonation, accessibilité… L'ambition d'innover tous azimuts, que porte la Solidéo depuis l'origine, se concrétise dans de nombreuses opérations en cours de réalisation. L'aboutissement d'une mobilisation technique, financière et administrative sans précédent au service de l'écologie et de l'inclusion.
Plus fort. Qu'on adore le sport ou qu'on l'abhorre, on doit pouvoir se mettre d'accord : les Jeux nous rendent plus forts. Pour les équipes engagées dans les projets de construction audacieux, l'échéance joue le rôle d'un entraînement de haut vol dont elles tireront les bénéfices pour longtemps. Il suffit d'écouter les candidats malheureux regretter, encore aujourd'hui, de ne pas participer à ce grand projet pour comprendre l'importance qu'il revêt. Pourtant, eux aussi en bénéficieront.
Ensemble. Il y a deux ans, le CIO rallongeait la devise olympique d'un quatrième mot : « ensemble ». Les JO 2024 le prouvent : le BTP aussi sait jouer collectif, très collectif même. Leur héritage dépassera de loin les seuls ouvrages édifiés ou compétences acquises : il bénéficiera à l'ensemble de la filière hexagonale, des joueurs de première ligne jusqu'à ceux restés sur la touche. Quand la flamme olympique quittera Paris, la construction tri colore conservera son auréole. Le Moniteur #6250 : "Le PLU bioclimatique de Paris est avant-gardiste"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Déçus, dépités, énervés… Les mots ne manquent pas pour caractériser l'état d'esprit des professionnels de l'immobilier et du bâtiment, pour une fois assez unanimes, après l'annonce des mesures issues du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement. Si la Première ministre a bien égrené quelques vagues dispositifs censés réorienter la politique du logement, on peine à distinguer ce qui, dans cette liste bien maigre, s'apparenterait, même de loin, à une refondation.
Derrière ce manque d'ambition, on devine aisément tout le poids que Bercy a mis dans la balance pour rogner sur les dépenses publiques. On compatit presque avec Olivier Klein, contraint à un douloureux grand écart lorsqu'il reconnaît « un risque de bombe sociale » tout en assurant le service après-vente d'un plan illisible, incapable de désamorcer la moindre bombinette. On regrette qu'Elisabeth Borne se cache derrière le sempiternel argument « il n'y a pas de baguette magique » pour escamoter grossièrement la réalité. L'illusion ne fonctionne pas.
Si gouverner, c'est choisir, l'option retenue revient à laisser la situation se dégrader
Un gouvernement, quel qu'il soit, joue pleinement son rôle lorsqu'il dessine des priorités, même clivantes, en l'occurrence en ciblant l'effort sur l'habitat collectif, les zones tendues et la rénovation. En revanche, il se défausse totalement de ses responsabilités lorsqu'il esquive une vérité, même douloureuse, en l'occurrence l'effondrement inéluctable de la production de logements. Si gouverner, c'est choisir, l'option retenue revient à laisser la situation se dégrader. Tant pis pour les professionnels, tant pis pour les élus, tant pis pour les particuliers.
La menace sera rapidement trop évidente pour oser encore détourner le regard. L'exécutif pourra-t-il alors s'obstiner dans son refus de jouer un quelconque rôle contra-cyclique ? On peut espérer que le CNR logement ne soit, au bout du compte, qu'un rendez-vous manqué dans lequel les nombreux participants ont mis beaucoup de temps et d'énergie. Restent leurs propositions, fruit d'une riche discussion poursuivie tout au long de cette démarche innovante. Des propositions qui, aujourd'hui encore, demeurent sur la table. D'autres s'en saisiront peut-être. Le Moniteur #6249 : Bienconnaître le territoire pour aménager intelligemmentPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Simples, les objectifs marquent les esprits. Simplistes, ils démobilisent. La vertu principale du zéro artificialisation nette (ZAN) réside dans son extrême lisibilité : pas un mètre carré artificialisé en plus en 2050. Inutile de couper les cheveux en quatre : zéro, c'est zéro. C'est clair, même si ça fait peur. Pourtant, une fois passé l'effet d'annonce, les choses s'embrouillent. C'est quoi, exactement, un mètre carré artificialisé ?
La doxa qui prévaut jusqu'ici se distingue par son côté rudimentaire. Peu importe l'hétérogénéité des situations, la classification ne reconnaît que la parcelle artificialisée et celle qui ne l'est pas. C'est blanc ou noir, pas de place pour la nuance. Cette nomenclature fruste s'explique par le raisonnement résolument comptable du ZAN, « un jeu de vases communicants dans lequel, si l'on artificialise quelque part, il faut désartificialiser ailleurs », évoqué par Guillaume Chaineau, avocat associé au cabinet Adaltys, dans le dernier épisode de notre podcast « Le Droit dans ses bottes ».
