Matières #17 : Aciers d'avenir
Périodiques
Année : 2023
Auteur : Bernard Vaudeville
Editeur : CONSTRUIRACIER KONSTRUIRASI
Description : Cela peut paraître paradoxal, mais je crois sincèrement que l’avenir de l’acier dans la construction, c’est moins d’acier ! On sait que la production primaire de l’acier est vorace en énergie et grande émettrice de CO2. On peut espérer des progrès, mais ceux-ci viendront progressivement, à un rythme probablement insuffisant en regard de l’urgence climatique. On connaît aussi les qualités inégalées de l’acier : sa haute résistance en traction comme en compression, son isotropie mécanique, sa ductilité, la grande variété de procédés pour lui donner forme, son étanchéité, sa recyclabilité à l’infini. Il y a donc toutes les raisons de continuer à l’utiliser pour construire, mais à bon escient, avec parcimonie, en tirant le meilleur parti de ses qualités. Pour aller dans cette direction, on voit se développer, aujourd’hui, des structures mixtes, qui associent plusieurs matériaux au mieux de leurs propriétés. Ces exemples d’hybridation sont prometteurs. Ils se traduisent par d’importantes réductions dans les quantités d’acier, mais en recourant à des aciers plus performants, plus transformés, plus travaillés. C’est un déplacement de valeur ajoutée intéressant, qui ne devrait nuire ni aux ingénieurs, ni aux entreprises. La structure légère est une autre voie d’avenir pour l’acier, dans le sillage des recherches de Frei Otto et de Buckminster Fuller dans les années 60-70. Ce dernier posait cette question iconoclaste à des architectes surpris : « How much does your building weigh ? » En général, s’agissant d’un bâtiment, on s’intéresse en effet à son architecture, à son coût, ou à bien d’autres choses encore, mais rarement à son poids, et l’on s’attend d’ailleurs à ce qu’il soit très lourd. Pourtant, la question doit, aujourd’hui, être prise au sérieux : le poids signifie plus de matériaux, donc plus de ressources utilisées, plus de pollution, plus d’émissions de gaz à effet de serre. Il faut aller résolument vers la légèreté. De ce point de vue, l’acier présente un avantage incontestable, mais il faudrait, à mon sens, le pousser davantage. On sous-utilise actuellement les aciers de construction à très haute limite d’élasticité, 460 MPa ou même 690 MPa. Les mettre en œuvre en les poussant aux limites permettrait de réduire sensiblement les quantités de matériau. Cela implique d’inventer des procédés pour dissocier les exigences de raideur et de résistance. Cela peut se faire en mobilisant des « réserves de raideur » généralement négligées, comme des vitrages, des bardages ou autres éléments secondaires. Cela peut se faire aussi en exploitant les courbures données par l’architecture et en recherchant leur raideur de forme. Nous travaillons aujourd’hui sur plusieurs projets dans lesquels ces stratégies sont élaborées et expérimentées. Cela demande des études et, parfois, de sortir des normes. Nous le faisons en collaborant très étroitement avec les architectes, les entreprises, les fabricants, les fournisseurs, les contrôleurs techniques. On trouve chez tous, étonnamment et heureusement, une même volonté de faire évoluer la construction en acier. C’est pourquoi ce travail en commun, indispensable, est aussi très motivant.

Matières #18 : Les aciers autoprotégés
Périodiques
Année : 2023
Auteur : Nayla Mecattaf
Editeur : CONSTRUIRACIER KONSTRUIRASI
Description : Pratiquer l’architecture et la conception urbaine n’a jamais été aussi engageant. Les enjeux climatiques, la nouvelle donne énergétique, les mutations des modes de vie, la prise en compte des enjeux du vivant, bouleversent la manière de penser la conception et la construction, invitant plus que jamais à croiser la grande et la petite échelle. La récente pandémie a également révélé plus fortement l’importance du lien humain dans une société qui ne peut s’épanouir dans le repli sur soi. L’interdépendance entre les individus peut être transformée en force si on la considère sous l’angle de l’échange, du partage, de la complémentarité. Dans cet esprit, nous avons créé un nouveau laboratoire, qui nous permet d’explorer de nouveaux territoires autour de la ville durable, de la verticalité, de l’empreinte carbone globale des projets… L’expérience au service de la nouveauté pour réinterroger notre pratique, et donc notre écriture architecturale. Nous pensons que la ville de demain est une ville de compacité, de proximité et de mixité, dans laquelle les habitants peuvent répondre à leurs besoins à pied ou à vélo. C’est surtout une ville désirable, qui contribue au bien-être de ses habitants. L’architecture verticale est une réponse possible à la densification de la ville. Même si elle n’a pas toujours bonne presse en France, elle peut être soutenable et désirable grâce à une conception de bon sens et, surtout, à une approche holistique qui replace l’utilisateur au cœur du projet, en dialogue avec l’espace public. Une tour n’est plus forcément anonyme et uniforme. Elle confronte le corps et l’esprit humain avec l’extérieur, le paysage, les vues, et offre une manière inédite d’habiter les airs. Ces idées ont permis à la tour Trinity que nous avons livrée en 2021 d’être récompensée par le Best Tall Office Building Overall Award délivré par le CTBUH à Chicago. Entièrement pensée pour reconnecter l’usager avec son environnement, elle propose des espaces de rencontre à chaque étage, à l’intérieur comme à l’extérieur, des services partagés dans les niveaux élevés, des ascenseurs panoramiques qui exposent le mouvement des utilisateurs vers l’extérieur, des ouvrants en façade pour chaque bureau et des liaisons urbaines végétalisées en contact avec le sol. Grâce à la R&D que nous menons en interne, nous continuons à nous questionner sur la pertinence de nos orientations pour vérifier que nos projets sont en accord avec nos valeurs. La recherche fait de plus en plus partie intégrante du travail de l’architecte, qui contribue ainsi à l’effort de réflexion collective. Restructurer ou (re)construire ? Construire en hauteur ou pas ? Chaque cas est unique et mérite une approche globale pour prendre le bon chemin. Il faut se débarrasser du superflu pour retrouver la sobriété et, surtout, remettre l’humain au cœur de chaque projet. En 2010, nous avons déposé l’acronyme HQ«h»E, Haute Qualité Humaine et Environnemental.

