Urbanisme #441 : Dense dense dense
Périodiques
Année : 2025
Auteur : Julien Meyrignac
Editeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISM
Description : Dans l’imaginaire collectif mondial, la ville dense, compacte ou haute (ou les deux à la fois) ne représente que deux réalités principales, diamétralement opposées : la grande prospérité ou la déchéance. Jay McInerney a très bien écrit, dans son premier roman Bright Lights, Big City (1), l’attraction irrésistible des grandes villes, en l’occurrence New York, pour toutes celles et tous ceux – notamment les jeunes adultes – qui désirent prendre leur destin en main. Des villes idéalisées, fantasmées, ou plus prosaïquement envisagées comme seul lieu possible pour un changement de condition, une élévation. Des villes dont la promesse irradiante dissimule une réalité économique et sociale aliénante, qui corrompt les ambitions et les corps des plus nombreux, à coups de déceptions et d’expédients, d’alcool et de drogues. Cette représentation caractérise toujours une réalité contemporaine : au registre des grandes espérances urbaines, beaucoup d’appelés et peu élus ; reste donc le passage quasi obligé (études, emploi). Dans leur immense majorité, les travailleurs des classes populaires, moyennes et même supérieures ne parviennent pas ou plus à vivre dans les cœurs des métropoles, qu’ils quittent dès lors que leur situation familiale change ou qu’ils décident de se soustraire à des conditions de mal-logement devenues pour eux inacceptables, qu’elles s’appellent colocation, exiguïté ou exorbitance. Des trajectoires quasi immuables du fait des logiques en place de l’économie urbaine, qui conduisent, dans nos sociétés libérales, au renchérissement perpétuel de l’immobilier et du coût global de la vie dans les grandes villes. Plus c’est cher, plus elles s’élèvent ; plus elles s’élèvent, plus c’est cher. La ville haute est symptomatique de la ségrégation sociale – de New York à Dubaï en passant par Hong Kong et Singapour –, alors même que la ségrégation concerne tout autant la ville étalée – de Los Angeles au Caire, en passant par Tokyo.

Le Moniteur #6336 : Un nouveau quai jette l'ancre dans la baie des Anges
Périodiques
Année : 2025
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : L'ère Béchu est échue. Dévoilée juste avant Noël, l'architecture du gouvernement Bayrou réunit sous une même ombrelle le Logement et les Transports, la Ville et la Ruralité. Une ombrelle qui n'est plus, comme au temps du maire d'Angers, celle de la Transition écologique, mais bien celle, portée par le dijonnais François Rebsamen, de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Evoquant la glorieuse époque de la Datar et celle des transferts de compétences, l'intitulé du portefeuille peut sonner un tantinet désuet aux oreilles des plus jeunes. Et pourquoi pas un ministère de l'Equipement, tant qu'on y est ? Pourtant, à y regarder de plus près, cette recomposition d'un pôle alliant BTP et collectivités apparaît comme tout à fait actuelle. Elle pourrait apporter une réponse à la déconnexion inédite, observée ces dernières années, entre les strates nationales et locales. La filière du BTP aspire à ce que soit renoué le lien entre les territoires et la construction. La filière aspire à ce que soit renoué, au plus haut niveau, ce lien entre les territoires et la construction. Une telle mise en cohérence devrait se révéler bénéfique, même si elle conduit à faire une victime. Jusqu'à récemment, en effet, c'est bien la Transition écologique qui servait de cap aux politiques de l'habitat et des mobilités. Or, Agnès Pannier-Runacher, toujours titulaire du maroquin vert, voit son périmètre nettement amoindri. Privée de la compétence énergétique, elle ne dispose pas - à l'inverse de son prédécesseur - des leviers d'action des ministères du Logement et des Transports sur le terrain. Au risque de se retrouver en charge des ruisseaux et des petits oiseaux, comme aux temps anciens de l'Equipement. Un tel recul ne serait pas sans risques. A la faveur de la transition verte, le BTP a trouvé une dynamique nouvelle, favorable à l'innovation et à son attractivité. Les avancées notables en matière d'adaptation au changement climatique, par exemple, ont été rendues possibles par les multiples casquettes que portait un ministre de poids. Un certain Christophe Béchu. Désormais, c'est fichu ?

Le Moniteur #6337 : Réseaux d'eau potable - Prendre la fuite à bras-le-corps
Périodiques
Année : 2025
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Michel Barnier aura fait long feu à Matignon. Mais il aura eu le temps d'allumer une mèche. L'éphémère Premier ministre a en effet annoncé la fin du transfert obligatoire, au 1er janvier prochain, de la compétence eau et assainissement des communes vers les intercommunalités. Cette concession à une partie des maires risque malheureusement d'avoir des conséquences négatives sur l'investissement dans les réseaux d'eau potable, leur renouvellement et, en bout de course, la résorption des fuites. Le constat, pourtant, semble clair comme de l'eau de roche. Les trois quarts des réseaux les moins efficaces relèvent de la gestion communale, quand bien même celle-ci est devenue minoritaire. Dans ces localités rurales, souvent montagneuses, les ressources financières demeurent limitées alors que la dispersion de l'habi-tat renchérit l'entretien des canalisations. Sans soutien, elles se trouvent donc en première ligne lorsque l'eau vient à manquer. La bataille contre les fuites d'eau n'a rien d'un Himalaya budgétaire. Or, si les réseaux fuyards ne sont pas une nouveauté, le changement climatique devrait faire de ce chantier une priorité. En raison de la multiplication des périodes de stress hydrique, l'eau potable devient une ressource précieuse que l'on ne doit plus se permettre de dilapider. C'était d'ailleurs l'une des priorités du plan eau, annoncé par Emmanuel Macron en mars 2023 sur les rives du lac de Serre-Ponçon, symbole de la sécheresse de l'été précédent. Las, début 2025, il demeure impossible de connaître l'état d'avancement de cet engagement. La bataille contre les fuites n'a pourtant rien d'un Himalaya budgétaire. Quelque 750 M€ seulement suffiraient à transformer le rendement moyen actuel de 80 % en niveau minimum partout en France, estime l'OCDE. Centré sur les situations les plus dramatiques, cet effort permettrait d'économiser à peu de frais une partie du quasi-milliard de m3 perdus chaque année. Il faudra aussi aller plus loin, en mobilisant des techniques avancées d'auscultation et de détection mais aussi en améliorant la durée de vie des réseaux neufs. Condition essentielle : des maîtres d'ouvrage armés de savoir-faire pointus, d'équipes compétentes et de moyens financiers. La petite bombe allumée par Michel Barnier n'a malheureusement rien du pétard mouillé.