La classification ne reconnaît que la parcelle artificialisée et celle qui ne l'est pas. Pas de place pour la nuance.
Evidemment, au ras du sol, la réalité échappe au simplisme. Que faire de ce pavillon cerné d'un jardin luxuriant ? Comment prendre en compte un bâti favorable à la biodiversité ? A l'inverse, une surface à l'état naturel mais dépourvue de toute vie mérite-t-elle une sanctuarisation ? Toutes ces questions perturbent les règles faussement évidentes de notre jeu à somme nulle. Pire, elles mettent en lumière notre extrême cécité. On connaît très mal la répartition des écosystèmes, qui ont la curieuse habitude de ne respecter aucun découpage parcellaire. Les choses, heureusement, pourraient changer. Une mobilisation scientifique permet enfin de chausser des lunettes et de percevoir la variété des espaces. Ainsi, on appréhende mieux la richesse écologique de larges pans du territoire.
Grâce à ces connaissances nouvelles, les opérations d'aménagement seront mieux conçues et un marché de la compensation mieux armé pour se développer. Et, c'est une certitude, les textes réglementaires auront d'ici à 2050 tout le loisir de prendre en compte l'extraordinaire variété des situations. Il faudra bien accepter de perdre en simplicité pour gagner en intelligence. Le Moniteur #6247 : "Les maires ne contestent plus le ZAN"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : On doit lui reconnaître un certain flair. L'automne dernier, le député Renaissance Alexandre Holroyd se lançait dans la rédaction d'un rapport sur le financement des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa). Il ignorait alors tout de la flambée de colère qui allait embraser les amphis quelques mois plus tard, allumée par le manque de moyens décents. Ses conclusions arrivent à point nommé. Elles sont sans appel.
S'il prend en compte les récents efforts de l'Etat, le parlementaire pointe les « faiblesses aiguës et persistantes » de ces écoles qui « concernent les conditions d'exercice de la tutelle, le nombre insuffisant de personnels administratifs employés dans ces établissements, l'imparfaite remise à niveau des locaux, le nombre - stable depuis vingt ans - d'étudiants accueillis ainsi que le niveau des ressources financières de ces écoles ». Et ce n'est pas la lettre envoyée par la ministre de la Culture, ni même les fonds qu'elle a réussi à débloquer, qui permettront à eux seuls de se hisser à la hauteur des enjeux.
Jamais le métier d'architecte n'a occupé une place aussi stratégique dans la chaîne de valeur de la construction
Car, il faut le rappeler, si le quotidien d'un architecte n'est pas une sinécure, la profession n'a rien d'une voie de garage, bien au contraire. Il serait rageant que, pour des raisons purement matérielles, l'enseignement public de ce métier reste bloqué à 20 000 étudiants par an, dès lors que les débouchés existent. Jamais ce métier n'a occupé une place aussi stratégique dans la chaîne de valeur de la construction. Quand le foncier se raréfie, quand les matériaux se renchérissent, quand les usages évoluent à toute vitesse, c'est avant tout grâce à l'intelligence de la conception que les projets répondent aux impératifs de pérennité et de durabilité.
Cette responsabilité interroge ce métier si ancien. Elle réclame aux plus jeunes des savoir-faire inédits : géosourcer les matériaux, calculer le poids carbone, travailler sur l'existant, échanger avec les usagers… Tout cela aurait barbé nombre de leurs aînés, dont la vocation était motivée par l'image du créateur de génie, auteur d'esquisses inspirées. Par chance, cela passionne les générations actuelles. C'est aussi ce qu'il faut percevoir dans le malaise des Ensa : au-delà d'une impérieuse remise à niveau d'un système brinquebalant, l'enseignement de l'architecture réclame un souffle nouveau. Le Moniteur #6245 : Pascal Minault dévoile sa stratégiePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un seuil symbolique a été franchi la semaine dernière avec la mise en service de la 100 000e borne de recharge pour véhicules électriques en France. Ce n'est pas rien : en Europe, seuls les Pays-Bas sont mieux équipés. Ce cap, atteint avec à peine quelques mois de retard sur le programme, n'est qu'un jalon sur la longue route de l'électromobilité. Les 400 000 points de recharge sont en ligne de mire d'ici à la fin de la décennie.
Ce déploiement volontariste s'annonce décisif pour accélérer le verdissement du parc automobile. Les Français délaisseront sans regret leur moteur thermique lorsqu'ils auront la certitude d'accéder à une borne dans la rue, sur les parkings, sur les aires de repos, au pied des immeubles… C'est une règle jamais démentie : dans les transports, les infrastructures précèdent l'usage. Pour décarboner, il faut commencer par investir.
