Auteur : Olivier Namias
PériodiquesAnnée : 2024Editeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Ensevelie sous des topiaires jaillissant d'une prairie pentue, une fenêtre coulissante peine à trouver sa place dans un environnement où la nature a, selon l'expression consacrée, « repris ses droits ».
L'arrière-plan l'atteste : nous sommes bien dans une grande ville, et sur le toit d'un immeuble. Un sommet de greenwashing ou un aperçu de l'architecture de demain ? Si l'image en couverture de ce numéro donne un aperçu du futur de l'architecture, c'est moins par ce qu'elle montre que par la manière dont elle a été conçue. Produite par l'architecte Jean Jacques Balzac au terme de descriptions textuelles (prompts) et de sélections, elle a été modelée par une intelligence artificielle. Un outil apparu presque par surprise, tandis que les multivers et autres blockchains accaparaient notre attention.
Flamboyante et soudaine, l'IA se montre beaucoup plus ludique que les piteux métavers et beaucoup moins laborieuse que les chaînes de blocs. Elle fait de l'ordinateur une machine pensante incitant chaque métier à se remettre en question. L'abolition de la frontière entre le vrai et le faux, préoccupante dans le domaine de l'information, ne concerne l'architecture que de façon marginale.
Qui tromper en prétendant que Le Nôtre serait revenu planter la toiture d'un trophy asset du Triangle d'or parisien ?
Qui, au XVIIIe siècle, croyait qu'existaient quelque part les prisons gravées par Piranèse ? Le foisonnement d'édifices étranges ou loufoques accompagnant le lancement de cette technologie indique que l'IA parle en premier lieu à l'imaginaire des architectes, agissant à la manière d'une lampe d'Aladin commandée par la souris.
Au-delà du visuel, elle peut automatiser une série de tâches fastidieuses. Ira-t-elle jusqu'à remplacer l'architecte ? Deux batailles s'annoncent. La première est de bâtir des outils propres, pour préserver la conception architecturale d'intrusions venant de l'ingénierie et de l'industrie. Le second enjeu tient au machine learning. Les réponses générées par l'IA dépendant de ses connaissances, il s'agit de faire ce qui échappe encore à la majorité des humains : lui apprendre l'architecture ! Laquelle et pourquoi ? C'est là toute la question. « Le médium est le message » affirmait Marshall McLuhan. Et en tant que médium, l'IA impose autant un environnement et ses logiques - de travail, de réflexion -qu'elle trace des plans et des images. Le mage serviable ajoutera-t-il son nom à la liste des tyrans conceptuels, déjà nombreux ?