Le Moniteur #6274 : Ouvrages d'art en série sur un terrain accidenté
revue
Année : 2023
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Les promoteurs le constatent : « On change d'époque. » Et, dans leur esprit, l'histoire ne va clairement pas dans le bon sens. Les ventes s'effondrent chaque trimestre un peu plus jusqu'à atteindre, en cette fin d'année, des niveaux dramatiques. L'activité plonge, les talents s'envolent. L'immobilier se trouve, encore selon les promoteurs, « au bord du précipice ». Avant un saut dans le vide ? Autant il apparaît aisé de caractériser l'époque révolue, avec son argent bon marché et son accession accessible, autant définir celle qui arrive relève de la gageure. Alors, quand le brouillard s'épaissit, on est tenté de se fier au capitaine. Or, sur ce sujet sensible, le gouvernement reste fort peu disert. Tout juste, ici et là, quelques déclarations qu'il faut s'efforcer d'interpréter. La semaine dernière, c'est la Première ministre qui a annoncé un nouveau plan de rachat aux promoteurs et des ambitions redoublées en matière de production de logements intermédiaires et étudiants. Pas de quoi changer la donne, à peine de quoi amortir le choc. Mais peut-être de quoi décrypter les grandes lignes de la future politique du logement. Les bailleurs sociaux se trouvent au centre du jeu, une position qui pourrait devenir structurelle. Premier enseignement : les bailleurs sociaux se trouvent au centre du jeu. Une position habituelle en cas de conjoncture faiblarde, mais qui pourrait bien devenir structurelle à l'avenir. Pour des questions économiques d'abord, tant les organismes HLM font preuve de résilience. Pour des questions sociales aussi, tant il est urgent de répondre aux demandes d'habitations accessibles. L'autre inflexion se traduit par un appel du pied appuyé du gouvernement aux investisseurs institutionnels. En creux, ces attentes vis-à-vis du monde HLM et des « zinzins » visent à écarter pour de bon l'investisseur individuel. Obnubilé par la défiscalisation, ce dernier est jugé, en haut lieu, susceptible d'acquérir des appartements inadaptés aux besoins réels. La fermeté du gouvernement concernant la fin du Pinel témoigne de cette conviction. Un choix assumé qui, pour l'instant, ne fait qu'amplifier la dépression quand il faudrait appuyer sur le champignon.

Le Moniteur #6298 : Du chantier au chantier, le réemploi cherche sa voie
revue
Année : 2024
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : C'est une mauvaise nouvelle, mais ce n'est pas une surprise. Les 500 suppressions d'emplois annoncées chez Nexity la semaine dernière n'ont pris personne de court. Face à l'effondrement de la demande, Véronique Bédague, la P-DG du premier promoteur français, avait depuis longtemps annoncé la couleur. D'autres acteurs, comme Vinci Immobilier ou Bouygues Immobilier, avaient déjà montré la voie, malheureusement inéluctable, du PSE. La casse sociale était fatale. Et, même si les entreprises du bâtiment n'ont pas encore touché le fond, elle paraît condamnée à s'étendre. Au-delà des carrières malmenées, cette saignée aura des conséquences à long terme sur les compétences et les savoir-faire nécessaires à la bonne marche des projets. Une fois éloignés de la construction, ces professionnels éconduits n'y reviendront pas. Les mesures phares du projet de loi Logement n'ont pas vocation à stimuler la construction. Véronique Bédague en appelle au gouvernement. Il faut bien reconnaître que l'Etat aurait un rôle contracyclique à jouer dans une crise avant tout provoquée par la brusque remontée des taux d'intérêt. Malheureusement, comme bien d'autres avant elle, celle qui avait un temps été pressentie pour Matignon prêche dans le désert. Si Gabriel Attal et Guillaume Kasbarian affirment avoir pris conscience de la situation, rien, dans leurs actes, ne suggère pour l'instant un infléchissement. En témoigne le projet de loi Logement dont les mesures phares - assouplissement de la loi SRU et sortie des locataires trop aisés du parc social - n'ont pas vocation à stimuler la construction. Les raisons de cette surdité obstinée sont multiples. Une partie d'entre elles tient à l'image du secteur. Soyons lucides : en France, le sort des promoteurs n'émouvra pas grand monde. Quant aux entreprises de bâtiment fragilisées, elles passent trop souvent, en raison de leur taille, en dessous des radars médiatiques et politiques. L'indifférence est prégnante. La semaine dernière se tenait Intermat, le grand salon français du matériel. Un millier d'exposants, des dizaines de milliers de visiteurs, zéro ministre.