Avec l'annonce de son plan vélo, le gouvernement sort son carnet de chèques comme jamais
Même logique pour le vélo. Le modèle néerlandais dispose, là aussi, d'un temps d'avance. Si les cyclistes sont omniprésents à Amsterdam, ce n'est pas en raison de supposées prédispositions culturelles, encore moins d'une météo favorable, mais bien à la faveur des centaines de kilomètres de voies dédiées qui doublent les routes, longent les canaux, sillonnent les parcs et permettent au bout du compte de pédaler en toute sécurité. Plus proches de nous, les exemples strasbourgeois, grenoblois et, plus récemment, parisien, témoignent de l'appel d'air que génèrent les réseaux denses pour les modes doux.
Un autre cap a justement été franchi la semaine dernière. Avec l'annonce de son plan vélo, le gouvernement sort son carnet de chèques comme jamais. Entre l'argent frais et les fonds déjà prévus, entre les moyens de l'Etat et ceux des collectivités, on arriverait à environ 6 milliards d'euros investis d'ici à 2027. Une somme en nette hausse par rapport à celles fléchées vers la bicyclette jusqu'à présent. De quoi lancer des milliers de chantiers dans tous les territoires, pour encourager les déplacements du quotidien comme les escapades touristiques. Avec, là aussi, un « objectif 100 000 » : il s'agit ici du nombre de kilomètres de voies sécurisées d'ici à 2030. Lorsqu'ils poussent à l'action, les symboles ont du bon. Le Moniteur #6243 : Collectivités : Le transfert à petite vitesse des routes nationalesPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Malgré ses retards, il avait un coup d'avance. Le décret tertiaire, qui vise à rendre plus sobre le parc immobilier hexagonal, a été publié dès 2019. A l'époque, on ne parlait ni de guerre en Ukraine, ni de centrales nucléaires en rade. Et pourtant, ses objectifs ambitieux annonçaient déjà la couleur : baisser progressivement les consommations d'énergie finale du parc tertiaire, pour atteindre - 60 % en 2050.
Tant pis si ses débuts ont été marqués par une course de lenteur et de multiples reports, car on peut le dire aujourd'hui : le pli est pris. Presque tous les acteurs concernés ont, bon gré mal gré, franchi la première étape, celle du renseignement des consommations passées. Nous sommes actuellement en pleine phase d'audit, destiné à connaître plus finement les caractéristiques des bâtiments… et à estimer les frais à engager. Puis vient celle des « quick wins », ces petits efforts offrant des gains importants, à l'instar de la modernisation des systèmes d'éclairage ou de chauffage. Comme souvent, les premières marches sont les plus simples à gravir.
Il ne faut pas se cacher derrière son thermostat : les efforts les plus coûteux sont devant nous
Il ne faut pas donc se cacher derrière son thermostat : les efforts les plus coûteux sont devant nous. Les travaux d'isolation et l'installation de systèmes d'autoconsommation mobiliseront sur des décennies les métiers de la rénovation énergétique et ce, tant sur les chantiers que dans les bureaux d'études. Devant la diversité des bâtiments concernés, seule une ingénierie sur mesure sera à même de déployer les solutions idoines.
Bref, l'après-fossiles ne sera pas facile. Pour se donner du cœur à l'ouvrage, il convient de se rappeler la hauteur de l'enjeu : alors que l'entrée en vigueur tonitruante de la RE 2020 concerne le 1 % de bâtiments qui sort de terre chaque année, la révolution silencieuse du décret tertiaire embrasse l'immensité du parc existant. Ses effets s'annoncent donc décisifs pour retrouver un tant soit peu de souveraineté énergétique et de sérénité climatique. Le Moniteur #6241 : Sobre, low-tech et résilient : le bioclimatisme dans l'air du tempsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Comme un retour aux sources. La réflexion foisonnante sur la conception bioclimatique, même si elle se nourrit de connaissances techniques pointues, plonge ses racines dans les savoir-faire traditionnels, les architectures vernaculaires et les ressources d'à-côté. Elle interroge la confiance placée au cours de la seconde moitié du XXe siècle dans les dispositifs techniques et réinterprète la notion de confort à l'aube de la crise climatique.
Pour aboutir à ces réalisations, architectes et bureaux d'études travaillent main dans la main - et très en amont du projet - afin d'imaginer des plans et des coupes favorisant la circulation d'air, le rafraîchissement en été et le maintien de la chaleur en hiver.
Une tâche à la fois complexe et rustique, savante et rudimentaire, qui se heurte aux poids des habitudes comme au mur de la réglementation. Rompre avec le modèle de la boîte hermétique Tupperware, pour une salle de classe par exemple, c'est bien sûr faire entrer de l'air mais aussi du bruit, et donc se heurter à la réglementation acoustique.
