AMC #318 : Beaudoin/MGM - O-S/NAS - Brugel/H2O - BAST


Auteur : Olivier Namias


Périodiques
Année : 2023
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Le XXIème siècle s'annonce plus que jamais comme le siècle des villes, où vivent désormais 80% des habitants de la planète. Face à des ensembles difficilement réformables, nombreux sont les Etats qui édifient des villes nouvelles, supposément smart et écologiques. Mais aucun n'est allé aussi loin que le royaume saoudien (/ire p. 10). « Gorbatchev des sables » issu du sérail comme l'ancien dirigeant soviétique, le prince héritier, Mohammed ben Salmane (MBS) semble reprendre à son compte le défi de l'architecte de la perestroïka : ouvrir la société tout en préservant la réalité d'un pouvoir autoritaire et clanique. Pour cela, il recourt à une vieille astuce bizarre, rarement employée à cette échelle : changer la ville pour changer la vie, en plaçant son pays parmi les centres du monde de demain. Le temps presse, car la fin de la rente pétrolière se dessine à l'horizon 2030. Bientôt roi, déjà Premier ministre, urbaniste en chef de son pays, MBS dispose de l'autorité et de la coercition qui siéent aux grands projets d'aménagement à mener dans l'urgence, et d'un pays désertique où déployer sa vision : des villes de pixels dopées au luxe, aux jeux vidéo et aux techniques de pointe. Le Mukaab de Riyad, cube de 400 m de côté équipée d'un écran immersif, fera passer la monumentale Sphère de Las Vegas pour un jouet d'enfant (/ire p. 8). Ces gigaprojets parviendront-ils à séduire des milliers d'expatriés conviés dans une Arabie saoudite réinventée ? Ils ont d'ores et déjà envoûté une myriade d'architectes occidentaux, fascinés par des échelles de projet disparues d'Europe et des Etats-Unis. Comme The Line, une barre de 170 km de long sur 500 m de haut et 200 m de large - prévue pour concentrer 9 millions d'habitants sur 34 km2 -, version agrandie du dispositif où Rem Koolhaas imaginait, dans les années 1970, enfermer des habitants « prisonniers volontaires de l’architecture ». Pourquoi contribuer à une réalisation aussi inhumaine et absurde ? Certains pensent que le projet « atterrira » et gagnera en réalisme au pied du chantier. D'autres cachent à peine leur scepticisme, la perspective de l'échec servant sans doute d'excuse pour avoir franchi cette ligne. Au regard des temps longs de l'urbanisme et de l'aménagement, le pari de MBS apparaît comme une fuite en avant désespérée. Instant City, la ville instantanée, n'existera jamais que dans les dessins d'Archigram. Peter Cook, ancien membre du groupe britannique et consultant actif sur The Line, observe le projet en entomologiste, curieux de savoir si ce phasme géant arrivera à sortir des sables. Une expérience grandeur nature à l'échelle de planète, considérée ici comme un vivarium architectural.