AMC #320 : BARANI - CHRIST & GANTENBEIN - V2S / NAS - PERRAUDIN
Périodiques
Année : 2024
Auteur : Olivier Namias
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Ensevelie sous des topiaires jaillissant d'une prairie pentue, une fenêtre coulissante peine à trouver sa place dans un environnement où la nature a, selon l'expression consacrée, « repris ses droits ». L'arrière-plan l'atteste : nous sommes bien dans une grande ville, et sur le toit d'un immeuble. Un sommet de greenwashing ou un aperçu de l'architecture de demain ? Si l'image en couverture de ce numéro donne un aperçu du futur de l'architecture, c'est moins par ce qu'elle montre que par la manière dont elle a été conçue. Produite par l'architecte Jean Jacques Balzac au terme de descriptions textuelles (prompts) et de sélections, elle a été modelée par une intelligence artificielle. Un outil apparu presque par surprise, tandis que les multivers et autres blockchains accaparaient notre attention. Flamboyante et soudaine, l'IA se montre beaucoup plus ludique que les piteux métavers et beaucoup moins laborieuse que les chaînes de blocs. Elle fait de l'ordinateur une machine pensante incitant chaque métier à se remettre en question. L'abolition de la frontière entre le vrai et le faux, préoccupante dans le domaine de l'information, ne concerne l'architecture que de façon marginale. Qui tromper en prétendant que Le Nôtre serait revenu planter la toiture d'un trophy asset du Triangle d'or parisien ? Qui, au XVIIIe siècle, croyait qu'existaient quelque part les prisons gravées par Piranèse ? Le foisonnement d'édifices étranges ou loufoques accompagnant le lancement de cette technologie indique que l'IA parle en premier lieu à l'imaginaire des architectes, agissant à la manière d'une lampe d'Aladin commandée par la souris. Au-delà du visuel, elle peut automatiser une série de tâches fastidieuses. Ira-t-elle jusqu'à remplacer l'architecte ? Deux batailles s'annoncent. La première est de bâtir des outils propres, pour préserver la conception architecturale d'intrusions venant de l'ingénierie et de l'industrie. Le second enjeu tient au machine learning. Les réponses générées par l'IA dépendant de ses connaissances, il s'agit de faire ce qui échappe encore à la majorité des humains : lui apprendre l'architecture ! Laquelle et pourquoi ? C'est là toute la question. « Le médium est le message » affirmait Marshall McLuhan. Et en tant que médium, l'IA impose autant un environnement et ses logiques - de travail, de réflexion -qu'elle trace des plans et des images. Le mage serviable ajoutera-t-il son nom à la liste des tyrans conceptuels, déjà nombreux ?

Architectures CREE #408 : Printemps 2024
Périodiques
Année : 2024
Auteur : Karine Quédreux
Editeur : MEDIARECLAME PUBLISHING MEDIAREKLAM PUBLICHING
Description : Bien que la conjoncture ne soit pas des plus optimistes, partons du principe que le futur de nos villes trouvera une expression vertueuse et durable dans les grandes mutations de ce siècle. Après tout, n’avons-nous pas su, dans nos métropoles européennes, faire face à maintes agressions économiques, sanitaires ? Le dérèglement climatique est certes un défi herculéen, sachant que nous en sommes les principaux instigateurs au nom d’un système trop avide. Il va donc falloir trouver un nouvel équilibre et recalibrer nos exigences. Difficile pour le secteur bâtiment qui confirme une entrée en récession en matière d’activité avec une crise du logement neuf, un glissement progressif d’année en année du non-résidentiel neuf, et un sort en pointillé pour la rénovation au regard du devenir incertain de MaPrimeRénov’. Dans un contexte de transition environnementale, il faut rénover plutôt que construire, chacun le conçoit désormais, mais l’intelligence énergétique reste souveraine. L’accès au logement reste cependant une priorité incontournable, étant donné les inégalités sociales grandissantes, la difficulté d’accès au foncier, et l’ensemble des freins juridiques que l’on connaît. Ainsi sonne le retour des microarchitectures dans la conquête de l’outdoor (p. 88), pensé comme un levier de croissance mais aussi comme un outil de réflexion pour parer à l’indispensable. Cette modularité d’échelle de construction interroge notre façon de penser un habitat de qualité à des coûts abordables tout en interrogeant l’idée, semble-t-il dépassée, du « plus c’est grand, mieux c’est ». Faire un meilleur usage des mètres carrés, partager des espaces, repenser le bâtiment, répondre aux principaux enjeux mondiaux en matière de climat et de santé, telle est la démonstration opérée par le concept « Living Places » à Copenhague (p. 136). Ce nouveau paradigme de construction s’ajoute ainsi à toutes les initiatives de partage de connaissances menées à l’international pour identifier des solutions pertinentes et innovantes. Ces solutions permettront, en fin de compte, de relever les défis de décarbonation, de résilience et d’adaptation. Ainsi, un futur raisonné de nos villes et de nos territoires sera-t-il envisageable.

AMC #327 : KEMPE THILL / ATELIER 56S - COMPAGNIE - RAMILLIEN - LANDAUER - BOX ARQUITECTOS
Périodiques
Année : 2024
Auteur : Olivier Namias
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Submersion Dans une société hyperindustrielle fondée sur les flux ultrarapides, l'architecture, immobile et lente, se trouve à contretemps. Le temps long de son élaboration la place en décalage avec son époque, voire toujours en retard, même sur son propre cadre conceptuel. Les projets, conçus et réalisés en cinq à dix ans en moyenne, ne répondent déjà plus aux réglementations en vigueur lors de leur livraison. Les pratiques des usagers, elles-mêmes mouvantes et fugaces, devancent toujours le cadre bâti. Dernière évolution en date, l'immersion proposée par les industries culturelles (p. 10) . Son alignement sur les logiques d'expériences prégnantes dans la sphère marchande indique qu'il pourrait s'agir de bien plus qu'une mode : un tournant instaurant un nouveau rapport au monde et aux objets, où la sensation remplace la connaissance. La copie du réel transformé en décor peut alors suffire, et le Paris historique, être restitué sous forme de backlot dans les champs briards (p. 8) . Ce phénomène émergent de l'immersion se lance à la conquête de l'espace, en ajoutant une couche technologique dans les intérieurs, ainsi que l'on peut le voir dans quelques nouveaux lieux, tel le Grand Palais immersif à Paris, installé dans une aile de l'opéra Bastille restée vide depuis la livraison du bâtiment, en 1989. Le vaisseau qui devait rendre l'opéra populaire sert ironiquement de tremplin à ces manifestations qui laissent dubitatifs, quand d'autres lieux recyclent le patrimoine artistique - Van Gogh, Dali, Klimt. En revanche, des plasticiens explorent l'immersivité de manière convaincante : Olivier Ratsi, le duo Nonotak, Sabrina Ratté… inscrits dans une longue lignée d'artistes. On pense à Kurt Schwitters, Yayoi Kusama, Ugo La Pietra et son Uomouovosfera (p. 108), ou plus simplement, à l'art baroque, rappelant que l'architecture reste le premier art immersif. S'immerger dans un matériau, une couleur, une structure, une lumière, un espace sonore, c'est ce que ne cesse de faire l'architecture. Lassés de l'excitation des projections, les spectateurs voudront-ils retourner à l'immersion simple mais riche des espaces quotidiens, sans l'attelle high-tech et sa promesse de puissance ? Y aura-t-il des architectes et des maîtres d'ouvrage pour répondre au mieux à ces attentes et éviter que l'immersion ne devienne une nouvelle submersion ? Il n'est pas interdit de l'espérer.