Le bioclimatisme n'a pas, aujourd'hui, vocation à embrasser l'ensemble de la production bâtie
Le bioclimatisme n'a pas, aujourd'hui, vocation à embrasser l'ensemble de la production bâtie. Les contraintes changent du tout au tout entre une maison individuelle et une tour de logements, entre une école primaire et un immeuble tertiaire. Sans parler de l'usine, forme la plus aboutie de la machine faite bâtiment. Et pourtant, la transition écologique passe aussi par la manufacture, comme le défendent les promoteurs du futur projet de loi sur l'Industrie verte.
Là aussi, il s'agit de déconstruire des décennies de certitudes. Les limites de la globalisation font désormais consensus jusque chez Bruno Le Maire. La relocalisation apparaît comme un enjeu de souveraineté et de sobriété. Là aussi, on attend une mise en cohérence des politiques publiques : accélérer les procédures sans nuire à l'environnement, faciliter l'achat public local sans en restreindre l'accès, ériger de vastes bâtiments sans artificialiser…
Les chemins de la décarbonation sont multiples. Ils passent autant par les tours à vent que par le smart building, par la terre crue que par l'hydro gène. Seul point commun : dans les pouvoirs publics comme chez les professionnels, ces voies vertes seront toutes pavées de matière grise. Le Moniteur #6242 : "Nous considérons l'Europe comme notre marché domestique"PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Plic. Ploc. Plic. Et plus rien. Des robinets de quatre communes des Pyrénées-Orientales ne coule plus d'eau potable depuis le 14 avril. Le printemps commence à peine que le forage alimentant ces villages n'est déjà plus en mesure d'abreuver leurs habitants. Un raccordement à une source non potable fera office de rustine. Préoccupant, bien au-delà de la vallée de la Têt.
La sécheresse de l'été dernier aura, pour beaucoup, servi de coup de semonce. « Nous avons évité le pire », confirme un rapport interministériel rendu public la semaine dernière. Comme on ne joue pas plus avec l'eau qu'avec le feu, un grand plan a été annoncé par le président de la République, fin mars, sur les rives du lac alpin de Serre-Ponçon. Un plan ambitieux mais largement insuffisant au regard du déficit hydrique chronique qui menace.
De même que l'électricité, l'eau était inconsciemment considérée comme une ressource inépuisable.
Le défi, en effet, est immense. Il s'agit certes d'une question de gros sous qu'il faudra bien finir par sortir pour remettre à niveau nos réseaux. L'effort s'annonce douloureux mais, face au mur, nous y parviendrons. Un toilettage réglementaire semble aussi nécessaire, mais il est à notre portée. Ce qui s'annonce bien plus difficile, c'est le changement profond de modèle de développement, pour l'agriculture comme pour l'industrie, l'énergie ou la construction. Une révolution culturelle.
De même que l'électricité, l'élément liquide était inconsciemment considéré comme une ressource inépuisable, exception faite de quelques épisodes estivaux de distribution de packs d'eau sous l'œil des caméras. Et, comme pour l'électricité, une série d'efforts individuels et collectifs permettent, une fois la prise de conscience effectuée, de passer les étapes difficiles. En 2018, le demi-million d'habitants du Cap, en Afrique du Sud, a réussi à limiter la consommation et à éviter ainsi le « Day Zero », le jour où les robinets seront à sec. Une extrémité à laquelle, toutes proportions gardées, un coin de Catalogne est aujourd'hui réduit.
Reste une différence fondamentale entre l'eau et l'électricité : la première ne se produit pas, elle se prélève. Lorsque la source se tarit, on ne peut en construire une autre. Lorsque le fleuve est à sec, on ne peut en fabriquer un autre. Restent alors les larmes qui, seules, peuvent encore couler. Le Moniteur #6240 : A Calais, la capitainerie trouve l'équilibrePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un canalisateur, un fonctionnaire et un aménageur sont sur un même bateau… mais ils ne le savent pas. Eparpillés entre des métiers, des statuts juridiques, des modèles économiques, des cultures professionnelles et même des ministères de tutelle différents, les acteurs de l'aménagement ne se conçoivent pas, de prime abord, comme un « tout ». Evidemment, les uns ont l'habitude de travailler avec les autres, mais la vision globale, elle, était jusqu'à présent largement sporadique.
Cette chaîne de valeur est bien évidemment moins lisible que celle de l'agroalimentaire. Son périmètre apparaît moins net que celui de l'automobile. Et pourtant, c'est un fait : tous ses membres forment un pan cohérent de l'activité économique. Pour preuve, tous lisent « Le Moniteur ». Tout comme Monsieur Jourdain dit de la prose sans le savoir, l'aménagement, lui, fait filière sans s'en rendre compte.
L'appréhension du cadre de vie comme une filière apparaît salutaire
Petit à petit, cependant, la prise de conscience émerge. En témoigne l'activité de la mission gouvernementale sur la décarbonation de l'aménagement, copilotée par Anne Fraisse. Parmi les nombreux contributeurs à cette feuille de route collective, figurent bien évidemment des aménageurs, mais aussi des architectes, des entreprises de travaux publics ou encore des collectivités.
