Séquences Bois #142 : Construire avec le risque / Guide revêtements de façadePériodiquesAnnée : 2023Auteur : Anne-Sophie GouyenEditeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURALDescription : Penser des futurs incertains
C’est d’abord comprendre ce qui est déjà en train d’advenir. Or, cela est à ce point immense, et nos sens « si minuscules face à l’ampleur du désastre », qu’il est presque imperceptible de sentir véritablement le tort fait au vivant, à l’échelle de la biosphère. Pourtant, affectés par les activités humaines, les risques climatiques deviennent plus saillants chaque année, compromettant les conditions d’habitabilité sur Terre.
Le mois de juillet 2023 fut le plus chaud jamais enregistré sur la planète. Au 30 juillet, plus de 12 millions d’hectares de forêt avaient déjà brûlé au Canada et au 1er août, 72 % des niveaux des nappes étaient inférieurs aux normes de saison. On assiste aussi à une accélération de la montée du niveau des mers, dont le rythme a presque doublé depuis deux décennies, alors que l’érosion du littoral affecte déjà près de 20 % des côtes françaises. À cause de tous ces phénomènes, mais aussi en raison de persécutions, de conflits, de violences ou de violations des droits de l’homme, on décompte 108,4 millions de personnes déplacées de force ou réfugiées dans le monde, sans compter les risques industriels, parasitaires ou encore de pandémie. Tout cela reste incompréhensible et dépasse notre entendement.
Dans un tel contexte, que peut alors l’architecture ? Yasmeen Lari nous rappelle qu’« à mesure que les inégalités et la pauvreté augmentent, une partie grandissante de l’humanité a besoin de design d’excellence pour survivre. » Ou pour le dire avec Mathias Rollot, il semble que « les architectes pourraient faire partie des militant·es les plus compétent·es et les plus agiles, les mieux armé·es et les plus efficaces, pour aider à s’échapper de l’insoutenabilité actuelle ; pour reconstruire un monde habitable sur les ruines de l’ancien ; pour inventer des cultures saines, partagées, multiculturelles et même multi spécifiques. » Tout d’abord, en apportant assistance aux populations, en leur permettant de retrouver des conditions de (sur)vie décentes, dans les meilleurs délais. Puis, en outillant et en accompagnant les individualités humaines dans leur installation sur Terre. Enfin, en portant un regard singulier sur le monde, et en étant capable de le représenter, pour faire voir les changements subit par notre planète : en bâtissant des lieux pour habiter ces luttes. Sans prétention d’exhaustivité, ce numéro tente alors de donner à voir comment l’architecture bois, à travers le monde, agît déjà, face à l’ensemble de ces risques, qu’ils soient naturels ou anthropiques. « Et c’est là, je crois, son plus grand apport pour l’époque, face à une situation actuelle qui peine à se saisir d’elle-même. » Architectures CREE #406 : Automne 2023PériodiquesAnnée : 2023Auteur : Karine QuédreuxEditeur : MEDIARECLAME PUBLISHING MEDIAREKLAM PUBLICHINGDescription : La division de la discipline architecturale n’est pas l’apanage de notre époque contemporaine, qui oppose les échelles - celle de la ville, des espaces habités, des matériaux, ou encore des courants de pensée. « C’est dans les villes européennes que se sont affirmées, du XIIe au XVIe siècle, la plupart des libertés - économiques, politiques, sociales, culturelles, familiales, morales - qui caractérisent aujourd’hui les sociétés occidentales », rappelle Jean Haëntjens, économiste et urbaniste, directeur d’Urbatopie. Dans son dossier consacré à l’aménagement urbain, Architectures CREE interroge la complémentarité, ce lien tenu entre l’architecte et l’urbaniste face aux élus dont il s’agit coûte de coûte de gagner la confiance afin de fabriquer la ville vertueuse de demain. L’urbaniste s’installe-t-il chez l’architecte, à moins que ce ne soit le contraire ? Ainsi pourrait-on s’étonner de la déclaration de Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, à la Fondation Jean Jaurès le 17 mai dernier, dans le cadre du débat sur la place de l’architecture dans les politiques publiques : « L’architecture doit être pensée fondamentalement en interministériel tout en étant éminemment culturelle. Son positionnement situe la valeur que nous accordons à notre art de vivre ensemble. Aujourd’hui, elle est peu visible. (…) En fait, ce qui fait la ville, ce qui spatialise le projet démocratique, c’est l’architecture ». Aurait-on ici perdu la trace de l’urbanisme au profit d’une architecture toute