Sites & Monuments #228PériodiquesAnnée : 2021Auteur : Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la FranceEditeur : SITES MONUMENTS SIT MONUMANDescription : Le quinquennat de notre Président de la République a été, dans le champ de nos statuts, celui des déconstructions, dans toute l’étendue des acceptions de ce terme.
Dès février 2017 — nous ne prêtions alors guère attention à ces propos de campagne — Emmanuel Macron a déclaré qu’« Il n’y a pas de culture française » mais « une culture en France », celle-ci étant « diverse » ou, devant nos expatriés londoniens, n’avoir « jamais vu d’art français ». Quatre ans plus tard, en avril 2021, le Président déclara à New York que la France devait « déconstruire [sa] propre histoire », notamment coloniale. C’était évidemment faire allusion à Jacques Derrida (1930–2004), inventeur du mot et fondateur aux États-Unis d’une French Theory nous revenant tel un boomerang. Les fondements de la culture, de l’art et de l’histoire de France devaient trembler.
Le climat ainsi créé permettait d’agencer l’Histoire et le patrimoine français dans un ordre plus conforme aux dogmes de notre époque, notamment en « restituant » certaines œuvres provenant d’Afrique — gommant ainsi tout un passé colonial — ou en reléguant certaines sculptures ou enseignes pour leur en substituer d’autres, dans un mécanisme inquiétant de soustraction mémorielle.
Emmanuel Macron refuse en cela de prendre rang dans l’histoire de France par un processus classique de stratification, en bâtissant sur un édifice hérité de ses prédécesseurs, mais souhaite le « déconstruire » à l’aune de ses propres conceptions, comme Derrida entendait faire dire aux auteurs classiques ce qu’ils n’avaient pas écrit.
Par définition, toute déconstruction est le processus inverse de la construction mais suppose un certain respect pour les matériaux désassemblés et un projet de construction nouvelle, visant à leur réemploi. Déconstruire n’est donc, en principe, pas tout à fait détruire.