Ce n'est pas un hasard si cette structuration intervient à l'occasion d'une réflexion sur la réduction des émissions carbone, qui nécessite de maîtriser tous les termes d'une équation complexe, du foncier en amont jusqu'à l'usage en aval. Pour réduire les effets des transports, il faut réaliser des pistes cyclables mais aussi concevoir des quartiers mixtes. Pour limiter l'artificialisation des sols, il faut dépolluer les friches mais aussi revoir la fiscalité locale. A toutes les étapes, à toutes les échelles, les choix s'enchevêtrent.
C'est bien connu : ce qui n'est pas nommé n'existe pas. En cela, l'appréhension du cadre de vie comme une filière apparaît salutaire, tant pour les acteurs qui la composent que pour les pouvoirs publics qui l'encadrent. Comprendre que l'on embarque sur un même bateau, c'est se donner la chance de ramer dans le même sens. Le Moniteur #6239 : Sabotages, intrusions... Le BTP pris pour ciblePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ni LBD, ni canon à eau. La protection d'un chantier s'opère - et c'est heureux - avec les outils de la sécurité privée. Alors, c'est vrai, quand des opposants débarquent, ce n'est pas l'alarme antivol ni la ronde d'un maître-chien qui peut les arrêter. C'est pourquoi, depuis quelques années, l'accroissement du nombre d'intrusions militantes ou d'actes de sabotage impose aux entreprises comme aux maîtres d'ouvrage de repenser leurs dispositifs (lire p. 8). Mieux protéger le matériel, mieux dialoguer avec les forces de l'ordre… Tout cela paraît indispensable. Cependant, comme le montre l'actualité, la réponse sécuritaire demeure terriblement court-termiste dans ses effets. Ni faction, ni factieux, les militants qui s'en prennent aux projets de construction sont mus non par l'appât du gain ou la peur du gendarme mais par des convictions, le plus souvent environnementales.
La construction doit endosser un rôle historique dans la décarbonation.
Or, l'urgence climatique ne faiblit pas, au contraire. Le dernier rapport du Giec est sans ambiguïté : les bâtiments et les infrastructures pèsent lourd dans les émissions (lire p. 14) . On peut en conclure qu'il faut bloquer les camions, démonter les grues et vouer le BTP aux gémonies. « All Constructors Are Bastards » en quelque sorte. Ou alors on peut considérer que, compte tenu de cette responsabilité, la construction doit endosser un rôle historique dans la décarbonation. Reste à convaincre. Traiter les opposants par le mépris n'a jamais résolu le moindre conflit. Et se draper dans la régularité de la procédure ne suffit pas à assurer la légitimité d'un projet. C'est donc du côté du dialogue et de la transparence que doivent porter les efforts. Il faut écouter Chantal Jouanno pointer, au terme de ses cinq années à la tête de la Commission nationale du débat public, le recul de notre droit de la participation. Il faut la suivre quand elle plaide pour une planification territorialisée capable de donner au public une vision plus claire de la transition écologique. Sans naïveté, mais avec conviction. La démocratie sociale apparaît bloquée. La démocratie représentative se trouve malmenée. Si, pour apaiser les tensions, on essayait au moins de sauver la démocratie environnementale ? Le Moniteur #6238 : Les routes, un patrimoine à bichonnerPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : On peine encore à percevoir toutes les implications de la priorité donnée à la reconstruction de la ville sur la ville. Les équilibres économiques se trouvent bousculés par le coût du foncier, des déconstructions ou des transformations. Des compétences techniques nouvelles - de la dépollution des sols au diagnostic du bâti existant - deviennent incontournables. Des évolutions réglementaires s'efforcent d'encourager ce qui, jusqu'ici, n'était que marginal : surélévation, changement de destination… Sans parler du travail même de conception et de construction, infiniment plus complexe à réaliser qu'au milieu des champs. Le partenariat entre le public et le privé trouve dans la reconstruction de la ville sur la ville un nouveau terrain de jeu Cette mutation profonde n'épargne pas l'aménagement urbain. Sur la ville du déjà-là, les intérêts se croisent, les prérogatives s'enchevêtrent. Pour faire converger les points de vue, l'Etat et les collectivités se prennent à œuvrer main dans la main avec des promoteurs, des foncières voire des industriels. Le partenariat entre le public et le privé trouve ici un nouveau terrain de jeu qui exige un montage complexe, une confiance réciproque et une claire répartition des rôles. C'est cette tendance de fond qu'entend ausculter notre nouvelle série dédiée à « l'aménagement partagé ». Cette semaine, nous nous rendons dans la métropole lilloise, à la découverte de Quai 22, une opération mixte portée par deux promoteurs et une SEM. Les mois prochains, nous nous intéresserons à la requalification de friches commerciales, à la revitalisation de centres-villes dégradés, à la création de campus mêlant recherche et entreprises… Autant de projets issus de territoires divers et toujours sur mesure, mais qui, tous, sont venus à bout d'un cheminement tortueux à la faveur d'un esprit résolument collectif. Que le lecteur ne s'y trompe pas. Il n'y aura, dans ces exemples, ni grande leçon ni formule magique. Chaque cas est le fruit de contingences locales et de rencontres plus ou moins fortuites. Non reproductibles, ils n'en restent pas moins évocateurs de cette indispensable manière de fabriquer la ville aujourd'hui. En cela, ces opérations deviennent source d'inspirations. L'aménagement partagé aussi, ça se partage. Le Moniteur #6237 : EnR, ZAN, bas carbone... Vinci veut prendre les devantsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Vingt-trois millimètres qui changent tout. La profondeur de la fissure découverte, le mois dernier, dans la tuyauterie de la centrale de Penly est telle qu'elle impose une vague de contrôles dans tout le parc nucléaire tricolore. Cette énième alerte témoigne de la fragilité de notre approvisionnement énergétique : alors que la production est sous tension, ces quelques millimètres pourraient encore nous priver de précieux térawatts-heure. L'effet papillon, version atomique.