Matières #19 : Les Nouvelles Galeries à Annecy ; Les passerelles en acier & Thomas Lavigne
Périodiques
Année : 2023
Auteur : Thomas Lavigne
Editeur : CONSTRUIRACIER KONSTRUIRASI
Description : La passion des ouvrages d’art est notre moteur ! Elle anime toute la profession : les architectes, les ingénieurs, les urbanistes, les constructeurs et les maîtres d’ouvrages. Sans passion, il n’y a pas d’avancée, pas de rêve. Cette passion est même plus large et touche une grande partie de la population comme l’a si bien écrit le philosophe et académicien Michel Serres : « Je n’ai jamais rêvé que de ponts, écrit que d’eux, pensé sur ou sous eux ; je n’ai jamais aimé qu’eux. » Concevoir des ponts, des passerelles restent un acte fort, puissant, symbolique : un geste de paix si important en cette période de trouble en Europe et l’actualité nous le montre tous les jours. Concevoir un ouvrage d’art, c’est avant tout une histoire de femmes et d’hommes, un travail d’équipe, qui ensemble élaborent des idées, analysent des données multiples, partagent leurs sensibilités et leurs savoir-faire. Cette communion des coconcepteurs est la seule qui aboutisse à de grandes réalisations, des projets innovants qui améliorent la vie. Quelle fierté alors de gagner en équipe un concours et de voir se réaliser, quelques mois ou quelques années plus tard, le fruit d’un tel travail. Je pense au pont Chaban-Delmas à Bordeaux, conçu avec mon père Charles Lavigne et mon épouse Cecilia Amor, à la passerelle de Chartres, au viaduc en arc de la Mayenne (conçu avec SCE) et au pont des JO de Paris 2024 (conçu avec Artelia) sur la Seine au cœur du Village olympique. Les commandes des ouvrages d’art évoluent avec le temps et les époques : ponts routiers et autoroutiers dans les années 1980, ponts ferroviaires dans les années 1990/2000, ponts urbains et ponts mobiles dans les années 2000/2010 et les passerelles dédiées aux modes doux qui se développent largement aujourd’hui comme la passerelle Empalot à Toulouse sur la Garonne, conçue avec l’ingénieur Patrick Dalpalu (BG). Quelle que soit l’échelle du projet, les enjeux sont toujours les mêmes, comme aime à le rappeler Michel Virlogeux : les trois préceptes de Vitruve – « Firmitas, Utilitas et Venustas » – n’ont pas pris une ride. Nos ponts doivent marier « l’élégance, la résistance, la durabilité », s’inscrire dans le sens des efforts et être dans le même temps des belvédères sur le grand paysage, des places à vivre comme le souligne l’architecte urbaniste Cecilia Amor. Nous marions les matériaux en cherchant à utiliser les qualités de chacun, acier, bois, béton. Dans cette recherche de la performance, de la légèreté et du recyclage, l’acier a pris une part privilégiée et permet de réaliser nos rêves. Nous avons, enfin, en France un patrimoine exceptionnel en termes d’ouvrages d’art qui résulte de l’histoire du génie français dans le domaine. Nous sommes les fils de grands concepteurs comme Jean-Rodolphe Perronet, Paul Séjourné, Gustave Eiffel bien sûr, dont on fête cette année les 100 ans de sa disparition, ou Eugène Freyssinet et plus récemment Michel Virlogeux, Jean-Marc Tanis, Michel Moussard, Jean-Bernard Datry et l’architecte Charles Lavigne qui m’a transmis cette passion. J’en oublie tant d’autres… Ils nous ont montré la voie. Nous sommes des fils de bâtisseurs ! Nous héritons de ce savoir-faire et nous devons continuer à écrire cette histoire des ponts et des passerelles. Les programmes et les besoins des ouvrages de demain évoluent, les mobilités changent, les projets se transforment et la passion perdure. Tous sur le pont !