Auteur : Fabien Renou
PériodiquesAnnée : 2023Editeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les pompiers contre les handicapés ? Au Mans, les résidents d'un immeuble d'habitat inclusif ont dû quitter leur domicile à la suite d'une visite du Sdis, qui a requalifié le bâtiment en ERP. Cette analyse, confirmée par une décision récente du Conseil d'Etat, menace bon nombre de ces hébergements accueillant, dans des appartements ordinaires, des locataires en situation de handicap ou en perte d'autonomie. Priorité est donc donnée à la sécurité incendie. Cet imbroglio, situé à l'interface de deux réglementations, en rappelle bien d'autres qui se concluent trop souvent par des projets entravés. Dernier épisode en date : l'obligation future d'encapsuler une partie du bois dans les immeubles neufs, avec ses lourdes conséquences en termes de surcoût financier et de surpoids carbone. La crainte du feu vient ici torpiller l'un des objectifs de la RE 2020.
Il faudrait assurer l'adéquation des objectifs en amont, au sein même de la machinerie politico-administrative
On ne saurait reprocher leur avis aux pompiers, dont la mission n'est ni d'accompagner le parcours résidentiel des personnes handicapées, ni de promouvoir la décarbonation de la construction, mais bien d'éviter les drames à tout prix. On ne saurait blâmer le juge qui, entre deux logiques contradictoires, choisit le moindre des maux au regard des textes et de la doctrine en vigueur. On peut, en revanche, regretter que d'autres se défaussent sur lui pour trancher ces incohérences normatives. C'est en effet en amont qu'il faudrait assurer l'adéquation des objectifs, au sein même de la machinerie politico-administrative. De ce point de vue, la dispersion des services - parfois même entre différents ministères - ne simplifie probablement pas cette mise en cohérence.
On se console en arguant que ce constat est aussi ancien que l'Etat. On peut cependant craindre que la situation ne s'arrange pas d'elle-même. A intervalles réguliers, le bâtiment se voit en effet chargé de missions supplémentaires : loger bon marché, assurer la sécurité, limiter les émissions, gérer le confort d'été, garantir un air intérieur de qualité… L'accumulation désordonnée d'objectifs, aussi louables soient-ils, conduit inévitablement à des zones de friction. Et à des situations inflammables.