L'invraisemblable série de déconvenues touchant EDF pourrait prêter à sourire. Mais on aurait tort de tirer sur l'ambulance : la descente aux enfers de l'ancien fleuron national risque d'entraîner le pays tout entier. La reconstruction de notre modèle énergétique est urgente. Elle implique la mobilisation de tous, à commencer par les majors du BTP, qui ont chacune intégré ces métiers en leur sein. Vinci va même plus loin en devenant producteur d'EnR. Un virage stratégique défendu avec ardeur par son P-DG Xavier Huillard.
Au-delà de la relance du nucléaire, c'est du côté du renouvelable que les appétits s'aiguisent et que les armes s'affûtent
On peut le comprendre. Au-delà de la relance massive de la filière nucléaire, c'est en effet du côté du renouvelable que les appétits s'aiguisent et que les armes s'affûtent. Les choix d'aujourd'hui seront déterminants pour les années à venir. Opter pour le photovoltaïque ou l'éolien ? Privilégier l'off-shore ou l'on-shore ? Se positionner comme industriel, constructeur ou opérateur ? Chacun cherche aujourd'hui la martingale.
Après des années à porter à bout de bras l'amorçage de cette activité, le temps est-il venu pour l'Etat de laisser les acteurs privés en toute liberté ? Ce serait une erreur. Bien éloigné du monopole public, le marché des EnR connaît un bouillonnement tel qu'il devient prioritaire d'élaborer un cadre réglementaire adapté et ce, tant pour la production, comme l'ambitionne la toute nouvelle loi d'accélération des EnR, que pour la vente d'électricité renouvelable. Un environnement juridique susceptible de sécuriser les projets. Un mur d'investissement nous fait face. Et lui ne présente pas de fissure. Le Moniteur #6236 : Investissements dans les mobilités. Qui gagne, qui perd ?PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : C'est peu dire qu'il était attendu, ce rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Initialement annoncé pour décembre, reporté à janvier et finalement remis fin février, le texte a eu le temps de voir chaque mot soupesé, chaque chiffre revérifié. Au bout du compte, ce document propose trois scénarios d'investissements, du plus économe au plus coûteux, qui esquissent les perspectives françaises en matière de mobilités. L'attente ayant été suffisamment longue, Elisabeth Borne n'a pas fait durer le suspense davantage. A peine avait-elle pris le rapport en main que la Première ministre annonçait opter pour le scénario médian. Ce choix n'est certes pas une surprise totale mais c'est un soulagement pour les professionnels car, si cette option est effectivement suivie, l'enveloppe de l'Etat destinée aux infrastructures fera un bond de 50 %.
