Séquences bois #138 : Construire en feuillus
Périodiques
Année : 2022
Auteur : Anne-Sophie Gouyen
Editeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURAL
Description : L'essence de la forêt. La forêt française est composée a plus des deux tiers d’essences feuillus. Faire état de la structuration de la filière, de la ressource forestière au bois d’œuvre, dans toute sa complexité, permet d’entrevoir les contours, les obstacles mais aussi les enjeux du développement des essences feuillues sur notre territoire. «Le paradoxe entre une ressource présente en quantité et le déficit commercial de sa filière révèle tout le retard et toutes les lacunes d’une industrie et son risque d’essoufflement ». Nous ne construisons pas avec les bois les plus durs, voir même avec les moins résistants, simplement parce qu’ils se transforment d’une manière plus efficace et sèche plus rapidement, alors que l’utilisation des bois durs, les feuillus, en structure de nos constructions pourrait être l’une des réponses à ces enjeux. Pourtant, tous les acteurs sont mobilisés, pépiniéristes, propriétaires, exploitants forestiers, bûcherons, débardeurs, scieurs, transformateurs, mérandiers, tonneliers, papetiers, menuisiers, charpentiers, architectes… Mais leur diversité fait état de la difficulté d’appréhender la filière dans son ensemble avec une approche holistique. Les propriétaires forestiers d’aujourd’hui, privés pour les trois quart de la forêt, récoltent ce qu’ont plantés leurs grands-parents et replantent des arbres qui seront à leur tour coupés par leurs petits-enfants. L’échelle de temps de la foret n’est pas celle de l’humain. Ce temps long s’oppose aux cycles toujours plus rapides dans lequel nous évoluons. Or nous affrontons une autre accélération, celle des changements climatiques : le temps d’adaptation de la foret n’est pas compatible avec son renouvellement nécessaire. Mais, alors que les freins normatifs et l’économie du marché semblent poser toujours plus d’entraves, par où on commencer pour s’adapter? Par la recherche en laboratoire pour combler le déficit normatif ou par les prescriptions qui dynamisent ces expérimentations? Encourager l’aval pour dynamiser l’amont ou structurer l’offre pour permettre un développement de la demande ? De nombreux projets exemplaires voient le jour, en parallèle de la recherche sur le sujet, mais ces projets émanent d’une volonté politique tenace, et restent minoritaires. « Les choses changent. Mais si vite… est-ce que les habitudes des hommes pourront suivre ? ». L’architecture bois devrait-elle aussi se défaire de ses habitudes et cesser de n’être appréhender que par le biais des calculs de superficies ou de stockage carbone, pour se mesurer davantage à l’intelligence du choix de sa matière disponible et à l’inventivité de ses structures : plus légères, réversibles, locales et ajustées ? Il reste certain que pour construire en feuillus, dans ce contexte d’accélération auquel les écosystèmes forestiers et nous-même faisons face, il faudra subtilement allier l’héritage et l’innovation. Oser réinterpréter les traditions constructives à l’aune des avancées techniques et scientifiques. Continuer de tailler et sculpter ce manteau vivant qu’est la forêt, au plus juste de nos besoins, pour faire entrer la lumière au cœur des bois.

Séquences bois #139 : Paysages - Guide vivre dehors
Périodiques
Année : 2023
Auteur : Anne-Sophie Gouyen
Editeur : SOCIETE D EDITIONS ARCHITECTURALES SEA SOSIET EDISION ARCHITEKTURAL
Description : Pays, Paysage. La frontière entre architecture et paysage peut sembler assez fine, notamment lorsque l’on s’intéresse de près aux ressources, à leurs impacts sur nos territoires en mouvement. Différentes définitions fleurissent dans les tentatives de théorisations, mais il semble exister un certain flou autour du terme paysage. Étymologiquement, il puise sa racine dans le terme latin pagus, signifiant « petit pays délimité », auquel est ajouté le suffixe –age qui désigne, après un nom de chose inanimée, une collection que présente un pays. Paysage est alors à pays ce que plumage est à plume ou outillage à outil, des mots de Bernard Charbonneau : l’ensemble des gestes d’un peuple sur la terre qu’il habite, taillée à son image. Le paysage est ce qui se trouve sous l’étendu du regard, et tous les autres sens. C’est un espace sensible, à toutes les échelles, complète Gilles Clément.(1) Si aujourd’hui le paysagiste concepteur est indéniablement l’un des acteurs incontournables de la fabrication du territoire avec des échelles d’interventions, s’étendant du jardin au territoire, il nous invite à nous questionner sur la fabrication de nos paysages : dans le métier de paysagiste, si l’on ne fait rien, on est utile à tous. Puisque si l’on ne fait rien, on fait une forêt. La gestion forestière, que l’on est souvent tenté de dualiser entre exploitation et sanctuarisation, peut imager facilement le concept de diplomatie d’interdépendance, développée par Baptiste Morizot. Cette notion permet de penser les paysages non pas comme la défense d’intérêt d’un camp « humain » contre un autre camp « naturel » mais au nom d’un tissage d’interdépendances soutenables, contre tous les usages qui le mettent en danger. Selon le philosophe, se questionner par le point de vue des interdépendances provoque un trouble, une tension, un conflit de loyauté caractéristique d’une position contemporaine extrêmement inconfortable, mais qui est la seule désirable et constitue une boussole intéressante en écologie politique. Pour nous aiguiller dans cette direction souhaitable, les mots sont parfois nécessaires : pour faire un jardin, il faut d’abord être saisi. Dites aux jeunes paysagistes de rêver. Puis dites-leur d’écrire le rêve.(1) C’est avec ce conseil que les différentes installations paysagères, arpentées ici, permettent de questionner comment le bois, extrait de nos forêts, peut, avec une évidence singulière, faire partie du rêve de jardin planétaire. Mais dans la plupart des projets parcourus, même lorsqu’ils présentent des qualités d’intégration paysagère remarquables, une interrogation nous submerge : les paysages ne se suffiraient-ils pas à eux-mêmes ? Dès lors, ce numéro est une tentative d’écrire, au fil des pages, le rêve de tout bon jardinier de notre temps: ménager.