puissante ? Certes non, car de poursuivre : « Quand des villes perdent toute qualité architecturale ou urbaine, des problématiques sociales, environnementales, de mobilités, d’habitat émergent alors. » Soyons donc toujours attentifs à ne pas alimenter cette lutte larvée entre les deux disciplines. Pascale Poupinot, présidente du Conseil français des urbanistes, instruit ce même discours revenant sur le rôle des agences d’urbanisme - l’un des acteurs paradoxalement les moins célébrés - dans la fabrique de la ville, rappelant l’importance d’une parole à plusieurs voix. La position de ces instances se rallie donc, et il n’est qu’à suivre le débat public sur la transition écologique pour finir de s’en persuader ! Il est de fait grand temps de redonner explicitement sa place à chacune d’elle pour gagner en qualité architecturale et urbaine afin de faire émerger un débat positif à tous les égards. À la question de savoir comment nous vivrons demain face au défi climatique, la réponse mérite de toute évidence une mutualisation des compétences. Séquences bois #138 : Construire en feuillusPériodiquesAnnée : 2022Auteur : Anne-Sophie GouyenEditeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURALDescription : L'essence de la forêt. La forêt française est composée a plus des deux tiers d’essences feuillus. Faire état de la structuration de la filière, de la ressource forestière au bois d’œuvre, dans toute sa complexité, permet d’entrevoir les contours, les obstacles mais aussi les enjeux du développement des essences feuillues sur notre territoire. «Le paradoxe entre une ressource présente en quantité et le déficit commercial de sa filière révèle tout le retard et toutes les lacunes d’une industrie et son risque d’essoufflement ». Nous ne construisons pas avec les bois les plus durs, voir même avec les moins résistants, simplement parce qu’ils se transforment d’une manière plus efficace et sèche plus rapidement, alors que l’utilisation des bois durs, les feuillus, en structure de nos constructions pourrait être l’une des réponses à ces enjeux. Pourtant, tous les acteurs sont mobilisés, pépiniéristes, propriétaires, exploitants forestiers, bûcherons, débardeurs, scieurs, transformateurs, mérandiers, tonneliers, papetiers, menuisiers, charpentiers, architectes… Mais leur diversité fait état de la difficulté d’appréhender la filière dans son ensemble avec une approche holistique. Les propriétaires forestiers d’aujourd’hui, privés pour les trois quart de la forêt, récoltent ce qu’ont plantés leurs grands-parents et replantent des arbres qui seront à leur tour coupés par leurs petits-enfants. L’échelle de temps de la foret n’est pas celle de l’humain. Ce temps long s’oppose aux cycles toujours plus rapides dans lequel nous évoluons. Or nous affrontons une autre accélération, celle des changements climatiques : le temps d’adaptation de la foret n’est pas compatible avec son renouvellement nécessaire. Mais, alors que les freins normatifs et l’économie du marché semblent poser toujours plus d’entraves, par où on commencer pour s’adapter? Par la recherche en laboratoire pour combler le déficit normatif ou par les prescriptions qui dynamisent ces expérimentations? Encourager l’aval pour dynamiser l’amont ou structurer l’offre pour permettre un développement de la demande ? De nombreux projets exemplaires voient le jour, en parallèle de la recherche sur le sujet, mais ces projets émanent d’une volonté politique tenace, et restent minoritaires. « Les choses changent. Mais si vite… est-ce que les habitudes des hommes pourront suivre ? ». L’architecture bois devrait-elle aussi se défaire de ses habitudes et cesser de n’être appréhender que par le biais des calculs de superficies ou de stockage carbone, pour se mesurer davantage à l’intelligence du choix de sa matière disponible et à l’inventivité de ses structures : plus légères, réversibles, locales et ajustées ? Il reste certain que pour construire en feuillus, dans ce contexte d’accélération auquel les écosystèmes forestiers et nous-même faisons face, il faudra subtilement allier l’héritage et l’innovation. Oser réinterpréter les traditions constructives à l’aune des avancées techniques et scientifiques. Continuer de tailler et sculpter ce manteau vivant qu’est la forêt, au plus juste de nos besoins, pour faire entrer la lumière au cœur des bois. Séquences bois #139 : Paysages - Guide vivre dehorsPériodiquesAnnée : 2023Auteur : Anne-Sophie GouyenEditeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURALDescription : Pays, Paysage. La