Etablir des priorités pour les infrastructures, c'est écarter certains projets et faire évidemment des déçus
Un tel outil de prospective nécessite du temps, on l'a compris, du travail, on s'en doute, mais aussi d'inévitables compromis. Etablir des priorités, c'est écarter certains projets. L'époque du « quoi qu'il en coûte » est bel et bien révolue. Pire : cette période a lourdement dégradé les finances publiques, ce qui rend encore plus difficile l'accès aux deniers de l'Etat, a fortiori pour financer des investissements qui, nonobstant leur nécessité, verront leurs effets produits dans des années, voire des décennies. Il y a bien évidemment des déçus, c'est le propre de l'exercice. Les professionnels de la route grincent des dents. Le Sud-Ouest voit s'éloigner sa LGV Bordeaux-Toulouse. Quant aux promoteurs du Lyon-Turin, ils s'étranglent d'un énième décalage du projet. Ces points noirs, qui méritent qu'on y revienne, ne doivent pas occulter une réalité plus réjouissante : la volonté politique semble bien réelle, et ce, au plus haut sommet de l'Etat. On peut remercier ici la loi d'orientation des mobilités de 2019 qui a, entre autres, installé dans la durée ce COI. Une loi portée à l'époque par une ministre des Transports tenace nommée Elisabeth Borne. Cette dernière dispose aujourd'hui de tous les leviers pour réaliser l'acte 2 de cette noble ambition. Le Moniteur #6234 : Les as de la nouvelle règlementationPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Un « z » qui veut dire zéro. Mais un zéro relatif ou absolu ? C'est tout le débat sur le ZAN qui agite les parlementaires ces jours-ci, loin du tumulte des retraites. Initiée par des sénateurs, une proposition de loi en cours de discussion vise à desserrer l'étau sur les collectivités. Comme par enchantement, les députés de la majorité viennent de défourailler leur propre texte, bien plus proche de la conception du gouvernement. Le combat politique s'engage, à la pointe de l'épée.
Sur le terrain, la dynamique de non-artificialisation est pourtant bel et bien enclenchée. Au cœur de Lyon, à Saint-Ouen aux portes de Paris ou à Cusset dans l'Allier, ce sont bien des friches qui accueilleront les futurs quartiers. Ou encore à Dreux, territoire précurseur et enthousiaste de la sobriété foncière. D'où vient alors la crispation parlementaire ? Ses racines plongent dans les territoires ruraux, base arrière des sénateurs, où l'on peine à imaginer un développement sans consommation de terres agricoles. Les tours ne poussent pas dans les bourgs : on s'y installe justement pour fuir la densité. D'où la montée d'une angoisse, celle que le ZAN implique aussi un zéro croissance nette.
La politisation comporte le risque d'attiser une opposition caricaturale entre ville et campagne.
Tout semble en place pour un dialogue de sourds. D'un côté, la lutte contre l'artificialisation se trouverait réduite à une marotte de citadins désireux de plonger la ruralité dans un immobilisme de carte postale. De l'autre, les craintes des élus ruraux ne seraient, aux yeux des défenseurs d'une application stricte de la règle, qu'une expression de leur conservatisme atavique. De la ZFE au ZAN, de la bagnole au pavillon, la politisation comporte le risque d'attiser une opposition caricaturale entre ville et campagne. Evidemment, tout cela est infiniment plus complexe. L'ambition est légitime, les craintes sont réelles. Les modalités d'application nécessitent donc un débat approfondi et sincère qui, jusqu'à présent, a fait cruellement défaut. Reste à savoir si, dans le climat actuel, ce nouveau champ de bataille parlementaire accouchera de solutions concrètes et partagées. Echapper, si possible, à la « bordélisation » Le moniteur #6231 : RER métropolitains ces projets qui se disputent les milliardsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Le Moniteur » n'est pas « Mediapart ». Alors, c'est vrai, nous n'avons pas l'habitude de nous voir claquer la porte au nez. Mais, quand cela arrive, nous n'apprécions pas plus le geste que nos confrères rompus à l'investigation. Suite à notre récente enquête sur « les escrocs de la réno » (voir n°6229 du 20 janvier), beaucoup ont applaudi - on leur dit merci. Certains ont râlé - c'est leur droit. D'autres n'ont rien dit. Or, c'était leur devoir.
Prenez l'Anah. Sollicité depuis des semaines sur le sujet, l'organisme qui distribue MaPrimeRénov' a toujours repoussé nos sollicitations d'interview. La semaine dernière, la cérémonie de vœux, moment d'échanges traditionnel avec la presse, s'est même transformée au dernier moment en événement à distance. Crainte du Covid ? Economie de petits fours ? Difficile à croire : cette visio présentait surtout l'avantage de ne laisser aucune place aux questions. Peu subtile mais efficace, cette pratique permet d'esquiver à peu de frais les sujets brûlants.
Institution publique, l'Anah se trouve soumise à un devoir de transparence vis-à-vis des citoyens comme des professionnels
Et alors ? Chacun est libre de répondre ou non aux questions posées, la liberté d'expression a pour corollaire celle de se taire. Sauf que l'Anah est une institution publique, dépensant de l'argent public dans le cadre d'une mission de service public. Et qu'à ce titre, elle se trouve soumise à un devoir de transparence élémentaire vis-à-vis des citoyens comme des professionnels. Au-delà de ces questions de principe, il est une évidence : mettre la poussière sous le tapis ne s'est jamais révélé un choix judicieux. Demandez à « Mediapart ».
