La Gazette des communes #2686 : Et si la grogne citoyenne nourrissait l'action publique..


Auteur : Hervé Jouanneau


Périodiques
Année : 2023
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : L'annonce a fait l'effet d'une bombe parmi les élus de banlieue. Trois mois après les violences urbaines qui ont ébranlé le pays et remis sous les projecteurs ceux que l'on a coutume d'appeler les territoires oubliés de la République, la décision prise par l'Elysée d'annuler le comité interministériel des villes (CIV) du 9 octobre a sonné le glas d'une confiance déjà bien érodée entre l'exécutif et les acteurs de terrain. Le rendez-vous, promis cet été pour répondre aux grands enjeux de la politique de la ville, avait pourtant fait l'objet d'une série de rencontres et de concertations encourageantes. Mais le chef de l'Etat en a voulu autrement, imposant à la dernière minute un nouveau report, le quatrième en un an, au profit d'un temps d'échange sans envergure - pompeusement baptisé « Conseil national de la refondation » -dédié aux émeutes. COLÈRE. Sidérés, les maires de banlieue qui, depuis la violente poussée de fièvre de juillet, nourrissent l'espoir que le gouvernement prenne pleinement conscience du malaise des quartiers, ne décolèrent pas. Et fustigent, à l'instar du maire de Grigny, Philippe Rio, « le mépris et l'indifférence du pouvoir pour les quartiers populaires ! » Comment expliquer ce nouveau rendez-vous manqué ? Les observateurs les mieux informés expliquent que le Président aurait demandé à son gouvernement de revoir la copie, pas suffisamment ambitieuse. D'autres ne veulent y voir qu'une péripétie calendaire, le CIV étant « repoussé de quelques semaines », sans doute fin octobre, affirme-t-on à Matignon. On le saura très vite. Si le chef de l'Etat tergiverse autant pour proposer une solution aux émeutes, c'est peut-être parce qu'il n'en a pas. TROISIÈME VOIE. Au-delà, tout porte à croire qu'Emmanuel Macron s'est égaré sur une ligne de crête, à la recherche d'une troisième voie entre, d'une part, une posture « de gauche » synonyme de traitement social de la pauvreté, et, d'autre part, un choix « de droite » tablant sur un durcissement sécuritaire. A moins que la vérité ne se situe ailleurs. Car si le chef de l'Etat tergiverse autant pour proposer une solution aux émeutes, c'est peut-être aussi parce qu'il n'en a pas. Ce qui est encore moins rassurant pour les habitants des quartiers qui, chaque jour, s'enfoncent un peu plus dans la pauvreté.