frontière entre architecture et paysage peut sembler assez fine, notamment lorsque l’on s’intéresse de près aux ressources, à leurs impacts sur nos territoires en mouvement. Différentes définitions fleurissent dans les tentatives de théorisations, mais il semble exister un certain flou autour du terme paysage. Étymologiquement, il puise sa racine dans le terme latin pagus, signifiant « petit pays délimité », auquel est ajouté le suffixe –age qui désigne, après un nom de chose inanimée, une collection que présente un pays. Paysage est alors à pays ce que plumage est à plume ou outillage à outil, des mots de Bernard Charbonneau : l’ensemble des gestes d’un peuple sur la terre qu’il habite, taillée à son image. Le paysage est ce qui se trouve sous l’étendu du regard, et tous les autres sens. C’est un espace sensible, à toutes les échelles, complète Gilles Clément.(1) Si aujourd’hui le paysagiste concepteur est indéniablement l’un des acteurs incontournables de la fabrication du territoire avec des échelles d’interventions, s’étendant du jardin au territoire, il nous invite à nous questionner sur la fabrication de nos paysages : dans le métier de paysagiste, si l’on ne fait rien, on est utile à tous. Puisque si l’on ne fait rien, on fait une forêt. La gestion forestière, que l’on est souvent tenté de dualiser entre exploitation et sanctuarisation, peut imager facilement le concept de diplomatie d’interdépendance, développée par Baptiste Morizot. Cette notion permet de penser les paysages non pas comme la défense d’intérêt d’un camp « humain » contre un autre camp « naturel » mais au nom d’un tissage d’interdépendances soutenables, contre tous les usages qui le mettent en danger. Selon le philosophe, se questionner par le point de vue des interdépendances provoque un trouble, une tension, un conflit de loyauté caractéristique d’une position contemporaine extrêmement inconfortable, mais qui est la seule désirable et constitue une boussole intéressante en écologie politique. Pour nous aiguiller dans cette direction souhaitable, les mots sont parfois nécessaires : pour faire un jardin, il faut d’abord être saisi. Dites aux jeunes paysagistes de rêver. Puis dites-leur d’écrire le rêve.(1) C’est avec ce conseil que les différentes installations paysagères, arpentées ici, permettent de questionner comment le bois, extrait de nos forêts, peut, avec une évidence singulière, faire partie du rêve de jardin planétaire. Mais dans la plupart des projets parcourus, même lorsqu’ils présentent des qualités d’intégration paysagère remarquables, une interrogation nous submerge : les paysages ne se suffiraient-ils pas à eux-mêmes ? Dès lors, ce numéro est une tentative d’écrire, au fil des pages, le rêve de tout bon jardinier de notre temps: ménager. Le Moniteur #6294 : Le bois français en quête de souverainetéPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Tous les coins de l'Hexagone ne vivent pas la crise du logement aussi durement. Certains tirent en effet leur épingle du jeu, par une demande toujours soutenue (et solvable) mais aussi grâce à des acteurs mobilisés (lire p. 10) . Ces dynamiques locales, mélange de bonne fortune et de volonté commune, devraient permettent aux « territoires engagés pour le logement » de booster leur production. Mais, pour 22 collectivités ciblées, combien restent dans l'expectative face à l'effondrement ?
On rêve certes que la BCE agisse sur les taux, source majeure d'attentisme des ménages. On espère évidemment de l'Etat qu'il dope la production de logements, et pas seulement intermédiaires. Mais on est aussi en droit d'attendre des collectivités qu'elles embrassent le sujet. Certaines le font, en mobilisant entre autres leur bras armé dans le logement social. Mais ne soyons pas candides : une partie des élus détourne la tête quand un programme suscite l'ire des riverains. A leur décharge, ce sont les habitants d'aujourd'hui qui votent, pas ceux de demain…
Il conviendrait d'actionner enfin les leviers susceptibles de redonner aux maires la fibre constructive.
C'est pour cette exacte raison qu'une éventuelle territorialisation de la politique du logement doit être menée avec beaucoup de doigté. L'échelon local se révèle pertinent pour définir les besoins comme les objectifs de production. C'est au plus près du terrain que se dénichent, à l'heure du ZAN, les solutions de recyclage urbain ou de comblement de dents creuses. Mais rien ne dit que, dans les années 2020, ce soit dans le bureau du maire que se trouve forcément la volonté la plus farouche de bâtir.