Le Moniteur #6322 : Le béton au défi du grand âge
revue
Année : 2024
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Le béton finira-t-il dans les livres d'histoire ? Seule certitude, il en occupe d'ores et déjà quelques chapitres. Ce matériau, dont l'usage est attesté dès l'Antiquité, a connu une popularité inégalée au cours du XXe siècle. A tel point que des générations entières de bâtiments et d'ouvrages d'art, plus ou moins remarquables, atteignent aujourd'hui un âge canonique, celui auquel des traitements de fond s'imposent. Même s'il reste le matériau le plus employé, le béton voit sa popularité se fissurer. Les temps ont changé et la popularité du béton se fissure. Il reste cependant le matériau le plus employé. Ses capacités structurelles, mais aussi plastiques, n'y sont pas étrangères. Exemple par-mi tant d'autres, l'élégante halle de marché de Saint-Cloud parvient à résoudre l'épineuse équation posée par son contexte urbain grâce à l'ingéniosité de son concepteur, l'architecte Charles- Henri Tachon, mais aussi aux prouesses techniques du béton. Pour l'heure, la domination de ce matériau reste, dans les pratiques, acquise. Il serait cependant illusoire d'imaginer pouvoir continuer à bancher sans broncher. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre place en effet le clinker dans la ligne de mire des pouvoirs publics. Pressés par un cadre réglementaire de plus en plus exigeant, les cimentiers se sont lancés dans une coûteuse mais impérieuse course contre le carbone. Une course dans laquelle la France doit conserver sa longueur d'avance. Générateur de CO2, le béton est aussi pointé du doigt pour sa gourmandise en sables et autres granulats. Co-auteur d'une BD nommée « Ressources », Philippe Bihouix, DG du groupe Arep, rappelle au « Moniteur » (1) que « notre monde est dépendant de l'extraction de matériaux non renouvelables, un trésor lentement accumulé dans la croûte terrestre au cours des temps géologiques. » Là encore, des efforts urgents s'imposent pour trouver des alternatives mais aussi puiser dans les ouvrages déjà construits les éléments utiles à ceux de demain. Le patrimoine en béton constitue décidément un bien précieux pour les siècles à venir. (1) www.lemoniteur.fr/arep/

Le Moniteur #6326 : L'ombre de la relégation plane sur les PPP de stade
revue
Année : 2024
Auteur : Aurélien Bellanger
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Nous vous demandons de reconsidérer ces coupes budgétaires. C'est en ces termes que le président de la FNTP, Alain Grizaud, concluait une lettre adressée le 22 octobre au Premier ministre, Michel Barnier. En cause, le coup de rabot de 6 à 7 milliards d'euros sur l'investissement local prévu par le projet de loi de finances pour 2025. Un choix qui ne manquerait pas d'éroder les capacités des collectivités à bâtir et rénover infrastructures comme équipements publics. A moins que le gouvernement ne revoie sa copie, il leur faudra donc convoquer d'autres ressources afin de mener les projets essentiels à leur territoire. Or, s'il n'est pas public, l'argent est forcément… privé. Un truisme soit, mais qui a le mérite d'inviter à réenvisager des modèles mixtes sollicitant l'usager ou des entreprises. La situation actuelle invite à réenvisager des modèles mixtes de financement. Au vu de la situation budgétaire de la France, aucune piste ne peut être écartée a priori, même si certaines appellent à redoubler de vigilance. En témoignent les déboires des partenariats public- privé noués au tournant des années 2010 pour bâtir ou rénover les stades de l'Euro 2016 de football. De Lille à Nice, en passant par Bordeaux et Marseille, chaque fois l'une des parties impliquées dans le financement de ces arènes s'en est mordu les doigts. Là, c'est la collectivité qui doit supporter une charge bien supérieure à ses prévisions. Ici, c'est le partenaire privé qui paie les pots cassés d'une billetterie en berne. Autant d'expériences qui poussent aujourd'hui à explorer un apport majoritaire du club résident pour la construction de telles enceintes. Mais, y compris dans cette mouture, il reste indispensable que les pouvoirs publics locaux mettent la main à la poche. Preuve que, si la maîtrise des dépenses est indispensable, préserver les moyens des collectivités l'est aussi.

