Le Moniteur #6291 : L'IA fait irruption dans la conception
Périodiques
Année : 2024
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Un mort et deux blessés graves. L'accident survenu la semaine passée sur le chantier du métro toulousain est dramatique à plus d'un titre. Pour les victimes, leurs familles et leurs proches, d'abord. Professionnelle ? Accidentelle ? Leur douleur n'a que faire des causes du décès. Pour les équipes de Bouygues TP, ensuite, affectées par une tragédie qui percute leur quotidien avec une violence inouïe. Pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la sécurité, enfin. Car, si même chez Bouygues, on peut mourir sur un chantier, à quoi bon déployer des efforts de prévention ? La résignation doit rester la toute dernière des réactions. Le désengagement, la dernière des réponses. Tout relâchement serait coupable alors que la mort continue de rôder sur les chantiers. Tout relâchement serait coupable alors que la mort continue de rôder sur les chantiers Pire, les décès dans le BTP ont connu une recrudescence en 2022, souvent bien loin des grands projets en vue. Certes, les périodes de forte activité coïncident généralement avec des pics d'accidents, mais ce constat empirique ne peut en aucun cas se muer en fatalité. Au contraire, la sécurité ne devrait souffrir d'aucune régression. Formation, équipements, contrôles… Les leviers sont multiples et, pour la plupart, connus de longue date. Les entreprises de travaux, dans leur rôle d'employeurs, disposent des moyens d'action les plus directs. On ne renouera cependant avec le progrès que collectivement, avec en première ligne les maîtres d'ouvrage et d'œuvre. Les premiers ont vocation à relever le niveau d'exigence dès la commande afin de tirer le secteur vers le haut. Les seconds doivent intégrer cette préoccupation, tant au stade de la conception que de l'exécution. Le chantier est accidentogène par nature. À ce titre, il convient de poursuivre inlassablement l'amélioration du cadre de travail des compagnons, leur sensibilisation et celle de leurs encadrants. Mais l'acte de construire est aussi accidentogène par sa segmentation. La stricte répartition des rôles conduit parfois à la dispersion des responsabilités, la rigidité normative entraîne trop souvent une application bornée de la réglementation. Il est urgent que nous interrogions nombre d'habitudes et de certitudes : des vies en dépendent.

AMC #320 : BARANI - CHRIST & GANTENBEIN - V2S / NAS - PERRAUDIN
Périodiques
Année : 2024
Auteur : Olivier Namias
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Ensevelie sous des topiaires jaillissant d'une prairie pentue, une fenêtre coulissante peine à trouver sa place dans un environnement où la nature a, selon l'expression consacrée, « repris ses droits ». L'arrière-plan l'atteste : nous sommes bien dans une grande ville, et sur le toit d'un immeuble. Un sommet de greenwashing ou un aperçu de l'architecture de demain ? Si l'image en couverture de ce numéro donne un aperçu du futur de l'architecture, c'est moins par ce qu'elle montre que par la manière dont elle a été conçue. Produite par l'architecte Jean Jacques Balzac au terme de descriptions textuelles (prompts) et de sélections, elle a été modelée par une intelligence artificielle. Un outil apparu presque par surprise, tandis que les multivers et autres blockchains accaparaient notre attention. Flamboyante et soudaine, l'IA se montre beaucoup plus ludique que les piteux métavers et beaucoup moins laborieuse que les chaînes de blocs. Elle fait de l'ordinateur une machine pensante incitant chaque métier à se remettre en question. L'abolition de la frontière entre le vrai et le faux, préoccupante dans le domaine de l'information, ne concerne l'architecture que de façon marginale. Qui tromper en prétendant que Le Nôtre serait revenu planter la toiture d'un trophy asset du Triangle d'or parisien ? Qui, au XVIIIe siècle, croyait qu'existaient quelque part les prisons gravées par Piranèse ? Le foisonnement d'édifices étranges ou loufoques accompagnant le lancement de cette technologie indique que l'IA parle en premier lieu à l'imaginaire des architectes, agissant à la manière d'une lampe d'Aladin commandée par la souris. Au-delà du visuel, elle peut automatiser une série de tâches fastidieuses. Ira-t-elle jusqu'à remplacer l'architecte ? Deux batailles s'annoncent. La première est de bâtir des outils propres, pour préserver la conception architecturale d'intrusions venant de l'ingénierie et de l'industrie. Le second enjeu tient au machine learning. Les réponses générées par l'IA dépendant de ses connaissances, il s'agit de faire ce qui échappe encore à la majorité des humains : lui apprendre l'architecture ! Laquelle et pourquoi ? C'est là toute la question. « Le médium est le message » affirmait Marshall McLuhan. Et en tant que médium, l'IA impose autant un environnement et ses logiques - de travail, de réflexion -qu'elle trace des plans et des images. Le mage serviable ajoutera-t-il son nom à la liste des tyrans conceptuels, déjà nombreux ?