Faut-il, dès lors, que l'Etat reprenne partout la main, à l'instar de ce qui se passe dans certaines communes carencées ? Ce serait un constat d'échec. Il conviendrait plutôt d'actionner enfin les leviers susceptibles de redonner aux élus la fibre constructive. Cela passe par un soutien technique, financier et réglementaire indispensable pour mener des projets d'aménagement, devenus plus complexes que le simple lotissement d'un champ. Mais aussi, évidemment, par une fiscalité renouvelée qui incitera à nouveau la collectivité à accueillir de nouveaux habitants. Séquences Bois #144 : Habiter ensemblePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Anne-Sophie GouyenEditeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURALDescription : Vers un futur habitable ?
Le logement est devenu un produit financier dont les données chiffrées nous feraient presque oublier la dimension humaine de la notion d’habiter. Notre existence est liée, non seulement au bâti que nous habitons, mais aussi aux relations sociales et aux souvenirs que nous tissons. Ainsi, « chaque fenêtre n’est pas simplement ornée de rideaux différents : elle est l’ouverture d’une famille sur le monde, et l’un des visages que prend cette famille pour le voisinage ».*
Tous ces chiffres – loyers, surfaces, taux d’intérêts, nombres de mal-logés… - éclipsent aussi largement les changements sociétaux et écologiques : « les bouleversements tels que la fragmentation de la cellule familiale, la dématérialisation due aux nouvelles technologies, l’effacement des frontières entre vie privée et travail, l’évolution de notre rapport à la propriété, la mobilité excessive ont provoqué des mutations profondes dans nos modes de vie au sein de nos habitats ».** Il serait sain que chacun ait la volonté de les prendre en compte. Mais les idées de flexibilité, d’adaptabilité ou d’évolutivité mettent du temps à s’instaurer, avec pour cause, la frilosité de la majorité des acteurs du logement qui craignent de ne pas vendre ou sont, pour certains, trop confiants sur leurs supposées connaissances des attentes de la société. Les enquêtes de terrain pour obtenir des retours – ou des désirs – d’habitants, sont aussi rares que les habitats mal foutus qui ne permettent pas la beauté simple des situations de vie ordinaire***, se multiplient.
Mais, confondre habitat et logement « c’est déjà tendre vers une société des experts, une organisation sociale basée sur la dépossession des uns aux profits des autres »**. Pour imaginer une nécessaire transformation de la culture d’habiter, il s’agit surtout d’opter pour une posture d’humilité et de se demander quelle légitimité a le concepteur pour proposer un design des modes de vie eux-mêmes, puisqu’« on habite aussi sans le vouloir, sans s’en rendre compte, maladroitement, ou avec douleur : on habite, après tout, comme on veut, mais aussi parfois comme on peut ou comme on est, voire parfois même malgré soi… ». Pour autant, il existe des pistes foisonnantes pour celles et ceux soucieux·ses de participer à la fabrique d’un habitat plus vertueux et solidaire.
Si le désir de mutualiser est une première démarche écologique, il s’accompagne souvent d’une attention accrue aux modes constructifs choisis, où le bois et les bio et géo-sourcés peuvent prendre leur place, prédestinée. L’un des leviers semble être celui de s’abreuver d’exemples et de solutions construites. Ainsi, ce numéro invite tout un chacun à explorer à la fois des opérations réalisées, des désirs collectifs ou des idées individuelles, des alliances nouvelles entre concepteurs et habitants, afin de déconstruire les aspirations et représentations profondément enracinées, et permettre de penser, plus largement, des futurs habitables.
* - Critique de l’habitabilité, Mathias Rollot, Editions Libre Solidaire
** - Proto-Habitat, Flavien Menu, Editions Spector Books
*** - Propos issus d’échanges avec Yves Perret Le Moniteur #6302 : Les usines à maisons attendent leur heurePériodiquesAnnée : 2024Auteur : Fabien RenouEditeur : ED LE MONITEUR MONITERDescription : Les bonnes nouvelles se savourent sans modération, les satisfecit se jaugent avec circonspection. La France a - cocorico ! - réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 5,8 % en 2023. Gabriel Attal n'a pas raté l'occasion de s'en gargariser sitôt ce chiffre dévoilé : « Nous n'avons de leçons à recevoir de personne en matière d'efficacité écologique et environnementale. » Sans sous-estimer les fruits de politiques publiques efficaces, il apparaît toutefois réducteur de tresser des lauriers aux seuls décideurs.