Pendant ce temps, notre enquête sur les abus liés aux aides à la rénovation se poursuit. Elle explore de nouvelles zones d'ombre et sollicite d'autres acteurs. Là encore, on nous oppose un silence poli. Parfois, la fin de non-recevoir est moins amène. Il arrive même qu'elle s'accompagne de menaces de poursuites judiciaires. Provenant, en l'occurrence, d'un acteur chargé de défendre la probité de la profession, cette réaction surprend. Elle est surtout à contre-courant. Alors que le bâtiment a besoin de lever le voile sur des pratiques frauduleuses, revendiquer l'opacité n'est plus une option. Le Moniteur #6232 : Un chez soi conçu pour bien vieillirPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Cela fait des décennies qu'on les voit venir. Inexorablement, ils avancent. Pourtant, l'arrivée des baby-boomers à l'âge de la retraite paraît nous prendre de court. Non contents d'être plus nombreux que leurs aînés et que leurs enfants, ils bénéficient à plein de l'allongement de l'espérance de vie. Lentement mais sûrement, ils déforment une pyramide des âges qui, d'ailleurs, n'a plus de pyramide que le nom.
En raison de l'alourdissement des dépenses engendrées par les pensions, c'est avant tout aux gouvernants que cette tendance démographique donne des cheveux blancs. Reste qu'elle pose aussi un défi aux acteurs de la fabrique du logement et de la ville. Il y a, bien sûr, un besoin impérieux de multiplier les structures pour les personnes dépendantes. Il y a aussi, à Vierzon, à Amiens et ailleurs, une demande croissante de certains des seniors pour des résidences dédiées. Reste la partie immergée de l'iceberg : le parc « classique » de logements, privés ou sociaux, qui hébergent pour longtemps encore l'essentiel des personnes âgées.
Le vieillissement de la population pose un défi aux acteurs de la fabrique du logement et de la ville
Architectes, bailleurs et collectivités en pointe sur ce sujet expérimentent au fil des projets. Ils tâtonnent et explorent différentes pistes. Faut-il imaginer un habitat qui répond aux besoins spécifiques de cette population ou bien privilégier des typologies capables de s'adapter à tous les âges ? Vaut-il mieux adapter le logement de toute une vie ou bien concevoir des habitats mieux situés et mieux dimensionnés ?
Cette recherche de solutions est intense et foisonnante, mais elle ne durera qu'un temps. L'adaptation du parc résidentiel au vieillissement est appelée à devenir un marché porteur en même temps qu'une politique publique autonome, avec son corpus réglementaire, ses règles techniques, ses circuits de financement… Or, on connaît les difficultés pour agir sur un parc existant morcelé et disparate. Petit à petit, le décollage de la rénovation énergétique ouvre la voie. Sobriété et séniorité, deux combats à mener de front. Le Moniteur #6233 : Entrées de ville : sortir du vilainPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Cette année encore, Vinci ouvre le bal. La semaine dernière, le n° 1 européen du BTP dévoilait une hausse spectaculaire (+ 25 %) de son chiffre d'affaires 2022. Certes, la majorité a été réalisée à l'étranger. Certes, l'acquisition de Cobra IS explique en partie ce formidable bond. Reste que, comme le confirmeront prochainement ses concurrents tricolores, les entreprises de BTP manquent davantage de bras que de chantiers. Cette forme éclatante ne doit pas conduire à occulter les inquiétudes qui occupent l'esprit des dirigeants du secteur. Des craintes alimentées par les alarmes des maîtres d'ouvrage. A Lyon et ailleurs, les promoteurs s'inquiètent tant des obstacles persistants à l'obtention des permis de construire que des difficultés récentes des ménages à décrocher leur financement. C'est justement parce qu'il n'est pas trop tard qu'il est urgent de réagir Côté collectivités, c'est la crise énergétique qui menace de dévorer une partie du budget initialement destiné à l'investissement. Ces nuages qui s'accumulent paraissent encore lointains. Les carnets de commandes restent pour l'heure bien garnis et les projets qui coincent aujourd'hui ne pèseront sur l'activité qu'en 2024 voire au-delà. Or, c'est justement parce qu'il n'est pas trop tard qu'il est urgent de réagir. Non pas pour le plaisir d'alimenter la machine à construire, mais pour répondre aux besoins de logements abordables, d'équipements publics de qualité et d'infrastructures écologiques.
Avec sa palette d'outils financiers et administratifs, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Mais rien ne sera possible sans la ferme volonté des collectivités de prendre le sujet à bras-le-corps. Une gageure alors que les élus locaux sont tenus d'améliorer le cadre de vie, de freiner l'artificialisation des sols et de limiter les nuisances. La métropole de Rennes tente de concilier les contraintes, en généralisant d'un côté le balcon obligatoire et la dissociation du foncier et du bâti, tout en rehaussant de l'autre ses objectifs de production annuelle de logements. Objectif : + 25 %, aussi bien que Vinci. La voie est étroite, mais elle existe : encore faut-il s'y risquer.