Le Moniteur #6249 : Bienconnaître le territoire pour aménager intelligemment


Auteur : Fabien Renou


Périodiques
Année : 2023
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Simples, les objectifs marquent les esprits. Simplistes, ils démobilisent. La vertu principale du zéro artificialisation nette (ZAN) réside dans son extrême lisibilité : pas un mètre carré artificialisé en plus en 2050. Inutile de couper les cheveux en quatre : zéro, c'est zéro. C'est clair, même si ça fait peur. Pourtant, une fois passé l'effet d'annonce, les choses s'embrouillent. C'est quoi, exactement, un mètre carré artificialisé ? La doxa qui prévaut jusqu'ici se distingue par son côté rudimentaire. Peu importe l'hétérogénéité des situations, la classification ne reconnaît que la parcelle artificialisée et celle qui ne l'est pas. C'est blanc ou noir, pas de place pour la nuance. Cette nomenclature fruste s'explique par le raisonnement résolument comptable du ZAN, « un jeu de vases communicants dans lequel, si l'on artificialise quelque part, il faut désartificialiser ailleurs », évoqué par Guillaume Chaineau, avocat associé au cabinet Adaltys, dans le dernier épisode de notre podcast « Le Droit dans ses bottes ». La classification ne reconnaît que la parcelle artificialisée et celle qui ne l'est pas. Pas de place pour la nuance. Evidemment, au ras du sol, la réalité échappe au simplisme. Que faire de ce pavillon cerné d'un jardin luxuriant ? Comment prendre en compte un bâti favorable à la biodiversité ? A l'inverse, une surface à l'état naturel mais dépourvue de toute vie mérite-t-elle une sanctuarisation ? Toutes ces questions perturbent les règles faussement évidentes de notre jeu à somme nulle. Pire, elles mettent en lumière notre extrême cécité. On connaît très mal la répartition des écosystèmes, qui ont la curieuse habitude de ne respecter aucun découpage parcellaire. Les choses, heureusement, pourraient changer. Une mobilisation scientifique permet enfin de chausser des lunettes et de percevoir la variété des espaces. Ainsi, on appréhende mieux la richesse écologique de larges pans du territoire. Grâce à ces connaissances nouvelles, les opérations d'aménagement seront mieux conçues et un marché de la compensation mieux armé pour se développer. Et, c'est une certitude, les textes réglementaires auront d'ici à 2050 tout le loisir de prendre en compte l'extraordinaire variété des situations. Il faudra bien accepter de perdre en simplicité pour gagner en intelligence.