Sur les 22,8 millions de tonnes de CO2 économisées l'an dernier, 15 % l'ont été dans le bâtiment, 19 % dans les transports et 34 % dans l'énergie. Ces performances ne se décident pas en Conseil des ministres, elles ne se décrètent pas par ordonnance. Elles s'obtiennent par l'engagement quotidien des hommes et des femmes de terrain. Cet engagement révèle l'une des dynamiques sous-estimée mais décisive de la décarbonation : la révolution culturelle qui est en train de bousculer en profondeur les pratiques professionnelles, à commencer par celles de la construction.
L'arrivée de nouvelles générations de professionnels accélérera encore l'acculturation écologique
Les compétences s'adaptent en même temps que les mentalités se transforment. En hausse de 13 % l'an dernier, les formations suivies dans le BTP se trouvent boostées par les modules liés à la transition écologique, explique Constructys. Même tendance du côté de la maîtrise d'ouvrage. François Adam, directeur des achats de l'Etat, constate par exemple « une vraie prise de conscience et une montée en compétences » des acheteurs publics en matière de verdissement des marchés.
La mutation des esprits s'opère à grande vitesse. Et ce n'est qu'un début. L'arrivée de nouvelles générations de professionnels accélérera encore cette acculturation écologique. Plus des trois quarts des apprentis en CFA estiment ainsi qu'il leur incombe de porter la préservation de la planète dans le secteur de la construction, annonce le baromètre du CCCA-BTP. Mieux, ils considèrent massivement qu'ils ont à « défendre la protection de l'environnement » au sein de leur entreprise d'accueil. Eux aussi sont jeunes, et eux aussi estiment ne pas avoir de leçons à recevoir. Séquences Bois #145 : Ressources localesPériodiquesAnnée : 2024Auteur : Anne-Sophie GouyenEditeur : SARL PUBLICATIONS D ARCHITECTURE ET D URBANISME PUBLIKASION ARCHITEKTUR URBANISMDescription : Bois local : une idée tordue ?
Certaines thématiques demandent, pour être traitées avec attention, plus de mouvements que d’autres. Celle-ci m’aura conduit dans la vallée ariégeoise du Biros, sur les collines de Provence, au pied de Notre-Dame en passant par les Vosges, les Cévennes et le Médoc. Comment parler de ressources locales sans comprendre, au coeur de chaque pays, ce qui se cache derrière ce terme, souvent largement vidé de son sens ? Jusqu’où parle-t-on de local ? Et depuis quand ?
« En 1981, on bossait avec du sapin - ou du pin en menuiserie - qui venait du Haut Forez, à seulement 20 ou 30 km de la scierie. Et c’était le cas partout, on ne parlait alors même pas de bois local ! », raconte Olivier Gaujard. Avec l’idée du local, il faut souvent prendre en compte la dimension du temps, qui s’étire davantage : un séchage – à l’air libre - plus lent, des expérimentations potentiellement laborieuses, un sciage plus compliqué - ou de l’équarrissage à la hache - sans compter le temps de réflexion pour placer la courbe naturelle du bois au bon endroit, ou optimiser le dessin des pièces dans une grume pour un meilleur rendement. « Il faut se réhabituer au temps long », insiste Francis Hallé*. Et si ce n’est pas de bois dont nous disposons, alors préférons d’autres ressources ou favorisons des filières qui peinent encore à sortir de terre.
Construire local n’est en aucun cas un dogme, mais simplement une tentative de réponse aux problématiques rencontrées, ici et là. Pour Olivier, cela évoque « ni plus ni moins, que des modalités d’action ! ». Si le bois local s’est d’abord relancé dans les Alpes, il y a plus de 10 ans, puis dans le Massif Central, la Corse, ou plus récemment les Pyrénées - suivi par le Bois de France, calqué sur les démarches régionales - selon lui, les appellations « disparaîtront parce qu’elles n’auront plus de raison d’être ».
Les pages de ce numéro tentent de faire pérégriner les idées de celles et ceux qui ont choisi de faire voyager la matière le moins possible. En les observant de plus près, il semblerait que faire avec ce qu’on a sous la main, connaître finement les matières – et comment on les transforme - n’a rien d’ennuyeux ou de castrateur. Et si, par force d’habitudes et d’expérience, ces savoirs-là peuvent faire gagner un peu de temps, tant mieux, il y en aura plus pour la sieste à l’ombre des arbres et les baignades dans l’eau froide. Ou pour continuer d’apprendre des équilibres, bouleversés par les humain·es qui peinent à reconnaître– moi la première - les essences et les espèces qui peuplent leurs régions**. « Nous n’avons même pas encore commencé à imaginer collectivement ce que pourrait signifier « architecture » dans un monde qui ne soit plus anthropocentré – tout reste à inventer. »***