L'Europe et la Méditerranée

 

Auteur : Centre d'analyse et de prévision France


Livres

ISBN : 978-2-354-76042-7
Année : 2008
Editeur : CULTURESFRANCE KULTURESFRANS
Description : Resumé En réduisant sa relation avec les voisins méditerranéens à l’économie et la sécurité, l’Europe a occulté la proximité qui lie les populations des deux rives. À présent, elle doit dépasser la tentation du repli et s’appuyer sur les sociétés civiles afin de bâtir une politique méditerranéenne plus ouverte. Les révoltes et les espoirs qui soulèvent les sociétés arabes rendent plus sensible que jamais la crise qui paralyse les relations euro-méditerranéennes. Deux ans après la guerre de Gaza qui a gelé la mise en œuvre de l’Union pour la Méditerranée (UPM), le printemps arabe apporte le coup de grâce au partenariat euro-méditerranéen, totalement impuissant à soutenir les transformations en cours chez nos voisins. Alors que la démission du secrétaire général de l’UPM en janvier 2011 est passée inaperçue1, seuls quelques responsables français osent encore affirmer qu’elle serait la réponse aux défis que pose l’effervescence des sociétés du Sud. Dans la pratique, ils ont adopté une démarche plus nationale qu’européenne, par exemple dans l’affaire libyenne, pour mieux faire oublier les cafouillages tragi-comiques de la France en Tunisie. La Commission européenne s’efforce à plus de cohérence : elle reconnaît2 que « la transformation radicale du paysage politique » exige un « saut qualitatif ». Elle appelle à fonder sur l’attachement aux valeurs communes un « partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée », dont les priorités seraient d’appuyer les réformes démocratiques et de renforcer la coopération avec les populations, y compris par un accroissement de la mobilité des personnes. Mais les propositions concrètes sont modestes. La façon dont les États s’approprient les analyses de la Commission laisse rêveur sur l’audience actuelle du message européen. Jamais les discours populistes contre l’immigration ou contre l’islam n’ont été aussi forts dans certains pays, au point d’accorder plus de visibilité à la menace – très relative – d’un déferlement migratoire sur l’Europe qu’à l’importance, pour l’avenir de toute la région, des changements en cours. Plus lucide, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, a invité la diplomatie française à « changer son regard sur le monde arabe » et à délaisser la complicité avec des gouvernants corrompus et autoritaires au profit d’un dialogue accru avec la société civile et les « courants islamiques »3. Même s’il risque de sur-dimensionner le facteur religieux, un tel revirement confirme que l’heure des bilans a sonné. Le printemps arabe, qui prive peu à peu l’Europe de ses interlocuteurs habituels discrédités, oblige à repenser totalement le partenariat euro-méditerranéen. Relations euro-méditerranéennes paralysées Quand on considère le gel dudit partenariat depuis fin 2008, illustré par les reports successifs des sommets euro-méditerranéens, on est tenté de porter un jugement sévère sur l’activisme dérisoire déployé pendant quatre ans pour redynamiser le processus. L’initiative française en Méditerranée, dont Nicolas Sarkozy voulait faire son grand chantier diplomatique, a accumulé contradictions, improvisations et maladresses. Resteront toutefois la volonté de remettre la question méditerranéenne au centre du débat européen, ou la tentative de réintroduire le dialogue euro-arabe dans le processus. Avec plus de recul, l’échec français est aussi celui de l’Europe, le révélateur de sa difficulté à assumer le rapport aux sociétés d’outre-Méditerranée. Les partenaires du sud et de l’est de la Méditerranée ne sont pas étrangers à la crise des relations euro-méditerranéennes, par leur incapacité à parler d’une seule voix comme par leurs dérives autoritaires. Mais la responsabilité des Européens paraît essentielle. Sur un plan conjoncturel, l’affaire de Gaza a causé le gel immédiat de l’UPM. Les Européens dans leur ensemble n’ont pas cherché à dissuader les Israéliens, dont ils ne pouvaient ignorer les préparatifs, de lancer sur Gaza leur offensive, absolument contraire à l’engagement pris, lors de la conférence euro-méditerranéenne de Marseille en novembre 2008, de ne pas recourir à la force pour régler les conflits. Même si l’Union européenne (UE) n’est pas la seule à montrer son impuissance sur ce dossier, sa posture ambiguë a eu un effet délétère sur le rapport de confiance ébauché à Marseille. Ce conflit emblématique continue à bloquer les réunions euro-méditerranéennes. Mais la perte de visibilité et de crédibilité de l’Europe sur la scène méditerranéenne tient aussi à des facteurs plus structurels.