Le Moniteur #6360 : Opération coup de poing pour un pont stratégique
revue
Année : 2025
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Où construire du logement demain ? Dans les zones commerciales, pardi ! Non seulement ces quartiers monofonctionnels se trouvent à contretemps de l'aspiration actuelle à la mixité, mais ils représentent aussi, avec leurs boîtes métalliques posées sur des nappes de bitume, un affront à l'exigence de densification. Une étude d'Icade et de la Scet publiée début juin évaluait le potentiel des entrées de ville commerciales à 1,6 million de logements neufs, soit l'équivalent de la production française de ces cinq dernières années. De la théorie à la pratique, il y a un gouffre. La transformation de ces morceaux de ville, si séduisante sur le papier, se révèle très épineuse sur le terrain, en plus d'être coûteuse. Premier écueil : l'absence de maîtrise foncière globale en raison de la multiplicité des propriétaires. Autre difficulté : le commerçant, dont la raison d'être est de vendre des produits, pas de construire du logement, peut voir d'un mauvais œil tout ce qui viendrait contrecarrer le triptyque éprouvé voiture-parking-magasin. Métropoles et villes moyennes doivent s'atteler sans tarder à la régénération de leurs vastes zones commerciales. La voie est étroite. Pourtant, ici ou là, certains quartiers entament leur mue. Mérignac Soleil, près de Bordeaux, est engagé dans un processus de résidentialisation et de renaturation qui vise non pas à éloigner les enseignes, mais à les glisser dans de vastes pieds d'immeubles neufs de logements. Un travail minutieux de conception mais aussi de conviction, mené parcelle par parcelle, magasin par magasin, et qui devrait s'étaler sur de longues années. Est-ce ce travail de dentelle et de longue haleine qui effraye les élus ? Même si ces derniers ont conscience de cette indispensable mutation, elle apparaît rarement comme une priorité locale, encore moins comme un enjeu des prochaines municipales. Métropoles et villes moyennes doivent pourtant s'atteler à la régénération de ces vastes zones périphériques et ce, sans traîner. Car, qu'on les aime ou qu'on les déteste, ces aires attirent encore en masse. Ce sont des lieux de vie intense, du moins en journée, qu'il convient de transformer avant qu'ils ne dépérissent et ne deviennent des friches impossibles à réanimer. Il y a pire que la France moche : la France morte.

Le Moniteur #6383 : Non, la transition écologique ne se met pas sur pause
revue
Année : 2025
Auteur : Fabien Renou
Editeur : ED LE MONITEUR MONITER
Description : Une maille à l’envers… Le détricotage se poursuit. Depuis quelques mois, la réglementation environnementale paraît subir une déconstruction systématique et ce, sur tous les plans : EnR, économie circulaire, sobriété foncière… Dernier exemple en date : le vote, le 13 novembre par le Parlement européen, d’un allègement massif des contraintes de reporting en matière de durabilité et de devoir de vigilance. Les obligations portées par les directives CSRD et CS3D faisaient, il est vrai, suer bon nombre d’entreprises. Le ZAN fait, lui, enrager certains maires. Quant à la mise en œuvre de la REP PMCB, elle fatigue industriels et artisans. Reste que, si l’on veut rester honnête, il n’existe aucune réglementation qui n’enquiquine personne. Le backlash écologique ne se traduit pas par un retour en arrière sur le terrain, au contraire. Contraindre, c’est d’ailleurs sa raison d’être. En revanche, il apparaît clairement que la question écologique concentre, en cette ann ée 2025, l’essentiel des critiques. « Certaines normes sont pavées de bonnes intentions, notamment environnementales, sauf que les moyens et, pire, le calendrier pour les mettre en œuvre sont complètement déconnectés de toute forme de réalité », a ainsi cinglé le Premier ministre devant les maires réunis en congrès. La partie serait-elle pliée ? Loin de là. Enraciné dans le discours politique en France et ailleurs, ce backlash écologique ne se traduit pourtant pas par un retour en arrière sur le terrain, au contraire. En dépit des errances réglementaires, les réflexes ont bel et bien changé, les projets vertueux continuent de se multiplier et les bonnes pratiques sont adoptées par un nombre croissant d’acteurs (lire p. 8) . La décarbonation, l’économie circulaire, le respect de la biodiversité ou encore la protection des ressources naturelles restent, malgré tout, des axes structurants pour tout projet de construction. Plus qu’un retour en arrière, nous arrivons probablement à un plateau après que la question climatique a largement dominé l’agenda politique. La mue se poursuit même si elle ralentit son allure. Jusqu’au prochain coup de semonce que la crise écologique ne manquera pas de faire résonner à nos oreilles. Il faudra alors de toute urgence remettre l’ouvrage sur le métier. Une maille à l’endroit…